Ils étaient comme des frères
Boxe mercredi, 21 nov. 2012. 10:00 vendredi, 13 déc. 2024. 18:00
Quand Lucian Bute a récemment affronté Denis Grachev au Centre Bell, l'ancien propriétaire d'InterBox Éric Lucas n'était pas dans l'enceinte. Ce soir-là, l'amphithéâtre ne semblait pas assez grand pour accueillir Lucas et le président actuel d'InterBox, Jean Bédard, qui se retrouvent au coeur d'une triste histoire de contrat qui trouvera peut-être son dénouement dans une cour de justice.
Pour la petite histoire, rappelons que Lucas, qui a été la vache à lait d'InterBox avant de vendre l'entreprise au groupe Sportscene, propriété de Bédard, pour un dollar, poursuit l'entreprise et son président pour la somme de 391 000$. Il tente ainsi d'obtenir sa part des droits de télédiffusion des combats de Bute. Lucas affirme avoir droit à 25% des droits de télédiffusion que InterBox a empochés à l'occasion des combats de Bute.
Lucas et Bute, son successeur, sont toujours des amis. Avant son dernier combat, Lucas lui a adressé un message texte de bonne chance. Cependant, il semble fini le temps où tout le monde allait prendre une bière ensemble. Il n'y a pas si longtemps encore, Lucas et les gens d'InterBox étaient tous si étroitement liés. Ensemble, ils avaient participé à huit combats de championnat du monde. Ensemble, ils avaient pleuré ou festoyé, selon le cas.
Ceux qui triment dur dans le gymnase d'interBox, boxeurs et entraîneurs, ont encore de l'affection pour Lucas. On en a eu une belle démonstration lundi soir à l'occasion de son intronisation au temple de la renommée du Panthéon des sports du Québec. Une table complète était occupée par ses anciens partenaires. J'y ai vu Bute, Stéphan Larouche, Jean-François Bergeron, Pierre Bouchard, David Messier et l'entraîneur de Pier-Olivier Côté, François Duguay.
C'est à Larouche, son ex-entraîneur, qu'on a demandé de présenter le nouvel intronisé. Le message sur vidéo, chaleureux et bien senti, a été enregistré deux ou trois jours avant le récent combat de Bute. Larouche n'a donc pas tenu compte de la saga judiciaire entre Lucas et son patron à Sportscene, Jean Bédard. Il a notamment mentionné que si la boxe québécoise est devenue ce qu'elle est aujourd'hui, c'est à Lucas qu'elle le doit. Sans son énorme contribution à la boxe locale, sans son intégrité et sa ténacité, il n'y aurait pas de Bute et de Jean Pascal pour la rehausser aujourd'hui.
Dès que Lucas est monté sur scène pour son intronisation, la table d'InterBox s'est levée d'un bloc pour l'applaudir. Puis, une fois l'intronisé de retour dans la salle auprès de sa femme et de ses deux filles, les gens d'InterBox se sont dirigés vers lui pour se faire photographier en sa compagnie. Pendant que la soirée se poursuivait, fallait les voir fraterniser joyeusement.
Une scène belle à voir qui a été visiblement appréciée par Lucas qui n'en finissait plus de sourire en leur compagnie. Quand j'ai fait remarquer à Larouche que le différend actuel est bien dommage parce qu'ils s'aimaient tous comme des frères avant que Lucas ressente la nécessité de poursuivre Bédard pour obtenir son dû.
«Mais on s'aime encore comme des frères, a-t-il rétorqué. Je te signale que c'est Jean Bédard qui a acheté les billets qui nous ont permis d'assister à cette intronisation.»
Une discorde irréaliste
Récemment, Bédard s'est montré hésitant à discuter de cette situation. «Tout ce que je peux dire, c'est que c'est Éric qui nous poursuit. Nous sommes une compagnie qui n'a jamais fait l'objet de poursuites. C'est triste, c'est malheureux. J'ai tout fait pour régler ça», a-t-il dit.
Lucas, de son côté, mentionne qu'il a longuement discuté avec Bédard pour obtenir la part qui lui revient. «Les discussions ont duré plus d'un an, presque deux. À un certain moment, il a fallu en venir là pour faire respecter mes droits», explique-t-il.
Qui a raison? Qui a tort? Un juge se chargera de le déterminer, si jamais on se rend jusque-là. Chose certaine, Lucas, qui n'aime pas brouiller l'eau et dont l'image intègre a fort bien servi la boxe au cours des 15 dernières années, n'agit pas pour le plaisir de la chose. Les fans assidus d'InterBox et de Lucas n'apprécient sans doute pas ce qu'ils voient. Que ces deux-là soient en discorde semble irréaliste.
Bédard est d'accord. «Éric, c'était comme mon fils. Comme athlète et comme personne, je ne peux pas le détester. Parfois, tu connais du nouveau monde qui réussit à te convaincre qu'ils vont t'arranger cela», mentionne-t-il.
Cette dernière remarque rapportée à Lucas le fait sourire. »Je ne crois pas, je ne crois vraiment pas que ce soit le cas, rétorque-t-il. Celui qui me représente n'a vraiment pas besoin de moi dans sa vie. Informez-vous à son sujet. Vous allez voir qu'il n'a pas besoin de mon aide pour progresser dans sa carrière.»
Lucas fait allusion à son avocat, l'un des plaideurs les plus influents au Québec. Me Jacques Jeansonne en a vu d'autres. Il a représenté l'ex-lieutenante gouverneure du Québec, Lise Thibault, dans des accusations de fraude et d'abus de pouvoir; l'ex-politicien Jean Lapierre contre Pierre Sormani de Radio-Canada, de même que Guy Lafleur dans sa poursuite contre le service de police de Montréal.
«J'ai déjà expliqué que j'avais une entente contractuelle et que cette entente me donnait droit à certaines choses, ajoute le principal intéressé. Je ne m'embarque pas dans cette affaire pour le plaisir. Je n'agis pas pour me faire de la publicité. Au contraire, je fais toujours l'impossible pour éviter le sujet.»
Toujours dans la photo d'équipe
Lucas admet que la présence de Larouche, de Bute et de tous les autres à sa soirée d'intronisation lui a fait plaisir. Il précise que cette poursuite ne regarde que deux personnes. Il souhaite d'ailleurs que le différend se règle avant que Bédard et lui se croisent dans une cour de justice.
«Je pense sincèrement qu'on peut régler ça sans qu'on ait à s'écorcher devant tout le monde, dit-il. Pour ma part, je ne contrôle plus rien. Si on peut s'asseoir pour en discuter, tant mieux, mais pour l'instant, c'est entre les mains des avocats.»
Dans le grand hall du bureau chef de Sportscene, à Boucherville, une photo géante représente la grande famille d'InterBox et des Cages aux sports. Dans le style des photos d'équipes au hockey, on aperçoit au centre de l'image le visage rayonnant de Lucas. Depuis le dépôt de cette poursuite, on n'a pas retouché la photo pour éliminer la tête de celui qui poursuit l'entreprise. Cette idée n'a jamais effleuré l'esprit de Jean Bédard.
«Pour moi, ça ne change rien, dit-il. Éric est un bon gars, ce qui ne m'empêche pas d'être déçu.»
Quelque part, à Magog, il y a un ancien champion du monde, ex-valeureux porte-étendard d'interBox, qui l'est tout autant.
Pour la petite histoire, rappelons que Lucas, qui a été la vache à lait d'InterBox avant de vendre l'entreprise au groupe Sportscene, propriété de Bédard, pour un dollar, poursuit l'entreprise et son président pour la somme de 391 000$. Il tente ainsi d'obtenir sa part des droits de télédiffusion des combats de Bute. Lucas affirme avoir droit à 25% des droits de télédiffusion que InterBox a empochés à l'occasion des combats de Bute.
Lucas et Bute, son successeur, sont toujours des amis. Avant son dernier combat, Lucas lui a adressé un message texte de bonne chance. Cependant, il semble fini le temps où tout le monde allait prendre une bière ensemble. Il n'y a pas si longtemps encore, Lucas et les gens d'InterBox étaient tous si étroitement liés. Ensemble, ils avaient participé à huit combats de championnat du monde. Ensemble, ils avaient pleuré ou festoyé, selon le cas.
Ceux qui triment dur dans le gymnase d'interBox, boxeurs et entraîneurs, ont encore de l'affection pour Lucas. On en a eu une belle démonstration lundi soir à l'occasion de son intronisation au temple de la renommée du Panthéon des sports du Québec. Une table complète était occupée par ses anciens partenaires. J'y ai vu Bute, Stéphan Larouche, Jean-François Bergeron, Pierre Bouchard, David Messier et l'entraîneur de Pier-Olivier Côté, François Duguay.
C'est à Larouche, son ex-entraîneur, qu'on a demandé de présenter le nouvel intronisé. Le message sur vidéo, chaleureux et bien senti, a été enregistré deux ou trois jours avant le récent combat de Bute. Larouche n'a donc pas tenu compte de la saga judiciaire entre Lucas et son patron à Sportscene, Jean Bédard. Il a notamment mentionné que si la boxe québécoise est devenue ce qu'elle est aujourd'hui, c'est à Lucas qu'elle le doit. Sans son énorme contribution à la boxe locale, sans son intégrité et sa ténacité, il n'y aurait pas de Bute et de Jean Pascal pour la rehausser aujourd'hui.
Dès que Lucas est monté sur scène pour son intronisation, la table d'InterBox s'est levée d'un bloc pour l'applaudir. Puis, une fois l'intronisé de retour dans la salle auprès de sa femme et de ses deux filles, les gens d'InterBox se sont dirigés vers lui pour se faire photographier en sa compagnie. Pendant que la soirée se poursuivait, fallait les voir fraterniser joyeusement.
Une scène belle à voir qui a été visiblement appréciée par Lucas qui n'en finissait plus de sourire en leur compagnie. Quand j'ai fait remarquer à Larouche que le différend actuel est bien dommage parce qu'ils s'aimaient tous comme des frères avant que Lucas ressente la nécessité de poursuivre Bédard pour obtenir son dû.
«Mais on s'aime encore comme des frères, a-t-il rétorqué. Je te signale que c'est Jean Bédard qui a acheté les billets qui nous ont permis d'assister à cette intronisation.»
Une discorde irréaliste
Récemment, Bédard s'est montré hésitant à discuter de cette situation. «Tout ce que je peux dire, c'est que c'est Éric qui nous poursuit. Nous sommes une compagnie qui n'a jamais fait l'objet de poursuites. C'est triste, c'est malheureux. J'ai tout fait pour régler ça», a-t-il dit.
Lucas, de son côté, mentionne qu'il a longuement discuté avec Bédard pour obtenir la part qui lui revient. «Les discussions ont duré plus d'un an, presque deux. À un certain moment, il a fallu en venir là pour faire respecter mes droits», explique-t-il.
Qui a raison? Qui a tort? Un juge se chargera de le déterminer, si jamais on se rend jusque-là. Chose certaine, Lucas, qui n'aime pas brouiller l'eau et dont l'image intègre a fort bien servi la boxe au cours des 15 dernières années, n'agit pas pour le plaisir de la chose. Les fans assidus d'InterBox et de Lucas n'apprécient sans doute pas ce qu'ils voient. Que ces deux-là soient en discorde semble irréaliste.
Bédard est d'accord. «Éric, c'était comme mon fils. Comme athlète et comme personne, je ne peux pas le détester. Parfois, tu connais du nouveau monde qui réussit à te convaincre qu'ils vont t'arranger cela», mentionne-t-il.
Cette dernière remarque rapportée à Lucas le fait sourire. »Je ne crois pas, je ne crois vraiment pas que ce soit le cas, rétorque-t-il. Celui qui me représente n'a vraiment pas besoin de moi dans sa vie. Informez-vous à son sujet. Vous allez voir qu'il n'a pas besoin de mon aide pour progresser dans sa carrière.»
Lucas fait allusion à son avocat, l'un des plaideurs les plus influents au Québec. Me Jacques Jeansonne en a vu d'autres. Il a représenté l'ex-lieutenante gouverneure du Québec, Lise Thibault, dans des accusations de fraude et d'abus de pouvoir; l'ex-politicien Jean Lapierre contre Pierre Sormani de Radio-Canada, de même que Guy Lafleur dans sa poursuite contre le service de police de Montréal.
«J'ai déjà expliqué que j'avais une entente contractuelle et que cette entente me donnait droit à certaines choses, ajoute le principal intéressé. Je ne m'embarque pas dans cette affaire pour le plaisir. Je n'agis pas pour me faire de la publicité. Au contraire, je fais toujours l'impossible pour éviter le sujet.»
Toujours dans la photo d'équipe
Lucas admet que la présence de Larouche, de Bute et de tous les autres à sa soirée d'intronisation lui a fait plaisir. Il précise que cette poursuite ne regarde que deux personnes. Il souhaite d'ailleurs que le différend se règle avant que Bédard et lui se croisent dans une cour de justice.
«Je pense sincèrement qu'on peut régler ça sans qu'on ait à s'écorcher devant tout le monde, dit-il. Pour ma part, je ne contrôle plus rien. Si on peut s'asseoir pour en discuter, tant mieux, mais pour l'instant, c'est entre les mains des avocats.»
Dans le grand hall du bureau chef de Sportscene, à Boucherville, une photo géante représente la grande famille d'InterBox et des Cages aux sports. Dans le style des photos d'équipes au hockey, on aperçoit au centre de l'image le visage rayonnant de Lucas. Depuis le dépôt de cette poursuite, on n'a pas retouché la photo pour éliminer la tête de celui qui poursuit l'entreprise. Cette idée n'a jamais effleuré l'esprit de Jean Bédard.
«Pour moi, ça ne change rien, dit-il. Éric est un bon gars, ce qui ne m'empêche pas d'être déçu.»
Quelque part, à Magog, il y a un ancien champion du monde, ex-valeureux porte-étendard d'interBox, qui l'est tout autant.