MONTRÉAL – Comme le veut le cliché consacré, la ligne est souvent très mince entre la victoire et la défaite dans le monde du sport professionnel. Et c’est probablement encore plus véridique en boxe, étant donné qu’un coup de poing peut faire toute la différence sur l’issue d’un combat.

 

Ghislain Maduma est probablement l’un des pugilistes québécois les plus aptes à témoigner de cette réalité, d’autant plus qu’il s’est retrouvé du côté des perdants deux fois plutôt qu’une dans des combats qui lui auraient permis de changer le cours de sa vie s’il était parvenu à l’emporter.

 

En mai 2014, devant plus de 80 000 spectateurs réunis au Stade de Wembley pour assister à la revanche entre Carl Froch et George Groves, Maduma menait 96-94 sur les cartes des trois juges lorsqu’il a été arrêté par un solide crochet de gauche au menton de Kevin Mitchell au 11e round. Avec une victoire, il serait devenu 1er aspirant à la ceinture des poids légers de l’IBF.

 

Et en octobre 2015, en sous-carte du combat d’unification des moyens opposant David Lemieux à Gennady Golovkin au Madison Square Garden de New York, Maduma s’est incliné par décision partagée des juges (95-93, 95-94 et 93-95) devant Maurice Hooker. Une droite à la joue l’avait envoyé au tapis au 4e round et ce point perdu l’a privé – au minimum – d’un verdict nul partagé.

 

Six sorties plus tard, Hooker devenait champion des super-légers de la WBO et l’Américain est aujourd’hui considéré comme l’un des meilleurs boxeurs de la division après avoir défendu son titre pour la deuxième fois la fin de semaine dernière contre l’obscur Mikkel LesPierre sur DAZN.

 

« C’est un peu ça la boxe... Quand tu gagnes, tu avances. Quand tu perds, tu recules. Mais il n’y a jamais personne qui regarde les nuances des combats, a confié le sympathique montréalais d’origine congolaise en entrevue à RDS.ca, jeudi, en marge de la dernière conférence de presse faisant la promotion des deux galas d’Eye of the Tiger Management qui seront tenus samedi.

 

« Quand tu perds, sur papier, il ne reste que la défaite. Tu recules, d’une, deux, trois ou même cinq cases, mais moi, je sais ce que je vaux. Je me suis entraîné avec les meilleurs boxeurs au monde. Quand j’étais au Wild Card à Los Angeles, j’ai mis les gants avec les tops. À la fin de l’histoire, quand ma carrière va être terminée, je sais que je vais avoir été un grand boxeur. »

 

C’est parce qu’il n’était plus l’ombre de ce qu’il avait déjà été que Maduma s’est accordé une longue pause de vingt mois à la suite de sa défaite devant Ricky Sismundo en octobre 2016 au Centre Bell. Son duel de samedi soir face à l’ancien champion des légers Miguel Vazquez sera son troisième depuis son retour qu’il a effectué discrètement en juin 2018 chez les mi-moyens.

 

« Quand j’ai arrêté après que je me sois battu contre Sismundo, j’ai réalisé que je n’avais plus le goût de faire ce qu’il fallait faire comme effort, a expliqué Maduma. Je suis un gars qui y va all in tout le temps. J’y vais à fond ou je n’y vais pas. Camille [Estephan] m’avait conseillé d’arrêter, mais au fond de moi, je savais que ce n’était pas fini. J’avais dit à tout le monde que je prenais ma retraite parce que je ne voulais pas me faire achaler. Je voulais recommencer à avoir faim.

 

« J’ai appris beaucoup de choses pendant cette pause. J’ai réalisé un peu ce que j’avais perdu et ce que j’étais devenu. Lorsque j’ai décidé de revenir, c’était pour avoir de gros combats, c’était pour avoir quelque chose qui avait du sens. Je sais que je peux battre 90 pour cent des boxeurs qui évoluent dans ma catégorie, mais ce qui m’intéresse, c’est le 5 pour cent qui est au sommet. À la fin, je veux pouvoir dire que je me suis battu contre [Shane] Mosley ou [Manny] Pacquiao! »

 

Maduma ne sait pas jusqu’où le mènera sa deuxième incursion en boxe professionnelle, mais maintenant âgé de 34 ans, il ne gêne pas pour regarder le chemin parcouru avec satisfaction.

 

« Je suis parti de rien, a rappelé Maduma. Quand j’ai commencé ma carrière professionnelle, je n’avais pas été champion canadien [dans les rangs amateurs]. Je n’avais pas été champion nulle part. Camille m’a donné une opportunité, et deux ou trois ans plus tard, j’étais déjà dans le top-5 mondial. C’est quelque chose que je n’oublierai jamais. Je n’oublierai jamais d’où je viens. »