Deux têtes, un promoteur
Boxe mercredi, 4 déc. 2013. 09:11 jeudi, 12 déc. 2024. 23:02Au fil des ans, on a assisté à des situations tendues entre les promoteurs de boxe GYM et InterBox. D'un côté, il y avait Yvon Michel qui, après avoir quitté InterBox, tentait de fonder sa propre entreprise. De l'autre, son ancien champion, Eric Lucas, qui, après avoir hérité d'InterBox dans le cadre d'un règlement de dettes de l'ancien patron de l'entreprise, Hans Mühlegg, s'était associé à un homme d'affaires, Jean Bédard, président de Sportscene, pour s'assurer de pouvoir occuper une bonne partie de la place dans le marché montréalais.
La rivalité étant ce qu'elle est, on se dénigrait en sourdine. On déblatérait sur la réputation de certains boxeurs qui n'en avaient pourtant rien à cirer du climat de tension entre les deux groupes. Ce n'était pas très sain comme ambiance, mais c'était la conséquence d'une très vive compétition.
Jean Bédard apporte une précision sur ce qui s'est passé. En haut lieu, il n'y avait pas de flammèches. Il était possible de se parler en toute harmonie. C'est à un palier plus bas, au niveau de l'action, qu'on ne s'aimait pas beaucoup.
« À titre d'exemple, la compétition a toujours été très vive entre le Canadien et les Maple Leafs de Toronto, mais ça se passait uniquement au niveau de la patinoire. Pierre Boivin et son homologue des Maple Leafs pouvaient se parler en parfaite cordialité », dit-il pour mieux clarifier sa pensée.
Samedi, au Colisée de Québec, l'intéressante carte de boxe impliquant deux combats de championnat du monde a été l'oeuvre conjointe des deux entreprises. C'était le point de départ d'une entente imminente qui permettra à GYM et à InterBox d'unir leurs forces respectives dans le but de présenter régulièrement des événements d'importance qui séduiront les boxeurs de classe internationale qui réaliseront que très souvent, quand il y aura une possibilité pour eux de disputer des combats majeurs, c'est à Montréal et au Québec que ça pourrait se passer.
Des événements ont déjà fait l'objet d'une collaboration entre les deux promoteurs. Les deux combats entre Jean Pascal et Adrian Diaconu ont nécessité que Bédard et Michel unissent leurs efforts pour les bâcler. Rien de commun toutefois avec ce qu'on est en train d'établir comme concept. Dorénavant, peut-être pour le plus grand bien de la boxe professionnelle au Québec, les deux entreprises ne feront qu'une. Il y aura deux têtes, mais un seul promoteur.
C'est avant tout un mariage de raison. La boxe montréalaise s'internationalise de plus en plus. Bédard et Michel ont reconnu qu'il était dans leurs meilleurs intérêts d'unir leurs ressources et leurs forces complémentaires dans le but de présenter de grands événements.
« Nous nous sommes rapprochés lors de la mise sur pied du prochain combat entre Pascal et Lucian Bute, explique Bédard. On s'est rendu compte que ça se passait plutôt bien. D'ailleurs, nous nous sommes toujours bien entendus quand nous avons fait des affaires ensemble. Yvon a de bons boxeurs dans sa cour, Lucian est sur le point de revenir et il y a plusieurs bons combats sur la table. Comme Montréal jouit d'une bonne crédibilité sur le plan international, c'était approprié qu'on s'unisse pour arriver à présenter des combats d'importance sur une base régulière. »
Une question se pose, cependant. Il y a plusieurs boxeurs de qualité chez GYM. Quel est l'intérêt pour Michel de s'associer à un groupe dont l'unique tête d'affiche pour l'instant est Bute? Il a été impossible d'obtenir les commentaires de Michel au sujet de ce projet. Bédard, lui, parle strictement d'une occasion d'affaires.
« GYM est une petite entreprise, dit-il. Or, ça prend plus qu'une petite organisation pour pouvoir présenter trois ou quatre combats de championnat du monde en l'espace de quelques mois. Ça ne paraît pas toujours, mais il y a énormément de travail derrière ces soirées de gala. Il y a des ententes à négocier et à signer. Il y a parfois des visas à obtenir pour certains boxeurs étrangers. Nous allons dorénavant négocier les contrats et nous occuper des menus détails. Yvon a beaucoup de bonnes idées, mais il n'a pas toujours le temps ou les moyens financiers de les réaliser. Personnellement, j'aime la boxe, mais je suis avant tout un gars d'affaires. Si on laisse Yvon s'occuper totalement de boxe, en le dégageant de la vente des billets et de mille et un petits détails, il sera encore plus efficace. Voilà pourquoi on devrait bien se compléter, lui et moi. »
Du rififi chez les entraîneurs?
Comment l'entraîneur en chef d'InterBox Stéphan Larouche a-t-il réagi en apprenant le projet de fusion entre les deux organisations, lui qui a parfois eu les gens de l'autre camp en aversion?
« Jean Bédard m'a déjà fait un commentaire que j'ai toujours retenu. Ce n'est pas avec de l'orgueil qu'on paie les factures. Tu peux vouloir être indépendant, mais ce n'est pas dans la chicane que tu règles les affaires. Il faut agir avec logique », mentionne-t-il.
Dès que la rumeur de cette fusion a commencé à circuler, on s'est tout de suite demandé si la cohabitation allait se faire facilement entre Larouche et Alexandra Croft, vice-présidente chez GYM. On ne connaît pas trop la nature de leurs différends passés, mais on sait qu'ils ne sont pas les meilleurs amis du monde.
Samedi, en bordure du ring, ils ont échangé quelques mots, sans plus.
« Il faut comprendre que cette union d'affaires est dans l'intérêt de tout le monde, y compris dans celui d'Alexandra et de Stéphan, précise Bédard. Alexandra a vécu beaucoup d'incertitude dans le passé. Quand un gros nom de l'équipe encaissait une défaite, elle s'inquiétait pour l'avenir de la compagnie et du sien. Même chose pour Stéphan. Quand Lucian a perdu, il s'est probablement demandé ce qu'il allait devenir. La bonne nouvelle, c'est que nous sommes en mesure de monter une organisation assez forte pour assurer l'avenir de tout le monde. »
Cela signifie aussi que les boxeurs des deux entreprises seront dirigés par des entraîneurs qualifiés en Larouche et Marc Ramsay. Risque-t-il d'y avoir du rififi entre les deux? Idéalement, Bédard souhaiterait voir la majorité des nouveaux boxeurs travailler sous la direction de Larouche, mais c'est un secteur où il faudra éviter de créer des frictions.
« Marc Ramsay a déjà énormément de travail, précise Bédard. Si on organise cinq événements dans une année, dont deux ou trois championnats du monde, Stéphan et Marc en auront plein les bras, d'où l'importance pour eux de se partager les responsabilités. »
Sur le plan organisationnel, Larouche n'entrevoit aucun problème avec cette fusion, au contraire. À ses yeux, les deux promoteurs se tirent dans le pied quand ils organisent des événements rapprochés chacun de leur côté. Le tarif des billets est élevé, de sorte que les amateurs se montrent de plus en plus sélectifs dans leurs choix. Il est d'avis qu'il y a surtout de la place pour du développement de qualité dans ce marché restreint. Ramsay et lui peuvent jouer un rôle important sur ce plan.
À chacun son champ de compétence
Alors, comment tout cela se passera-t-il? Qui fera quoi dans cette organisation à deux têtes à qui il faudra éventuellement donner un nom pour éviter toute confusion à l'étranger?
Bédard sera le gestionnaire. Michel sera la tête de boxe. L'expertise de l'un viendra à la rescousse de l'autre.
« Yvon Michel est un passionné de boxe, mentionne Bédard. Il est fort dans son champ d'action. Bernard Barré est une personne ressource compétente dont les connaissances pourraient être exploitées davantage à la télévision. Il vulgarise fort bien son sport. Il ne doit pas être limité à poser des pancartes et à agir en spectateur durant les conférences de presse. En somme, il faudra être capable de soutirer le maximum de tout le monde. »
Finies les chicanes entre les deux clans, donc. Finie la rivalité quand vient le temps de choisir les meilleures dates pour les événements. Michel n'aura pas à s'inquiéter de l'aspect financier et Bédard fera totalement confiance à l'expertise et aux relations de son nouveau partenaire. Si cela se déroule comme prévu, la boxe locale en général et le public en particulier devraient en sortir gagnants.