A-t-on assisté au dernier combat de la carrière de Joachim Alcine, samedi au Thomas and Mack Center de Las Vegas? Seul lui connaît la réponse à cette question.

Si j'étais dans ses souliers, je me donnerais le temps d'analyser la situation car j'estime qu'il n'est jamais bon de prendre une décision sur le coup de l'émotion. Ce que je peux dire par contre, c'est qu'il s'agissait de la deuxième présence de Joachim sur le réseau HBO et à chacune des occasions, il n'a pas été en mesure de franchir le premier round. Il est donc certain qu'on ne le reverra plus à ce niveau; son nom ne refera tout simplement plus surface. Il semble que Ti-Joa ait de la difficulté à composer avec la pression des combats de cette envergure et pour un réseau comme HBO, ce genre de boxeur n'est pas très vendeur.

Joachim Alcine s'est incliné devant un Matthew Macklin nettement plus affamé. En approchant du ring, je trouvais qu'Alcine avait l'air désintéressé, comme s'il ne voulait pas prendre part à ce combat. Il a lancé un jab très timide en début de round avant de se faire contrer vigoureusement par Macklin. Son entraîneur m'a dit qu'il aurait aimé avoir le temps d'imposer son rythme, de s'acclimater quelque peu au combat, mais à ce niveau-là, tu ne bénéficies pas d'un tel luxe. Ce temps-là, tu te dois de le prendre dans le vestiaire, dans les derniers instants de ta préparation. Ainsi, lorsque tu te pointes dans le ring, le premier coup de poing lancé est déterminant car c'est celui qui démontrera toute ta volonté et ta détermination. Samedi, Joachim n'était pas prêt à ce départ.

Lorsque l'arbitre a vu que le boxeur montréalais ne répliquait à aucune attaque de Macklin, il a pris la décision de mettre fin au combat. À Las Vegas, il est rare qu'on fasse preuve de patience. Au terme du combat, Joachim a déclaré qu'il ne se sentait pas si ébranlé, mais après avoir visité deux fois le plancher, l'officiel n'avait d'autre choix. Il avait l'air d'être déclassé et il était normal de juger que Joachim n'était tout simplement pas de taille pour ce défi.

En tant qu'ancien promoteur de Joachim, j'étais très déçu de cette performance. Je me disais que c'était une douche froide pour la boxe au Québec, qui voyait son ancien champion du monde se faire dominer de la sorte. Sur place au Thomas and Mack Center, on n'avait pas trop le cœur à la fête et j'admets que ça m'a pris un certain temps avant de m'en remettre et de jouir du spectacle que la carte offrait par la suite.

C'est dommage car ce combat est tellement à l'antipode de ce que Joachim avait offert comme prestation à Montréal contre David Lemieux en décembre 2011. À cette occasion, il était une version renouvelée du champion du monde qu'il était quelques années plus tôt. Confortable dans le rôle de négligé, il s'est pointé et il était conscient qu'il n'avait rien à perdre. Alcine s'est levé au niveau du défi : rappelez-vous, il était enragé en montant sur le ring avec le feu dans les yeux. Il avait alors livré l'une des meilleures performances de sa vie, sinon la meilleure. Nul besoin de dire que ce n'était pas ce Joachim Alcine que nous avons vu à l'œuvre samedi soir.

Le groupe GYM a la possibilité d'être impliqué dans ses deux prochains combats d'Alcine si ce dernier ne décide pas d'accrocher ses gants.

Son promoteur Lou DiBella disait qu'il aimerait un combat revanche avec David Lemieux, mais personnellement, je ne considère pas cette éventualité, à court terme du moins. On va laisser passer de l'eau sous les ponts. David se bat en octobre et il pourrait être la tête d'affiche lors d'un gala en 14 décembre. On verra où il en sera après ça, mais il est certain qu'il n'affrontera pas Alcine en 2012.

Martinez-Chavez : à en faire une crise cardiaque

J'ai eu la chance d'assister au combat entre Sergio Martinez et Julio Cesar Chavez fils tout juste derrière le promoteur de Martinez, Lou DiBella, avec qui j'ai l'opportunité de collaborer depuis quelques années.

Ce match, où Martinez a imposé sa loi pendant onze rounds donnant une véritable leçon de boxe à son adversaire, s'est terminé de façon dramatique alors que Chavez a bien failli passer le K.-O. au champion WBC lors du 12e assaut.

Je ne vous mens pas, lorsque Martinez est allé au tapis à mi-chemin au 12e round - après avoir offert une performance sans faille - j'ai cru que DiBella allait faire une crise cardiaque. Il faut le comprendre : une défaite de son poulain au dernier round aurait représenté des pertes de dizaines de millions de dollars pour son organisation puisqu'on parle déjà du Cowboys stadium pour un combat revanche entre les deux boxeurs.

Contrairement à Alcine, Martinez s'est battu avec l'énergie du désespoir lorsqu'il était en danger. Lorsqu'il a visité au plancher, il n'a pas cherché à aller se réfugier dans les coins. Il a répliqué coup pour coup démontrant à l'arbitre et à tout le monde qu'il était en mesure de se défendre. S'il s'était retrouvé dans un coin à encaisser les coups, l'arbitre aurait peut-être mis fin au combat. Sa combativité lui a sauvé la vie. C'était tout simplement génial de pouvoir vivre de telles émotions sur place.

Grâce à ce combat, Martinez a sûrement réussi à obtenir la reconnaissance de la part du milieu de la boxe, qui l'a boudé depuis sa défaite contre Antonio Margarito en 2000 alors qu'il était en début de carrière. Il a eu de la difficulté à établir sa crédibilité, mais il y est arrivé. Lors du combat revanche avec Chavez, ce sera à termes égaux. Dire qu'il était à une minute près de tout perdre ça…

Quant à lui, Chavez fils a réussi à faire oublier les 11 premiers rounds où il avait été complètement déclassé par un adversaire totalement mieux préparé au niveau stratégique, physique et mental. Mais avec la chute au plancher de Martinez, le jeune se disait fier de sa performance et a déclaré qu'il attaquerait plus tôt lors d'un combat revanche. À 26 ans, il a démontré de grandes choses. Disputant son premier grand test en carrière, mais il ne s'est jamais découragé, et ce, malgré un nez fracturé au 6e round et les deux yeux fermés résultat de la vélocité des coups de Martinez. Il n'a jamais perdu espoir et c'est ça que les gens vont se souvenir. Il est allé se chercher du crédit et de la reconnaissance personnelle en tant que boxeur.

À l'image de son père

Ce combat m'a fait penser à celui qu'avait livré Julio Cesar Chavez père contre Meldrick Taylor alors que ce dernier avait dominé une bonne partie de l'affrontement. Cependant, au 12e round, Chavez avait sorti un lapin de son chapeau en passant le K.-O. à Taylor avec 15 secondes à faire. L'histoire aurait été fabuleuse à raconter si Chavez avait réussi à réaliser un tel coup d'éclat.

Chavez père n'était pas à l'abri de se faire jouer un tour par un boxeur avec de belles habiletés athlétiques, mais il était plus brillant sur le ring que son fils. C'est pourquoi je serais surpris que Chavez fils ait une carrière à la hauteur de celle de son père, qui est toujours considéré comme le meilleur boxeur de l'histoire du Mexique. Il était phénoménal. D'ailleurs, il détient le record d'avoir attiré une foule de plus de 132 000 spectateurs lors d'un combat contre Greg Haugen.

*Propos recueillis par Nicolas Dupont