« Somebody’s 0 has got to go! »

C’est le cri de ralliement que vous entendrez de la bouche de Michael Buffer lors qu’il fera la présentation des deux boxeurs samedi soir prochain au T-Mobile Arena de Las Vegas. Tout ce que j’espère c’est que cet affrontement entre Sergey Kovalev et Andre Ward, deux boxeurs qui sont invaincus, nous fasse oublier l’année presque lamentable que la boxe a connue au cours de 2016.

Un fait demeure, ce sera le combat de l’année ou bien ce sera un pétard mouillé comme ce fut le cas lors de l’affrontement entre Manny Pacquiao et Floyd Mayweather.

Si Ward décide de se réfugier dans les câbles et accrocher en reculant, ce sera une attraction bien ordinaire.

Pourquoi est-ce que je vous parle du 17 novembre? Parce qu’il y aura exactement 42 ans, ce samedi, au Madison Square Garden de New York, devant une foule d’environ 10 000 personnes, un jeune boxeur de 22 ans,  champion mondial des légers, affrontait un autre jeune pugiliste qui n’avait qu’un seul revers jusque-là. Une vraie guerre.

On s’attendait à une vraie guerre entre un Panaméen et un Portoricain.  Rien de mieux pour la région de New York.

Le champion, dont le titre n’était pas en jeu ce soir-là, n’était nul autre que Roberto Duran, une sorte de phénomène qui présentait une fiche de 31 triomphes contre aucun revers. Son rival, le coriace Portoricain Esteban De Jesus, reconnu comme un des meilleurs de la catégorie.

 Après les présentations d’usages, la cloche sonna pour annoncer le début du combat, prévu pour dix rounds. Ça ne faisait pas 30 secondes que le match était commencé que le champion Duran se retrouvait sur le dos les quatre fers en l’air après avoir encaissé un foudroyant crochet du gauche de la part de De Jesus.

L’arbitre Arthur Mercante compta jusqu’à neuf et Duran parvint à se relever, mais il n’a jamais été en mesure de retrouver son rythme endiablé qui faisait de lui le meilleur boxeur livre pour le livre à ce moment.

Finalement, Duran, après 31 victoires, encaissait sa première défaite en carrière. Dans le temps, on jugeait par rounds et non pas par pointage.

De Jesus a donc remporté la victoire par (6-3-1), (6-2-2, et (5-4-1).

Deux fois K.-O.

Deux autres fois, De Jesus s’est mesuré à Durand en mars 1974 et la troisième fois en janvier 1978. Chaque fois il a perdu par K.-O. et en même temps les titres mondiaux WBA et WBC des légers.  

Dans la vie privée, De Jesus était loin d’être un enfant de chœur. Autant il excellait sur un ring, autant il éprouvait des difficultés dans la vie de tous les jours.

Dès son jeune âge, il faisait usage de la drogue. Il a commencé avec de la marijuana, ensuite ce fut la cocaïne et vers la fin de sa carrière il s’injectait un mélange de cocaïne et d’héroïne (speedball).

Souvent, il faisait usage de drogues en compagnie de son frère Enrique et utilisait ses aiguilles pour se piquer. Enrique est mort en 1985 des suites du Sida. De Jesus a été infecté par lui.

En 1980, le jour de l’Action de Grâce, De Jesus s’en allait assister à une réunion de famille quand il a eu une altercation avec un autre conducteur. Il est sorti de sa voiture et a abattu l’autre chauffeur avec son revolver.

Prison à vie

Mis aux arrêts, il a été condamné à la prison à vie pour meurtre. À l’intérieur des murs, il s’est repenti, si bien qu’il est devenu ministre du culte.

En 1989, il fut remis en liberté à condition qu’il se fasse soigner pour sa maladie.

Sur le point de mourir, De Jesus a reçu la visite de Roberto Duran quelques jours avant sa mort. Il est décédé le 12 mai 1989. Il avait 37 ans.

Quarante-deux ans plus tard, un de nos combattants va connaitre le même sort que Roberto Duran et noircir sa fiche d’un revers. Les experts et preneurs aux livres prétendent dans le moment que c’est Sergey Kovalev qui sortira vaincu, mais de justesse, pas plus.

Pour se racheter

Le 17 novembre 2001 fut une journée de réjouissance pour le poids lourd Lennox Lewis. Sept mois auparavant, il avait perdu ses couronnes WBC et IBF aux mains d'Hassim Rahman.

Pour une des rares fois de sa carrière, Lewis a été négligent. Devant participer à un film, Ocean’s 11, il avait négligé son entrainement, si bien qu’il pesait pas moins de 253 livres pour le combat. C’était le poids le plus lourd auquel il s’était battu au cours de sa carrière.

L’affrontement contre Rahman devait avoir lieu en Afrique du Sud et Lewis s’entrainait à Las Vegas. Très mauvaise combinaison. L’air de Vegas n’a pas la même densité que celle d’Afrique du Sud.

Dès les premiers instants du combat, il était évident que Lewis n’était pas en forme. Il passait son temps à reculer et à sourire devant Rahman.

Malheureusement pour lui, au cinquième engagement, une série en croisée par Rahman l’a atteint directement sur le menton. Le sort en était jeté. Lewis était K.-O. et Rahman remportait la victoire et coiffait les couronnes WBC et IBF.

Un Lewis différent

Sept mois plus tard, cette fois,  Lewis a été beaucoup plus prudent. Bien entrainé, le 17 novembre 2001, il reprenait ses titres IBO, IBF, et WBC. Il a livré trois autres combats par la suite, avant de prendre sa retraite en 2003, et les a tous gagnés.

Don King chanceux

Le 17 novembre 1995, l’ineffable promoteur Don King a connu la journée la plus chanceuse de sa vie. Accusé de fraude dans une cause d’assurance, King s’est présenté devant le tribunal pour répondre à l’accusation. Malheureusement pour la justice, mais heureusement pour lui, le jury n’a jamais été en mesure d’en venir à un verdict. Les membres étaient à égalité et personne n’a voulu changer sa décision. Or, le juge n’a pu faire autrement que d’annuler le procès.

Et je n’ai pas encore changé d’idée. Je crois toujours qu’Andre Ward va souiller la fiche de Sergey Kovalev, mais je dois vous avouer que je ne suis pas certain de mon coup.

Si jamais je me trompe, tant mieux, c’est la boxe qui s’en portera mieux. Kovalev est un boxeur plus spectaculaire que Ward.

Bonne boxe.