Pour la première fois depuis le combat entre Jean Pascal et Lucian Bute disputé en janvier 2014 au Centre Bell, Marc Ramsay et Stéphan Larouche se retrouveront, puisque Pascal - maintenant entraîné par Larouche - et Eleider Alvarez s’affronteront dans un combat éliminatoire des poids mi-lourds du WBC présenté ce soir en demi-finale du gala mettant en vedette Adonis Stevenson.

Ceux qui sont considérés comme les deux plus grands entraîneurs de leur génération ont formé cinq champions du monde - Pascal et David Lemieux d’un côté ainsi qu’Éric Lucas, Leonard Dorin et Bute de l’autre -, et tous ceux qui ont croisé leur chemin s’entendent pour dire que la boxe québécoise n’aurait jamais atteint ce niveau d’excellence sans leur importante contribution.

Des rangs amateurs jusqu’à la conquête de titres mondiaux, des intervenants de premier plan de la scène locale ont accepté de plonger dans leurs souvenirs afin d’en apprendre un peu plus sur deux hommes qui ont changé à jamais le visage d’un sport en permettant à des athlètes d’ici et d’ailleurs de repousser leurs limites et d’accomplir ce que plusieurs croyaient impossible.

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Tant à micro ouvert que fermé, Marc Ramsay ne cherche jamais à s’approprier le succès de ses athlètes. Jean Pascal? « C’est Sylvain Gagnon qui l’a formé », répond-il. David Lemieux? « Russ [Anber] avait déjà tout fait. J’ai profité du fait que David est devenu un homme », réplique-t-il.

Au détour d’une discussion sur mille et un sujets il y a quelques semaines, Ramsay expliquait que sa réussite n’est due qu’à une chose : le travail. « Si je n’avais pas passé autant d’heures dans le gymnase et sur la route pour accompagner mes boxeurs dans des tournois, je n’aurais jamais pu me rendre jusque-là. Je n’ai pas le talent d’un Stéphan Larouche », disait l’homme de 45 ans.

« Marc a tellement bien évolué. Je l’ai connu dans le temps où j’évoluais au Complexe sportif Claude-Robillard. Il était low profile. Il était celui qui faisait les tâches que les autres ne voulaient pas faire, s’est rappelé le promoteur Yvon Michel, plus tôt cette semaine, en marge des activités de promotion de l’événement de boxe qu’il organise et qui sera présenté ce soir au Centre Bell.

« Graduellement, il a commencé à travailler avec Antonin Décarie et Jean Pascal. Il a monté. Marc est un gars extrêmement droit, loyal et brillant, mais sa plus grande qualité, c’est qu’il connaît ses forces et ses faiblesses. C’est une grande qualité pour un entraîneur, car il est capable d’aller chercher les ressources pour pallier ses points faibles. Il n’a jamais eu peur de s’associer à des gens qui étaient plus forts que lui dans certains domaines. C’est un passionné. »

Tous les intervenants rencontrés par RDS.ca sont d’ailleurs unanimes à ce sujet : Ramsay est un gars d’équipe qui ne possède pas d’égo démesuré comme il l’a déjà prouvé en acceptant que Roy Jones fils se greffe à son groupe dans la préparation du duel de Pascal contre Bute, même s’il était celui qui avait mené le Lavallois aux Jeux olympiques ainsi qu’à un titre mondial.

« Marc est l’entraîneur qui m’a le plus impressionné depuis le début de sa carrière, avoue le vice-président opérations et recrutement de Groupe Yvon Michel (GYM), Bernard Barré. C’est un gars très ouvert. Il n’a pas peur de la compétition. Il s’y colle pour aller chercher le meilleur.

« Quand l’entraîneur d’origine cubaine Pedro Diaz est venu apporter de l’expertise à Boxe Québec, il y a plusieurs entraîneurs qui avaient été offusqués en disant qu’ils n’avaient pas besoin de lui. Mais Marc s’est collé à lui, même s’il était déjà entraîneur d’un champion du monde. Il savait qu’il y avait quelque chose à aller chercher et c’est ce qui m’a impressionné. »

« Marc est quelqu’un qui a toujours su bien s’entourer, renchérit son adjoint Samuel Décarie-Drolet. C’est un fin stratège qui réfléchit toujours dans le but de s’améliorer. C’est quelqu’un qui ne reste jamais au neutre. Il s’informe sur les nouvelles technologies, il essaie continuellement de voir ce qui se fait dans le monde de l’entraînement afin de pouvoir s’améliorer sans cesse.

« Je me retrouve souvent dans le vestiaire des adversaires de nos boxeurs afin de surveiller notamment les bandages et j’en profite toujours pour observer les méthodes de travail et je suis souvent impressionné. Mais quand je regarde tout cela au final, c’est très rare que nos boxeurs perdent, alors Marc doit faire quelque chose de bien également! Il est toujours en train de se remettre en question dans le but de s’améliorer. Il n’utilise jamais deux fois la même recette. »

Ce n’est donc pas un hasard si les rivales - GYM et Eye of the Tiger Management-InterBox - acceptent qu’il entraîne des boxeurs des deux organisations. En plus d’Alvarez, il dirige les carrières d’Artur Beterbiev, Vislan Dalkhaev, Christian M’Billi, Oscar Rivas et Yoni Sherbatov.

« Pour un promoteur, Marc est le meilleur type d’entraîneur qu’il est possible d’avoir, louange Michel. Non seulement il s’occupe des boxeurs que nous lui donnons, mais il va en chercher. C’est lui qui est allé chercher Eleider, Oscar et M’Billi. Et il ne se contente pas juste d’entraîner le monde qui se retrouve dans son gymnase, nous savons que les boxeurs vont être extrêmement bien encadrés. Pour moi, l’encadrement est plus important que le talent et la volonté. C’est pour cette raison nous n’avons pas hésité à lui donner un gars particulier comme Artur Beterbiev. »

« Marc travaille beaucoup avec le style du boxeur, il n’essaie pas de le changer, ajoute Décarie-Drolet. Il prend son style et va l’améliorer. Il y a des entraîneurs qui vont changer le boxeur afin de le rendre pareil à ses autres protégés, mais Marc n’est pas comme cela. Il cherche surtout à maximiser les forces des gens avec qui il travaille. Il a vraiment un œil qui est très, très aiguisé. »

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Il faut avoir eu la chance de se pointer au gymnase de Stéphan Larouche situé dans le sous-sol du Complexe sportif Claude-Robillard pour comprendre à quel point cet homme vit au rythme de son sport au plus profond de ses tripes. Il n’hésite jamais à ouvrir le téléviseur qui surplombe son gymnase pour expliquer avec passion et émotion de quelle façon un boxeur est parvenu à en contrer un autre en changeant de quelques degrés seulement l’angle de son pied avant.

« J’ai connu Stéphan à 16-17 ans au Club de boxe de Jonquière où il est devenu entraîneur après sa carrière de boxeur et tout de suite, il est devenu l’un des meilleurs au Québec, se remémore Barré, qui l’a côtoyé au sein des équipes québécoise et canadienne et qu’il qualifie d’ami.

« Stéphan possède une très, très bonne faculté d’analyse. Il a également une bonne mémoire qui lui permet de faire des schémas dans sa tête. Il est en mesure de faire peaker son boxeur au bon moment. Les boxeurs de Stéphan parviennent pratiquement toujours à livrer leur meilleure performance au moment où ils en ont besoin. Ce n’est pas une qualité qui est donnée à tous. »

« Perfectionniste, passionné, intelligent, lance spontanément son fidèle complice Pierre Bouchard, dont l’amitié indéfectible remonte à 35 ans. Stéphan recherche toujours des moyens différents pour mener ses boxeurs au succès. Il regarde aller un paquet d’entraîneurs, il jase avec beaucoup de monde. C’est un gars qui n’a jamais peur de se remettre en question. »

L’intelligence de Larouche a été constamment évoquée par ceux rencontrés par RDS.ca aux fins de ce reportage. Ses admirateurs croient qu’elle est la raison de ses succès du passé, mais il est évident que des tensions existent entre l’entraîneur et un de ses anciens collaborateurs.

« L’approche de Stéphan est un peu plus centrée sur lui, peut-être parce qu’il est extrêmement intelligent, note Michel, qui faisait partie de l’entreprise qui a lancé les carrières de Stéphane Ouellet et Éric Lucas dans les rangs professionnels et d’InterBox jusqu’à la création de GYM.

« Stéphan se sert davantage des autres selon ses besoins, il est comme un général. Chose certaine, il a toujours su préparer ses boxeurs et je lui confierais un des miens n’importe quand. Nous sommes privilégiés d’avoir quelqu’un comme lui au Québec. Il sait encadrer ses boxeurs. »

« Stéphan est quelqu’un à l’écoute des autres, nuance Bouchard. Il est à l’écoute de ses boxeurs et peut les aider à progresser très rapidement, parce qu’il est très, très fort techniquement. Il va toujours y aller avec les forces de ses boxeurs et travailler avec elles pour les faire progresser. »

En regroupant les témoignages, il est possible d’observer des similitudes entre les méthodes préconisées par Larouche et celles de Ramsay. Le premier confirme cette intuition en disant que « chaque fois que j’entends Marc parler, j’ai l’impression que c’est moi 10 ans plus jeune ».

Si Pascal et Alvarez ont décidé de ne pas jouer le jeu et de ne pas s’invectiver pendant toute la durée de la promotion de leur choc de ce soir parce qu’ils sont des amis, il est possible de prétendre que Larouche et Ramsay les ont imités parce qu’ils se respectent profondément.