MONTRÉAL – Il semblait acquis que la place des femmes dans le monde de la boxe au Québec n’était plus remise en doute après la conquête du titre des poids super-mi-moyens de l’IBF de Marie-Ève Dicaire au terme de l’un des meilleurs duels présentés sur la scène locale l’an dernier.

 

Mais de récents commentaires formulés par un chroniqueur sportif à la radio ont ramené dans l’actualité un débat foncièrement stérile. De dire que « les femmes, c’est pas fait pour se battre en public » et que « la boxe, ce n’est pas un sport pour les femmes » a provoqué une importante levée de boucliers, mais également prouvé qu’une certaine forme de résistance existe toujours.

 

« C’est certain que notre place, il faut encore la prouver un petit peu, a reconnu Kim Clavel en entrevue à RDS.ca, hier avant-midi, en marge d’une conférence de presse faisant la promotion de la sous-carte du gala d’Eye of the Tiger Management qui sera tenu samedi soir au Centre Bell.

 

« Pour ma part, j’ai été très chanceuse d’avoir un promoteur qui est là pour me soutenir. Je boxe souvent, j’ai de bonnes adversaires et [samedi soir] je boxerai pour une [première] ceinture. Je pense que ça va donner beaucoup de crédibilité à la boxe féminine. C’est cela que ça prend... »

 

« Il y aura toujours des commentaires “plates”, mais j’en entends de moins en moins, a continué Martine Vallières-Bisson, qui effectuera ses débuts professionnels samedi après une carrière de plus de 100 combats dans les rangs amateurs. Je dirais que j’entends plus d’encouragements, car les gens savent à quel point cela peut être difficile pour une femme de percer dans la boxe. »

 

Clavel et Vallières-Bisson ne nient cependant pas qu’un long – et parfois très laborieux – travail d’éducation a d’abord dû être effectué auprès de leurs pairs et ensuite du grand public afin de convaincre tout ce beau monde que les femmes avaient leur place dans les gymnases de boxe.

 

« [Mon entraîneuse] Danielle [Bouchard] me disait que c’était encore beaucoup plus difficile dans son temps que ce l’est pour nous maintenant, a précisé Clavel, qui a mis son autre carrière d’infirmière en veilleuse pour se consacrer uniquement à celle de boxeuse professionnelle.

 

« Nous avons des combats, des adversaires et des promoteurs... dans son temps, ce n’était pas du tout comme ça. La boxe féminine était surtout considérée comme une attraction spéciale. En très peu de temps, il y a eu une énorme progression. Qu’est-ce que ça va être dans 20 ans? »

 

« Quand j’ai commencé à boxer il y a 18 ans, dans les gymnases, les entraîneurs ne s’occupaient pas beaucoup de nous autres, a renchéri Vallières-Bisson. Nous avons dû défoncer des portes pour être reconnues dans ce milieu-là. Je l’avais aussi vécu quand je jouais au hockey cosom. »

 

Ironiquement, l’entraînement de boxe est reconnu comme étant l’un des plus complets dans le monde du sport, mais les boxeuses ne jouissent pas de la même reconnaissance que certaines athlètes qui pratiquent d’autres sports dont les traditions sont plus ancrées dans les mœurs.

 

« C’est la vieille mentalité que de penser qu’une patineuse de vitesse est mieux vue dans le sport parce qu’à la boxe nous nous frappons dessus, a vivement déploré Clavel. Il n’y a pas de la boxe masculine ou féminine, il n’y a que la boxe. Nous sommes dédiées, nous nous entraînons et nous faisons notre sparring. Nous avons autant de sérieux que n’importe quelle athlète. »

 

Une grande source d’inspiration

 

Une des facettes les plus insoupçonnées de la présence de femmes comme Clavel et Vallières-Bisson dans les paysages sportif et médiatique, c’est l’influence qu’elles ont sur une quantité impressionnante de jeunes filles qui souhaitent suivre leurs traces après les avoir vues en action.

 

« C’est fou la quantité de jeunes filles qui viennent me voir et qui me disent qu’un jour, elles veulent être comme moi, a mentionné Clavel. Je vois de plus en plus de jeunes filles s’identifier à nous et c’est vraiment beau de voir ça. Tranquillement, nous faisons et méritons notre place. Peu importe ce que les gens peuvent dire, nous faisons notre place et c’est ça l’important. »

 

« Je me promène dans les écoles primaires et secondaires et explique que l’entraînement de boxe, c’est un mode de vie, et les petites filles adorent ça, a corroboré Vallières-Bisson. Dans la boxe féminine, il y a une qualité de boxe incroyable et je suis positive par rapport à l’avenir. »

 

Il existera peut-être toujours une forme de pression indue sur les femmes qui pratiquent la boxe, mais le jour où elles n’auront plus à se justifier n’est vraisemblablement pas très loin.