MONTRÉAL - Le nom de David Lemieux était sur toutes les lèvres à la suite du revers de Steven Butler contre Brandon Cook devant un peu plus de 5500 spectateurs hier soir au Centre Bell.

Il est en effet difficile de ne pas observer des similitudes dans le cheminement des deux boxeurs alors que Lemieux s’était incliné face à Marco Antonio Rubio en avril 2011 pendant qu’il était en pleine ascension vers un titre mondial et qu’absolument rien ne semblait pouvoir l’arrêter.

À l’époque, Lemieux - qui avait pratiquement le même âge que Butler aujourd’hui - détruisait tous les adversaires qui étaient censés le tester en un ou deux rounds, ce qui avait incité son promoteur Yvon Michel à brûler les étapes, un peu comme Camille Estephan l’a fait avec Butler.

Flanqué d’un nouvel entraîneur - Marc Ramsay - et une défaite - contre Joachim Alcine - plus tard, Lemieux s’est reconstruit en livrant plusieurs combats préparatoires avant de finalement devenir champion des poids moyens de l’IBF en mai 2015 après avoir battu Hassan N’Dam.

« Il va falloir que Steven vive son deuil. Nous allons lui laisser un peu de temps pour avaler la défaite. Ce n’est pas facile, puisqu’il s’agit d’une première depuis le début de sa carrière, a mentionné Estephan en conférence de presse après le difficile revers de son jeune protégé.

« Écoutez, c’est également arrivé à Bermane Stiverne. Il a remonté la pente et il a conquis un championnat du monde des lourds. C’est arrivé à David... et Steven est un jeune avec beaucoup de caractère et de talent et il va apprendre là-dedans. Il est certainement capable de le faire. »

Estephan a cependant promis de prendre le temps d’analyser les raisons qui expliquent cette défaite qui vient contrecarrer les plans de celui qui était classé 8e chez les super-mi-moyens de l’IBF. Ainsi, il ne faut pas s’attendre à le revoir affronter un boxeur de la trempe Cook de sitôt.

« Il va falloir maintenant regarder avec son équipe, avec son coin, tous ensemble, mais qu’est-ce qui s’est passé? À première vue, ç’avait l’air d’un manque d’énergie, a ajouté le président d’Eye of the Tiger Management (EOTTM). Steven boxait bien et il a été capable de faire mal à Cook à plusieurs reprises. Cook est quand même un numéro cinq mondial, ce n’est pas pour rien.

« Je veux prendre mon temps pour voir ce qu’il y a à améliorer et s’assurer que la prochaine fois que Steven disputera un combat de ce niveau-là, qu’il ne manque pas son coup. Il a encaissé beaucoup de coups très puissants qui auraient fait abandonner la plupart des autres boxeurs. La prochaine fois que Steven remontera dans le ring, ce sera dans une version améliorée. »

​Mais est-ce que Butler l’entend ainsi? Le Montréalais a exigé une revanche dans les plus brefs délais alors qu’il n’avait pas encore quitté l’arène et dans un message publié sur Facebook dimanche après-midi, il a notamment écrit que l’arbitre avait arrêté le combat trop vite et qu’il avait gagné tous les rounds. Il a ensuite présenté ses excuses et dit qu’il allait se reprendre.

Pascal affiche ses réserves

Présenté comme le « Sidney Crosby de la boxe » par Estephan depuis ses débuts professionnels en mars 2014, Butler n’est pas le premier boxeur d’EOTTM à subir une dure défaite que certains pourraient qualifier de non nécessaire. Dierry Jean et Ghislain Maduma sont des exemples probants, eux qui se sont inclinés devant Terence Crawford et Maurice Hooker en 2015.

La façon de faire d’EOTTM s’attire les éloges des amateurs, mais également les critiques dans le milieu de la boxe. L’ex-champion du monde et ancien protégé d’InterBox Jean Pascal a d’ailleurs affiché publiquement ses réserves dans un court message publié sur Twitter tard samedi soir.

« C’est ça, la beauté du sport. On ne sait jamais ce qui va arriver, s’est défendu Estephan. C’est arrivé auparavant à plusieurs boxeurs. La plupart des grands champions ont subi des défaites au cours de leur carrière. On n’est pas dans la boxe pour battre le record de Rocky Marciano.

« Auriez-vous mieux aimé un Hongrois qui est classé 356e au monde contre Steven? C’est ça, l’essence du sport. C’est ça, l’essence de l’intégrité de la compétition. Je ne peux pas manquer d’intégrité envers moi-même, envers nos partisans et envers nos boxeurs. Ce sont eux qui risquent tout pour en arriver à avoir une indépendance financière et avoir une renommée.

« Il faut un équilibre dans les choses et si Steven avait été déclassé, j’aurais admis qu’on a fait une erreur. Mais il ne l’a pas été. Il a perdu un combat qui a été compétitif. Malheureusement, son jeune âge et son manque de maturité physique ont fait qu’il a perdu le combat. »

Au final, EOTTM a sacrifié le dauphin présumé de Lemieux en l’offrant à un vétéran dont le potentiel n’avait jamais été véritablement exploité. Entre un Hongrois qui se couche à la première occasion et un Ontarien qui ne demandait qu’une chance de prouver son talent, il y a un monde. Heureusement, Butler n’est âgé que de 21 ans et l’arbitre Marlon B. Wright lui a évité de plonger dans un bourbier qui aurait pu avoir des séquelles pour le reste de ses jours.