Championne, Femke Hermans reprendra tout de même sa routine après Noël
SHAWINIGAN, Qc – La victoire de Femke Hermans face à Mary Spencer est la concrétisation d'un véritable chemin de croix.
Dès le son de la dernière cloche dans le ring du Centre Gervais Auto de Shawinigan, vendredi, la Belge a levé les bras au ciel, tandis que la Montréalaise d'adoption retournait dans son coin, sachant fort bien qu'elle s'était fait battre par meilleure qu'elle lors des 10 rounds de l'affrontement.
Avant même que l'arbitre Steve St-Germain ne lève son bras, confirmant sa victoire par décision unanime et son titre de championne de super-mi-moyennes de l'International Boxing Organization (IBO), Hermans était en sanglots.
« En Belgique c'est très dur d'être boxeur, encore plus d'être boxeuse, a-t-elle dit après son combat devant plus de 3600 spectateurs. Je dois travailler à temps plein. »
Chaque jour de la semaine, Hermans (14-4, 5 K.-O.) se lève à 5 h et quitte son domicile de Londerzeel, en banlieue de Bruxelles, pour aller gérer l'un des commerces des clients de la compagnie de logistique qui l'emploie. À 16 h, elle franchit les 80 km qui la séparent de Le Roeulx, où elle rejoint son équipe du Boxing Club Bufi, où elle s'entraîne depuis 10 mois.
Après ses deux heures dans le gym, elle regagne son domicile, où elle tente de ne pas aller au lit plus tard que 22 h. Et rebelote le lendemain.
« Je l'ai fait avec mon équipe et ça m'a procuré beaucoup de plaisir. (...) Je vais continuer », a-t-elle assuré.
Son association avec le Boxing Club Bufi porte fruits: face à Savannah Marshall, en avril dernier, elle n'a pas mal paru.
« Elle a gagné les deux premiers rounds sur les cartes des juges, raconte son entraîneur, Ronald Bufi. Mais elle a commis une erreur dans le troisième et l'autre en a profité (pour lui passer le K.-O.). »
Camille Estephan, grand patron d'Eye of the Tiger Management et promoteur de Spencer, confirme.
« J'ai reçu un appel (mercredi) d'un gars qui m'a dit qu'elle avait gagné les deux premiers rounds contre Marshall avant de se faire passer le K.-O. Il ne voulait pas qu'on se fasse surprendre. J'en ai d'ailleurs parlé à l'équipe (de Spencer). »
Hermans a célébré sobrement sa victoire à son hôtel du centre-ville. Elle devait regagner la Belgique dans les prochaines heures. Ses plans? Défier Natasha Jonas, qui détient les quatre ceintures « majeures » de la division? Elle ne le sait pas trop.
« On verra. Le problème, c'est qu'en Belgique, la boxe, ce n'est pas la priorité. C'est très difficile d'organiser quoi que ce soit. Mais si (Natasha Jonas) m'appelle, oui, avec plaisir. »
« Je suis évidemment déçu, mais quand on connaît son histoire, on ne peut qu'être heureux pour Femke », a admis Estephan.
Détour
Quant à Spencer, son TGV vers le championnat du monde vient de dérailler. C'est clair que son équipe et elle devront maintenant prendre un chemin plus sinueux.
« C'est décevant, on est très surpris, a dit Estephan. Mary, je crois, vivait beaucoup d'émotions et n'a pas "performé" comme il faut. Mary a peut-être cru tout ce que les gens disaient, qu'elle allait "la tuer" en 30 secondes, qu'elle allait établir des records. (...) Je vais l'appuyer. Elle va revenir. On va prendre un détour, ça va être plus long, mais on va le faire. »
Déçue et le visage tuméfié, Spencer a tout de même encaissé la défaite avec philosophie, se rabattant sur ses nombreuses années d'expérience en boxe amateure.
« Je n'aime pas perdre, qui aime ça? En même temps, qui passe sa vie sans perdre? Ce n'est pas une bonne sensation de penser que vous ne pouvez pas perdre. Je me rappelle que ma première défaite en amateure avait été très libératrice, car je croyais que je n'avais pas le droit de perdre. Puis j'ai perdu, assez tôt dans ma carrière, et ça a été une bonne chose. »
Spencer assure qu'elle n'a pas ressenti de pression supplémentaire à boxer à Shawinigan, patrie de sa conjointe. Estephan croit néanmoins que ça a influencé le résultat.
« Malgré ce que Mary a dit, je pense que l'ampleur de l'événement, à quel point les choses sont allées tellement vite (dans sa carrière professionnelle) – même elle ne croyait pas qu'on pouvait faire ça si rapidement –, je crois qu'elle a été embarquée. On l'a vu: au premier round, elle était déchaînée. Ce n'est pas de la façon dont on gagne contre de bons boxeurs. À mon avis, elle s'est emportée. »
En rafale
- Estephan et Marc Ramsay, l'entraîneur d'Arslanbek Makhmudov, étaient évidemment déçus du manque de compétitivité de Michael Wallisch, qui ne s'est pas relevé de son coin pour le deuxième round de la grande finale de la soirée.
« Ce qu'on connaissait du gars, on pensait qu'il nous aurait donné un meilleur défi, a expliqué Ramsay. J'ai vécu ça dans le passé avec un gars comme David Lemieux: on faisait tout pour lui amener des gars qui allaient lui donner des rounds et il leur faisait mal tôt. Tu ne peux pas les retenir, c'est dans leur instinct. »
- Steven Butler et Estephan étaient tous deux déçus malgré la victoire par décision unanime face à Joshua Conley.
« J'ai mal travaillé, a laissé tomber Butler Beaucoup d'énergie dépensée alors que je n'étais pas obligé de le faire. Il a quand même démontré quelque chose que je n'avais jamais vu auparavant. »
« Je suis content de cette victoire, mais je suis déçu, parce qu'il peut faire mieux, a ajouté Estephan. Il est embarqué dans la 'game' de l'autre. (...) C'était un peu de l'anti-boxe : un peu comme la trappe des Devils quand Jacques Lemaire était leur entraîneur. »