Muhammad Ali, le légendaire boxeur et ancien champion des poids lourds dont la personnalité a changé le monde du sport et a captivé l'univers entier, est décédé à l'âge de 74 ans, selon un communiqué émis par sa famille.

Le décès, survenu vendredi soir, a été confirmé peu après minuit samedi matin. En après-midi, un porte-parole de la famille a annoncé que les funérailles auront lieu vendredi à Louisville, au Kentucky, ville natale de Cassius Clay. Ce même porte-parole a aussi précisé qu'Ali est décédé à la suite d'un choc septique provoqué par des « causes naturelles non précisées ». Plus tôt cette semaine, il avait été hospitalisé à Phoenix pour des problèmes respiratoires. Sa famille s'était rendue à son chevet.

L'une de ses filles a décrit les derniers moments de son paternel sur Instagram, précisant que le coeur de l'ancien pugiliste a continué de battre pendant 30 minutes après la défaillance de ses autres organes. Hana Ali a ajouté que les membres de la famille ont entouré leur père, le serrant dans leurs bras, l'embrassant, lui tenant les mains et entonnant une prière islamique.

Ali souffrait depuis trois décennies de la maladie de Parkinson, qui a ravagé son corps, mais ne pouvait jamais affaiblir sa présence plus grande que nature. Une figure emblématique lorsqu'il était à son sommet, il a voyagé et il fait plusieurs apparitions lors des dernières années même s'il ne pouvait plus parler en raison des milliers de coups de poing encaissés au cours de sa remarquable carrière.

Ali était un géant de son époque, un furieux et bruyant boxeur dont l'influence s'est fait sentir bien au-delà du ring. Il a pris part à quelques-uns des combats les plus mémorables même si sa carrière a été interrompue pendant trois ans parce qu'il a refusé de faire son service militaire durant la Guerre du Viêt Nam.

Il a vaincu Sonny Liston, il a participé à des combats excitants contre Joe Frazier et il a battu George Foreman lors du « Rumble in the Jungle », au Zaïre. Ali a cependant payé cher les 29 000 coups reçus à la tête durant une carrière qui a peut-être fait de lui la personne la plus reconnue au monde.

« Je suis le meilleur », martelait-il.

Nombreuses réactions

En milieu de nuit samedi, les réactions au décès d'Ali étaient déjà nombreuses.

« C'est une triste journée pour la vie, a déclaré à l'Associated Press Don King, qui a été le promoteur de nombreux combats d'Ali. J'aimais Muhammad Ali, il était mon ami. Ali ne mourra jamais. Comme Martin Luther King, son esprit vivra pour toujours. Il s'est tenu debout pour le monde entier. »

Selon Bob Arum, qui a agi à titre de 26 promoteurs de combats d'Ali, ce dernier a eu un impact encore plus grand que celui laissé par Luther King.

« Il est certainement l'homme le plus influent de mon époque. Il a fait plus que Martin Luther King pour changer les relations raciales et les opinions des gens. Il a été le plus grand boxeur de tous les temps, mais sa carrière de pugiliste est secondaire à sa contribution au monde entier. Ce fut un privilège et un honneur que d'être associé à lui. »

Muhammad AliForeman, qui a perdu un duel historique - et sa ceinture de champion du monde - aux mains d'Ali en 1974 a réagi sur son compte Twitter.

« Ali, Frazier & Foreman, nous formions une seule personne. Une partie de moi est disparue, la plus grande ».

« Je ne l'appelle pas le plus grand boxeur de tous les temps, mais le plus grand homme que j'ai jamais rencontré », avait déclaré Foreman à la veille du 35e anniversaire du fameux « Rumble in the Jungle ».

« À ce jour, il représente la personne la plus emballante que j'ai vue de toute ma vie. »

« Muhammad Ali est une légende et l'un des athlètes les plus célèbres, a également déclaré l'ex-pugiliste Oscar De La Hoya, vainqueur de titres mondiaux dans six différentes catégories de poids. Il est celui qui a instauré l'âge d'or de la boxe et mis le sport au monde. Il a ouvert la voie aux boxeurs professionnels, dont moi-même, et élevé la boxe à un niveau où il est devenu un sport regardé dans des millions de résidences partout dans le monde. »

« Nous avons perdu un géant aujourd'hui, a enchaîné Manny Pacquiao, détenteur de titres dans huit catégories de poids au cours de sa carrière. La boxe a profité du talent de Muhammad Ali, mais pas autant que le monde entier a pu profiter de son humanité. »

Le concert d'éloges s'est poursuivi samedi matin, et Barack Obama est l'un de ceux qui y a participé.

« Muhammad Ali a secoué le monde et le monde s'en porte mieux », a déclaré le président des États-Unis.

Obama a mentionné qu'il conserve une paire de gants d'Ali dans son bureau privé, non loin du Bureau ovale, et sous la fameuse photo du jeune champion « rugissant tel un lion au-dessus d'un Sonny Liston étendu au sol ».

Dans un communiqué, Obama a déclaré que Ali s'est « battu pour ce qui était juste », s'est tenu debout auprès de Martin Luther King fils et Nelson Mandela « lorsque c'était difficile » et « s'est exprimé alors que d'autres ne voulaient pas le faire ».

« La maladie de Parkinson avait peut-être ravagé le corps d'Ali, mais elle ne lui avait pas enlevé l'étincelle dans ses yeux. »

Sur Twitter, l'ancien champion mondial Mike Tyson a lui aussi fait ses adieux à Ali, tout comme la vedette pop Madonna, qui l'a qualifié de Roi et de Héros.

Pelé, la légende du soccer brésilien, a rendu un hommage bien senti à Ali.

« L'univers du sport vient de subir une énorme perte. Muhammad Ali était mon ami, mon idole, mon héros. Nous avons passé de nombreux moments ensemble et nous avons toujours maintenu un bon contact au fil des ans. La tristesse est gigantesque. Je lui souhaite la paix auprès de Dieu. Et j'envoie de l'amour et de la force à sa famille. »

Vie fascinante

Vénéré par des millions de gens, Ali avait une personnalité qui ne laissait personne indifférent et il se promenait avec son entourage tout aussi coloré, qui le pressait de « flotter comme un papillon et piquer comme une abeille ». Il a terminé sa carrière avec une fiche de 56 victoires, dont 37 par K.-O., et 5 défaites en plus d'être le premier boxeur à gagner la ceinture des poids lourds trois fois.

Mais sa vie hors du ring a été aussi fascinante - et controversée - qu'elle l'était entre les câbles.

Ali a rejeté l'Amérique blanche lorsqu'il a rejoint les « Black Muslims » et il a changé son nom de Cassius Clay à Muhammad Ali. Il a refusé de combattre lors de la Guerre du Viêt Nam - « Je n'ai pas de querelle avec les Vietcongs » - et il a perdu trois ans et demi de sa carrière. Il a amusé des dirigeants du monde, disant même une fois au président des Philippines Ferdinand Marcos : « J'ai vu votre femme. Vous n'êtes pas si stupide que vous en avez l'air. »

Ali a déjà estimé qu'il avait amassé 57 millions de dollars américains au cours de sa carrière professionnelle, mais les effets des coups ont duré bien après que tout l'argent eut été dépensé. Ça ne l'a pas empêché de voyager sans relâche afin de promouvoir l'Islam, rencontrer des dirigeants du monde et travailler à ce que les boxeurs ne se fassent pas escroquer par leurs gérants et leurs promoteurs. Même s'il était moins énergique lors des dernières années, il a fait bon nombre d'apparitions publiques, incluant un voyage en Irlande, en 2009.

Muhammad AliAvec son visage presque gelé par la maladie et les mains tremblantes, il a allumé la vasque olympique lors des Jeux olympiques d'Atlanta, en 1996.

Né Cassius Marcellus Clay le 17 janvier 1942, à Louisville, au Kentucky, Ali a commencé à boxer à l'âge de 12 ans après s'être fait voler son vélo. Il a juré au policier Joe Martin qu'il allait corriger la personne qui l'avait volé.

Il ne pesait que 89 livres à l'époque, mais Martin a décidé de l'entraîner à son gymnase de boxe. Le début d'une carrière amateur de six ans s'est conclu avec une médaille d'or dans la catégorie des mi-lourds, lors des Jeux olympiques de Rome en 1960.

S'en sont suivis des combats aussi excitants qu'improbables, notamment en 1964, contre Sonny Liston. Ali s'est emparé de la ceinture de championnat des poids lourds pour la première fois.

Sa trilogie de combats contre Joe Frazier a secoué le monde de la boxe. Lors du premier duel, Frazier a eu le dessus, envoyant Ali au tapis au 15e round.

Il s'agissait de la première défaite d'Ali. Il a pris sa revanche au deuxième combat et ensuite est arrivé l'affrontement surnommé « The Thrilla in Manila », le 1er octobre 1975, aux Philippines. Un combat brutal qui a fait dire à Ali qu'il s'agissait de l'expérience « la plus près de la mort » qu'il avait vécue.

Ali a remporté ce troisième duel, mais il a reçu plusieurs coups de la part de l'infatigable Frazier. Selon plusieurs, il s'agissait de la dernière grande performance qu'il allait livrer.

L'un de ses combats le plus mémorable demeure le « Rumble in the Jungle », lorsqu'il a défait la jeune sensation George Foreman pour redevenir champion du monde des poids lourds à l'âge de 32 ans.

Plusieurs croyaient qu'Ali pourrait se blesser sérieusement contre le puissant Foreman, qui avait envoyé Frazier au tapis six fois dans une victoire au deuxième round.

Devant une foule de plus de 60 000 spectateurs à Kinshasa, Ali a réussi à l'emporter contre toutes attentes pour s'approprier la ceinture des poids lourds pour une deuxième fois.

C'est en utilisant la stratégie du « rope a dope », en laissant Foreman se fatiguer et en encaissant tous ses coups, qu'Ali est arrivé à ses fins. Il lui a passé le K.-O. au huitième round.

« Je vous avais dit que j'étais le meilleur », a-t-il insisté.