MONTRÉAL – Les qualités athlétiques et la puissance de Steven Butler ont toujours été mises en valeur depuis que le Montréalais a livré son premier duel dans les rangs professionnels en 2014.

Mais au fur et à mesure qu’il gravissait les échelons, des doutes ont jailli quant à sa capacité de gérer ses émotions. Largement documentée, sa défaite contre Brandon Cook en janvier 2017 l’a obligé à effectuer des changements radicaux dans son entourage ainsi que dans sa préparation.

Maintenant âgé de 24 ans et père de deux jeunes enfants, Butler a considérablement cheminé au cours des deux dernières années et demie, mais sa garde rapprochée continue de suivre sa préparation mentale de près, alors qu’il s’apprête à relever le plus important défi de sa carrière contre le champion « régulier » des moyens de la WBA Ryota Murata le 23 décembre au Japon.

« Je suis un gars émotif. Je suis un gars émotif en amour. Je suis aussi un gars émotif avec mes enfants, mais dans un ring de boxe, ce n’est pas nécessairement une bonne chose, a expliqué Butler pendant une rencontre avec les journalistes organisée vendredi après-midi à Montréal. Contre un membre de l’élite mondiale, je dois faire en sorte que tout soit à 100 pour cent. »

« Il y aura un important travail mental à faire, parce qu’il va y avoir une grosse gestion d’énergie à effectuer [le soir du combat], a continué son entraîneur Rénald Boisvert. Steven a les moyens de faire mal à Murata et de le faire hésiter, mais si jamais ça ne fonctionne pas comme ça et que le combat traîne en longueur, il faudra que Steven gère ses énergies et s’en garde pour la fin. » 

« Steven a progressé beaucoup, mais ça s’est fait par étapes. Il a appris à contrôler ses émotions et à trouver les bons moments pour frapper, a renchéri un autre de ses hommes de coin, Jean-François Bergeron. Il est maintenant rendu à l’étape de gérer un plan de match contre un rival de haut niveau et c’est évidemment là-dessus que nous allons plancher ces prochains mois. »

Plusieurs amateurs et observateurs se demandent cependant encore si Butler est réellement apte à se mesurer à un athlète de la trempe de Murata à la suite de sa prestation en demi-teinte face à Vitalii Kopylenko en mai dernier à Las Vegas. Le Québécois l’avait emporté par décision partagée après avoir posé un genou au plancher au huitième round pour reprendre son souffle.

« Je n’étais pas prêt à affronter Kopylenko, s’est défendu Butler. J’avais appris que je l’affrontais à une semaine d’avis. C’est un gars qui a 200 combats chez les amateurs et personne ne veut l’affronter. C’est un boxeur qui est vraiment bon qui n’est peut-être juste pas bien entouré. »

« Quand ce combat-là s’est terminé, nous avions tous un feeling de défaite, a nuancé Bergeron. Mais avec le temps, nous avons été capables de voir que c’était la meilleure chose qui pouvait arriver à Steven. Non seulement il a eu à gérer un combat difficile avec un adversaire difficile, mais également une chute au plancher. Il a dû trouver des solutions au niveau stratégique.

« Si Steven ne revenait pas en force au dixième round, il perdait ce combat-là. Des événements comme ceux-là, c’est la meilleure préparation qu’il ne pouvait pas avoir. Avec le recul, nous en sommes venus à la conclusion que c’était vraiment la meilleure chose qui pouvait lui arriver. »

Une question d’options

En plus de Murata, Butler aurait pu se mesurer au champion de la WBO Demetrius Andrade et à l’espoir invaincu D’Mitrius Ballard. Son équipe est d’avis que les chances de victoires sont plus grandes contre le Japonais, mais il s’agissait aussi de la meilleure entente financière possible.

« C’est Murata que je voulais depuis le début, a avoué Estephan. Il fallait ensuite faire le deal le plus profitable pour Steven et mon organisation. C’était d’ailleurs très important d’obtenir de bonnes conditions et nous les avons eues. Une de ces conditions charnières, c’était les options.

« Mon rôle, c’est de protéger l’avenir du boxeur. Des fois, les autres promoteurs peuvent utiliser les options pour envoyer le boxeur contre un adversaire que tu ne veux pas. C’est une question de contrôle plus qu’autre chose. Dans le cas de Steven, c’est une option d’un seul combat. »

Reste que le dépaysement sera total pour Butler le 23 décembre prochain et la pression forte. C’est pour cette raison qu’il a tenu à assister à la conférence de presse annonçant l’événement un peu plus tôt cette semaine. Il voulait se familiariser avec l’environnement le plus tôt possible.

« J’ai été en contrôle de mes émotions et je suis très fier de moi, a raconté Butler. C’est comme si nous avions disputé le premier round de notre combat : je me sentais à ma place. Peut-être que [les Japonais] pensaient que je serais impressionné, mais ce n’était vraiment pas le cas. »

« C’est une chose de rêver d’être champion du monde, mais quand tu te retrouves les deux pieds là-dedans, c’en est une autre, a prévenu Bergeron, qui a déjà croisé le fer avec l’ancien champion du monde des lourds de la WBA Nikolay Valuev en Allemagne en septembre 2007.

« Quand j’ai boxé contre Valuev, j’ai ressenti l’intensité du moment même si j’étais super bien préparé. J’essayais de faire des liens avec Éric Lucas, à savoir comment il se sentait lorsqu’il se battait en championnat du monde à Montréal. C’est ce que je veux transmettre à Steven. »