La congestion est l'aspect le plus difficile pour un promoteur
Eye of the Tiger Management compte trois boxeurs classée dans le top-5 mondial à 168 livres et deux autres dans le top-10 à 175 livres. Groupe Yvon Michel s'est déjà retrouvé avec un champion du monde et son adversaire obligatoire — Adonis Stevenson et Eleider Alvarez — dans son écurie. Comment les promoteurs de boxe négocient avec la congestion dans la même division? Avec le plus de doigté possible.
« On a été assez stratégique sur la diversification des fédérations, explique Camille Estephan, président d'EOTTM. Christian [Mbilli], par exemple, on met beaucoup d'efforts sur le WBC. [Osleys] Iglesias est champion IBO, mais on met beaucoup d'efforts auprès de l'IBF. On essaie de prendre différents chemins stratégiques pour s'assurer qu'on n'ait pas à s'affronter l'un contre l'autre dans notre propre écurie avant qu'ils ne soient champions du monde. »
Mbilli (28-0, 23 K.-O.) vient de signer une brillante victoire par décision unanime contre Sergiy Derevyanchenko. Il pointe au premier rang mondial du World Boxing Council, au deuxième de la World Boxing Association (WBA), et aux troisièmes de l'International Boxing Federation et de la World Boxing Organization (WBO).
En plus de sa ceinture de l'International Boxing Organization, Iglesias (12-0, 11 K.-O.) est aussi l'aspirant no 5 au WBC, en plus d'être no 12 à l'IBF. Et il faut aussi compter sur Erik Bazinyan (32-0-1, 23 K.-O.) — qui se frottera à Jaime Munguia le 20 septembre —, classé no 2 à la WBO, no 4 à la WBA, no 6 au WBC et no 7 à l'IBF. Est-ce que la solution pourrait être d'organiser des combats «fratricides»?
« Où on en est en ce moment, on s'occupe vraiment de chaque dossier de façon séparée, individuelle, note Marc Ramsay, entraîneur-chef d'EOTTM, mais également entraîneur personnel de Mbilli et de Bazinyan. On pousse les gars dans les classements, on essaie de prendre les meilleures décision possibles. Peu importe ce que font Christian, Iglesias ou un gars comme Wilkens [Mathieu] qui va commencer tranquillement à monter dans les classements, on tente de prendre les meilleures décisions pour eux au moment venu.
« C'est certain qu'à un moment donné, on peut arriver à un certain embouteillage. On regardera ça en temps et lieu. Si ces affrontements doivent survenir, il faudra que ça en vaille la peine, soit d'un point de vue classement, de ceinture ou pécunier. »
« Ça dépendrait de l'aspect économique, nuance Estephan. Si ce sont des combats très payants pour eux et que ça fait progresser leur carrière, je devrai le faire. C'est ma responsabilité de maximiser leurs occasions sportives et leurs revenus. Est-ce que ce serait intéressant pour moi? Honnêtement, non. Pas du tout. (...) Ce serait difficile, mais si on doit le faire, on le fera. »
Yvon Michel, président de GYM, avait habilement monnayé pendant près de deux ans le report de la défense optionnelle que Stevenson, alors champion WBC des mi-lourds, devait livrer à Alvarez. Si ce dernier a obtenu chaque fois une compensation financière, sa frustration était perceptible.
« Notre situation est bien différente que le cas d'Eleider Alvarez, car Eleider était bloqué par Adonis Stevenson, souligne Estephan. De notre côté, si on regarde à 168 livres, il y a Christian qui avance rapidement. Il s'est établi comme no 1 et comme une vedette de la boxe internationale. Les gens parlent maintenant de lui comme d'un potentiel adversaire pour Canelo et d'un éventuel champion du monde. On va voir ce que Canelo Alvarez va faire: est-ce qu'il va se battre contre Terrence Crawford? Est-ce que les ceintures vont devenir vacantes? Est-ce que Christian pourrait se battre contre lui en mai?
« On a aussi Erik Bazinyan qui va se battre contre Munguia , alors il a l'opportunité de se battre en combats de grandes envergures, très payants, qui pourraient lui permettre de se positionner pour un championnat du monde dans le cas d'une victoire. Alors oui, on a plusieurs boxeurs de haut calibre dans la division, mais ils ne sont pas dans une position où ils sont bloqués. »
12 mois critiques
Les 12 prochains mois seront très importants pour EOTM, qui tentera de maximiser les positions de ses boxeurs au classement.
« Que ce soit pour Christian, Bazinyan ou Iglesias, ils doivent les trois disputer un combat de championnat du monde dans les 12 prochains mois », affirme Estephan.
« C'est l'objectif. Avec Mbilli, on vient de passer à la prochaine étape. On va voir comment l'industrie bouge par rapport à sa dernière victoire, indique pour sa part Ramsay. Dans le cas d'Iglesias, c'est un peu plus délicat, car il est très bon et on est convaincu qu'il peut battre dès maintenant des gros noms de la division. En même temps, il n'a pas beaucoup de combats. On essaie d'y aller un à la fois, de prendre les bons adversaires qui vont le faire progresser comme boxeur et dans les classements. Mais s'il continue de défoncer les portes comme il le fait depuis le début, il est fort possible qu'on se retrouve en championnat du monde en 2025. »
Peut-être le plus méconnu des amateurs de boxe québécois, Iglesias est impressionnant. Une brute, le Cubain n'a disputé que 38 rounds en 12 combats. Sa force de frappe est à la fois sa meilleure carte de visite et son pire ennemi: personne ne voudra prendre le très grand risque de l'affronter pour un maigre chèque de paie. Estephan devra mettre la main dans ses poches pour optimiser son développement.
« C'est déjà commencé, dit Ramsay en riant. Ça prend de gros budgets pour faire bouger les gars. Ça fait partie des risques de la business, des risque que Camille est prêt à assumer pour faire bouger les choses. »
Mais Iglesias possède aussi un atout majeur: la ceinture de l'IBO. Moins connu de ce côté-ci de l'Atlantique, le titre IBO a plus de résonance, voire de prestige, en Europe. Mais il y a plus.
« C'est vrai que l'IBO a plus de crédibilité en Europe. Mais c'est aussi la seule ceinture à 168 livres que Canelo n'a pas, rappelle Estephan. Iglesias est assurément très très loin de la notoriété de Canelo, mais ses accomplissements montrent tout de même un grand potentiel.»
En attendant, EOTTM espère positionner Iglesias pour un combat obligatoire à l'IBF, titre abandonné par Alvarez.
« Vladimir Shishkin va se battre contre William Scull, souligne Estephan au sujet des deux premiers aspirants de l'association. On aimerait ça se trouver dans une position obligatoire pour l'IBF, pourquoi pas un combat d'unification pour l'IBO aussi? »