Le sermon de Marc Ramsay à Eleider Alvarez était on ne peut plus clair
Boxe mardi, 7 août 2018. 11:11 vendredi, 13 déc. 2024. 04:34MONTRÉAL – « Eleider, c’est un round où tu as montré des balls […] mais on n’a pas besoin de ça. OK? Les balls, on va les garder pour plus tard dans le combat quand les deux boxeurs sont très fatigués. T’as compris? J’ai besoin d’un bon contrôle technique maintenant. OK? On revient au plan de match. Tu m’as bien écouté? Je t’ai dit que si tu m’écoutais toute la soirée, on allait gagner le combat, alors on revient avec notre technique... »
Le sermon de Marc Ramsay à Eleider Alvarez à la suite du quatrième round du combat contre le champion des poids mi-lourds de la WBO Sergey Kovalev présenté samedi soir à Atlantic City était on ne peut plus clair. Après avoir vu le boxeur d’origine colombienne regagner son coin en levant les bras dans les airs, l’entraîneur n’a pas mâché ses mots pour le ramener sur le droit chemin, lui qui a plutôt l’habitude de mettre l’accent sur les points positifs entre les rounds.
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« C’est clair qu’il fallait que je le saisisse », a avoué Ramsay au cours d’un entretien téléphonique avec RDS.ca hier après-midi pendant un arrêt à Albany dans l’État de New York sur le chemin du retour vers le Québec. Il ne fallait absolument pas qu’Eleider s’énerve trop tôt dans le combat afin qu’il garde ses forces pour survivre dans les moments importants à la fin du combat. »
Alvarez, qui avait la mauvaise habitude de déroger des plans de match par le passé de l’aveu même de Ramsay, est heureusement revenu à la raison dès le round suivant en s’assurant de garder les mains bien hautes et en attaquant le corps de Kovalev dès qu’il en avait l’occasion, ce que l’entraîneur d’expérience n’a pas manqué de souligner au retour du boxeur dans le coin.
Reste que cela nécessitait une très bonne dose d’abnégation pour se livrer corps et âme à la stratégie concoctée par Ramsay, d’autant plus qu’Alvarez n’avait aucune difficulté à faire jeu égal avec le champion russe en raison de la vitesse de ses mains nettement supérieure. Tirant largement de l’arrière sur les cartes des trois juges (59-55, 59-55 et 58-56) après six rounds, le Montréalais d’origine colombienne aurait pu payer très chèrement ce lent début de combat.
« Eleider aurait effectivement pu commencer à paniquer après deux ou trois rounds, mais nous avions tellement étudié Kovalev [pendant le camp d’entraînement] en Colombie que c’en était devenu instinctif, a dit Ramsay. C’est une expérience majeure pour la suite de sa carrière.
« Je me souviens très bien du premier combat entre [Jean] Pascal et [Bernard] Hopkins où nous avions vu le tapis nous glisser sous les pieds après cinq ou six rounds. Cette fois, personne n’a paniqué dans le coin. Eleider était bien préparé, parce qu’il n’a jamais eu de combat facile. »
La baisse de régime de Kovalev était évidemment anticipée par Ramsay, mais l’entraîneur a néanmoins reconnu que l’ancien champion unifié a été beaucoup plus coriace qu’il ne le s’était imaginé, tout simplement parce qu’il possède des qualités que certains refusent de reconnaître.
« Kovalev était encore relativement bien organisé au sixième round et ç’a même retardé le moment où nous voulions commencer à mettre de la pression, a précisé Ramsay. Je ne m’attendais jamais à ce que [l’arrêt du combat] se produise aussi tôt, mais je pensais qu’à partir du dixième round, Kovalev trouverait que les coups commençaient à rentrer trop rapidement!
« Le jab et la longueur des bras de Kovalev ont grandement compliqué les choses. Kovalev est un boxeur qui aime bien utiliser la distance pour préparer ses coups. C’est un bien meilleur technicien que ce que les gens peuvent croire. Nous savions qu’il allait finir par souffrir, mais il nous a certainement surpris d’un point de vue technique. Il était vraiment très compliqué. »
Au-delà de la victoire, c’est assurément la manière qui a permis à Alvarez de faire sensation, lui qui n’était pourtant pas reconnu pour sa force de frappe malgré quelques flashes intéressants ici et là par le passé contre Ryno Liebenberg et Lucian Bute pour ne nommer que ceux-là.
« Cette droite, c’est un coup de poing qui avait été tenté dans d’autres combats et même un peu plus tôt [dans celui contre Kovalev], mais qui n’avait pas fonctionné, a mentionné Ramsay.
« Mais il faut rappeler que ç’a été un camp d’entraînement majeur qui nous a permis d’atteindre un niveau de force physique jamais égalé. La force de frappe d’Eleider a peut-être toujours été un peu sous-estimée pour toutes sortes de bonnes et de mauvaises raisons. Elle est assurément en haut de la moyenne et peut causer beaucoup de dommage si l’adversaire ne se méfie pas. »
D’un naturel réservé, Ramsay n’a pas caché sa satisfaction en allant rejoindre son protégé sur le ring dans les secondes qui ont suivi le triomphe de samedi, lui qui a maintenant mené quatre boxeurs – Pascal, David Lemieux, Artur Beterbiev et Alvarez – à la conquête d’un titre mondial.
« Chaque conquête est importante, mais c’est évident que celle-là possède une dimension humaine, a reconnu Ramsay en faisant référence aux deux années et demie pendant lesquelles Alvarez a été aspirant obligatoire à Adonis Stevenson sans jamais obtenir sa chance pour autant. Et il y a le fait que nous étions négligés, comme lors du combat Pascal contre Chad Dawson...
« [Son gérant] Stéphane Lépine et moi avons toujours été convaincus de son talent, mais à un moment donné, je me suis posé des questions parce qu’il avait déjà atteint la trentaine. »
Ramsay entend accorder un repos bien mérité à son boxeur avant qu’il effectue la première défense de sa ceinture. Sauf erreur, Kovalev a 90 jours pour exercer sa clause lui donnant droit à une revanche, mais chose certaine, Alvarez respectera ses engagements, quels qu’ils soient.