Sans aucun doute, l'arbitre qui est d'office lors d'un combat de boxe demeure la personne la plus importante de l'événement. Il est celui qui a d'abord la charge d'assurer la sécurité des boxeurs, puis de faire respecter les règlements sur et autour du ring. Certains officiels ont mérité l'admiration du monde de la boxe par leurs interventions justifiées. D'autres se sont fabriqué une certaine célébrité en " personnalisant " leurs manières d'opérer.

Pensons aux :
" Let's get it on, com'on! " de Mills Lane ou
" I'm fair but I'm firm " de Joe Cortez

Mais qu'en est-il de ceux qui ont complètement bousillé un combat ou perdu le contrôle des évènements? Cette liste souligne l'histoire de ceux qui ont marqué l'histoire de la boxe dans un moment d'égarement…ou par pure incompétence. Si certaines des anecdotes qui suivent parviendrons à vous arracher un sourire, d'autres par contre vous glaceront le sang…

1-Ad Wolgast tko13 " Mexican " Joe Rivers (4 juillet 1912, Championnat mondial des légers)

Ad Wolgast fut champion du monde des poids légers de 1910 à 1912. Wolgast n'était ni élégant, ni habile. Il était plutôt un bagarreur de rue sans éducation qui n'avait aucun respect pour les règlements, aucun respect pour ses adversaires. Il se hissa jusqu'au titre mondial par brutalité, bref…vous n'auriez pas voulu le rencontrer dans une ruelle à 3 heures du matin. À l'époque, certains champions travaillaient avec leur officiel personnel! Pour Wolgast, il n'était pas question de boxer si son compagnon Jack Welsh n'arbitrait pas le combat.

Sa seule défense de titre victorieuse fut réalisée aux dépens de " Mexican " Joe Rivers. Durant 12 reprises, les deux hommes se battent presque à mort. Un combat bestial même selon les standards du début du siècle! Au treizième round, Wolgast et Rivers s'ébranlent mutuellement de plein fouet et chutent simultanément au plancher! Les deux hommes s'écroulent, exténués…Ne reculant devant rien, l'arbitre Welsh de son bras gauche soulève carrément Wolgast du tapis pendant… qu'il donne un compte à Rivers de la main droite…! Ad Wolgast est déclaré vainqueur par KO!

Êtes-vous surpris d'apprendre que Welsh n'a pu officier la défense suivante de Wolgast et que celui-ci a perdu son titre par…disqualification!

2-Juan Martin Coggi tko7 Eder Gonzales (17 décembre 1993, Championnat mondial WBA des super-légers)

Coggi est le champion WBA des super-légers et il défend son titre chez lui en Argentine. Au début du deuxième assaut, Coggi envoie Eder Gonzales au plancher. Gonzales se relève puis Coggi fonce sur lui afin de finir le travail. L'aspirant lui lance sans avertissement une droite sur la pointe du menton et le champion s'effondre comme un château de carte. L'arbitre Benito Rodriguez du Vénézuela débute un très long compte en faveur de Coggi qui visiblement, n'est plus en mesure de se défendre.

Coggi titube maladroitement vers son coin et Gonzales se rue sur lui en lançant tout son arsenal puis, Rodriguez intervient entre les 2 hommes. L'officiel protège de son corps Coggi et il repousse Gonzales. L'aspirant, comme tous les spectateurs présents, croit qu'il est devenu le nouveau champion et il se lance dans les bras de ses hommes de coin en criant sa joie! Pendant ce temps, Coggi se déplace comme une pantin à qui ont aurait coupé les fils!

Rodriguez laisse une bonne demi-minute de repos à Coggi puis signale à Gonzales que le combat se déroule toujours!!! Coggi gît toujours à demi-conscient, mais debout le long des câbles, à environ 3 mètres de son coin. L'entraîneur de Coggi crie à celui-ci de revenir vers lui…puis il passe son bras droit à travers les câbles dans le but de tenir la culotte de Coggi afin que celui-ci ne s'effondre pas! Pendant ce temps, Gonzales laisse partir ses bombes sur un champion sans défense!!! Sans le support de l'entraîneur de Coggi, celui-ci s'écroule au tapis. Rodriguez arrête le round avec 13 secondes à écouler…C'est la consternation partout dans l'amphithéâtre!

Toujours très sérieusement ébranlé au troisième assaut, Coggi jouit d'une reprise écourtée…qui ne dure que 2 minutes et 30 secondes seulement! Le but était sans doute de permettre à Coggi de reprendre ses esprits. Le miracle survient au 7ième round quand Coggi passe finalement le KO à Eder Gonzales…Un combat revanche fut imposé par la WBA. Coggi a de nouveau retenu son titre cette fois par KO au troisième assaut…après avoir visité le plancher plus tôt dans la rencontre!


3-Derrick Gainer tko11 Freddy Norwood (9 septembre 2000, Championnat mondial WBA des plumes)

Avant le combat, tout le monde savait que Freddy Norwood boxait à l'occasion au-delà des limites permises. Un petit coup de coude là, un petit crochet au sud de la ceinture…Norwood se permettait cela. Durant les 10 premiers rounds de ce combat, l'arbitre Paul Sita n'est jamais intervenu de manière énergique auprès de Norwwod afin que le champion cesse d'étaler son arsenal plus ou moins régulier à Smoke Gainer.

Au 11ième, " Lil Hagler " Norwood pousse Gainer le long des câbles puis envoie deux autres solides droites sur la coquille protectrice de l'aspirant. Gainer se tord de douleur. Pendant que Paul Sita intervient par derrière, maîtrisant les deux bras de Norwood dans une prise de l'ours, un Gainer enragé lance deux longs crochets de gauche à Norwood, les deux bien centrés sur la coquille du champion. Il s'agissait d'ailleurs des deux meilleurs crochets que Gainer a lancé au cours du duel.

" Lil Hagler " s'effondre de douleur sur le ring, puis Sita débute un compte, comme s'il s'agissait d'une chute au plancher légitime. Au compte de TREIZE, Sita déclare Gainer vainqueur par KO! À la limite, on pourrait concevoir que Sita ait omis de donner les 5 minutes règlementaires à Norwood afin de retrouver ses moyens, mais comment expliquer un compte de 13 pour déclarer Gainer victorieux! C'est à n'y rien comprendre!

4-Karaby Salem tko10 Randie Carver (12 septembre 1999, titre NABF des super-moyens)

Certaines tragédies ne peuvent être évitées, elles ne peuvent être logiquement prévues. Lorsque Gerald McClelland s'est effondré au 10ième assaut lors de son combat face à Nigel Benn, il s'agissait d'un duel fort compétitif où les deux boxeurs avaient livré une guerre de haut niveau. Qui pouvait prévoir que McClelland y perdrait la vue et les fonctions motrices? Même chose lorsque Ray " Boum-Boum " Mancini de ses poings enleva la vie au courageux Duk-Koo Kim. Le Coréen avait remporté une bonne part des reprises et il se défendait fort bien jusqu'à l'appel du 14ième round.

Cependant, l'inaction d'un arbitre cause de temps à autres des tragédies qui pourraient être évitées. Ce fut le cas lors du combat entre Karaby Salem et Randie Carver. " The Natural " Carver, fier de sa fiche de 23-0-1 (14KO's), s'aventura dans une défense de son titre NABF face à Kalem, un inconnu du grand public. Dès les premiers instants du premier round, l'aspirant Kalem se sert autant de sa tête que de ses poings. L'officiel Ross Strada aurait eu mille et une occasions de disqualifier Salem pour coups de tête illégaux. De round en round Carver perdait visiblement de ses moyens, pendant que Salem employait littéralement sa tête comme arme offensive. L'irréparable survint au dixième assaut, Carver s'écroulant au tapis pour ne plus jamais reprendre conscience. Il mourut quelques heures plus tard.

Le réseau FOX qui diffusa la carte en direct, devait la re-présenter en différée plus tard dans la semaine, comme le réseau le fait toujours. Le combat fut si dégueulasse que FOX pris la décision de ne plus diffuser le massacre.

5-Roberto Duran ko8 Davey Moore (16 juin 1983, Championnat mondial WBA des super-mi-moyens)

Le monde de la boxe croyait Roberto Duran sur la pente douce en ce 16 juin 1983. À preuve, 3 défaites à ses 7 précédentes sorties, dont un décevant revers face au très limité Kirkland Lang. Davey Moore, lui, se croyait le roi du monde! Fort d'une fiche de 7-0, il défait Tadashi Mihara à Tokyo pour la reconnaissance WBA. Le New-Yorkais défend par la suite son titre avec succès à 3 reprises, 3 victoires par KO! Cette défense est vue comme une formalité par l'entourage de Moore, d'autant plus que le duel est présenté au Madison Square Garden de New York…

Premier choc pénible pour Moore, la foule du Garden se range unanimement du coté du Panaméen! Très tôt dans le combat, on constate que le Duran qui évolue sur le ring est celui qui a absolument dominé la division des poids légers au cours des années 70. Le feu perce le regard furieux de l'aspirant qui malmène un Davey Moore à court de moyens. Au fur et à mesure que les rounds passent, Duran accentue son rythme endiablé. Davey Moore reçoit une terrible correction, le type de raclée qui détruit un homme.

Au début du 7ième round, l'œil droit de Moore est fermé, du sang sort de sa bouche. Ray Leonard alors commentateur au réseau CBS déclare que Moore est dès lors lourdement handicapé. Au milieu de la reprise, Duran jette un sourire glacial et sournois à Moore qui à peine à tenir debout. Roberto place une furieuse droite au visage de Davey Moore avec 12 secondes à faire et le champion visite lourdement le canevas, les deux yeux maintenant fermés…

Duran est tellement exubérant à la fin du round qu'il va s'asseoir dans le coin de Moore! Ray Leonard et Gil Clancy répètent pendant la minute de repos l'urgence de mettre un terme à la rencontre. Le huitième round est pénible à voir…

" Moore is a target ", "He can hardly walk", "They better stop it, Moore could be seriously hurt", crient Gil Clancy et Ray Leonard à tue-tête. Pendant ce temps, Duran ramasse Moore à volonté, les deux mains du Panaméen explosent sur le corps meurtri du jeune champion. Impassible, l'arbitre Ernesto Magagna regarde la boucherie comme s'il était témoin de la parade du Père Noël…

" THIS IS DISGRACEFUL ", lance Gil Clancy hors de lui.

Finalement, avec 2 ou 3 rounds de retard, le coin de Davey Moore réagit et lance la serviette…

" Worst display of referring in my memory ", crie Gil Clancy, un entraîneur de boxe ayant plus de 40 ans d'expérience.

Ernesto Magagna se demande peut-être 19 ans plus tard pourquoi le coin de Moore a lancé la serviette…

6-Joey Maxim ko14 Sugar Ray Robinson (25 juin 1952, Championnat mondial des mi-lourds)

Le mercure monte ce soir-là à New York au-delà des 38 degrés Celcius. Ray Robinson est le champion du monde en titre des poids moyens et il concède plusieurs livres au champion des mi-lourds Maxim. Le " Sugar Man " enlève facilement les 8 ou 9 premières reprises avec de solides contre-attaques des deux mains. L'arbitre Rudy Goldstein est un peu rondelet, mais il parvient quand même à suivre l'action. Tout se déroule normalement… jusqu'à ce que les spectateurs présents remarquent en début de dixième reprise le comportement bizarre de l'officiel.

Rudy Goldstein se met alors à tousser et il porte fréquemment la main à la bouche. À un certain moment, il s'accorde un répit en reposant son dos contre les câbles! Au milieu du round, Goldstein ne suit à peu près plus l'action et va même jusqu'à tenter de s'agenouiller dans un coin…Malchanceux, Robinson et Maxim s'empêtrent dans l'un des rares accrochages du combat et Goldstein doit se relever avant même d'avoir pu poser un genou au sol…Finalement à bout de force, Goldstein devient le premier officiel à être déclaré KO technique lors d'un combat et il quitte péniblement le ring à l'issue du round.

Le film du combat nous dévoile Goldstein qui descend les marches du ring supporté par le docteur Alexander Shiftt. Par un heureux concours de circonstance, l'arbitre Ray Miller assistait au combat et il fut invité à prendre la relève à pied levé. Pour ceux que ça intéresse, Sugar Ray Robinson décida de rester assis dans son coin à l'appel du quatorzième round, complètement déshydraté. Ce fut la seule et unique défaite de la carrière de Robinson avant la limite.

7-Michael Dokes tko1 Mike Weaver (10 décembre 1982, Championnat du monde des lourds, version WBA)

" Honest " Joey Curtis est l'acteur principal de cette supercherie. Mike Weaver est le champion en titre, mais il est inactif depuis 14 mois à cause d'une dispute contractuelle avec …Don King. Sous la menace de déchoir Weaver de son titre, une entente intervient et le champion accepte d'affronter l'aspirant numéro 1 Michael Dokes, également sous contrat avec King.

Le combat débute furieusement, les deux hommes s'échangent des bombes sans retenue. Avec à peine 25 secondes d'écoulées, Dokes d'un vif crochet de gauche fait visiter le plancher au champion. Plus surpris qu'ébranlé par la vitesse de son rival, Weaver se relève immédiatement. L'aspirant charge Weaver dans un coin et laisse partir une pluie de coups. Le champion bloque ou évite la majorité des charges de Dokes et il se permet même une solide contre-attaque de la gauche.

À la stupéfaction générale, Joey Curtis s'interpose entre les deux hommes et il soulève la main de Dokes en signe de victoire! Une mêlée indescriptible éclate et Dokes doit quitter le ring sans être déclaré le nouveau champion par l'annonceur-maison. Mike Weaver, bouche bée au centre du ring, se pose milles questions…Keith Jackson qui décrit le combat pour le réseau ABC n'en revient tout simplement pas. En conférence de presse, Curtis évoque de manière malhabile le spectre de Duk-Koo Kim…et son désir de protéger Mike Weaver d'un sort identique.

Plus tard dans la soirée, quelques témoins ont rapporté avoir aperçu Joey Curtis dans le chambre d'hôtel de Michael Dokes en compagnie de Don King. La WBA ordonna la tenue d'un match revanche, disputé le 20 mars 1983. Si Weaver n'a pas eu à se plaindre de l'officiel ce soir-là, il ne peut malheureusement pas en dire autant au sujet du travail des juges…Cette revanche se termina par un verdict nul, même si Weaver remporta de l'avis de tous une majorité de rounds.

Pour lire la suite de cette chronique, cliquez sur le lien Dossier arbitrage : les pires prestations de l'histoire de la boxe (la suite), qui se trouve dans la boîte à lire aussi.