Les amateurs de boxe n’en peuvent plus de patienter, et ils pourront enfin se régaler de la confrontation tant attendue, alors que fouleront le même ring Floyd Mayweather et Manny Pacquiao, ce samedi, au MGM Grand Arena de Las Vegas.

Depuis que les deux clans se sont finalement entendus, on a disposé d’amplement de temps pour analyser sous toutes leurs coutures les variables qui pourraient influencer d’une façon ou d’une autre le résultat.

Pacquiao est un boxeur extrêmement imaginatif et créatif en attaque, et il ne fait aucun doute dans mon esprit que c’est lui qui devra prendre l’initiative du duel dès le tout début. Si le combat se déroule au ralenti, sans que Pacman ne tente de prendre le ring d’assaut, ça avantagera nécessairement Mayweather, et le Philippin le sait pertinemment. Appliquer de la pression est le mot d’ordre dans son coin. L’objectif sera d’être hargneux et agressif dès que la cloche se fera entendre au premier round.

Simplement dit, Mayweather est un génie quand il s’agit de s’adapter aux forces de l’adversaire. Selon mon compte, ce n’est arrivé qu’une seule fois à Money d’être ébranlé durant un combat professionnel. C’est arrivé contre Shane Mosley, mais si on écarte cette exception, il n’a jamais connu de difficultés à enrayer les tactiques offensives de ses rivaux. Fidèle à son habitude, l’Américain va se déplacer et tenter de contrôler l’action, tout en étant moins actif à l’attaque. Tout cela dans le but de frustrer Pacquiao dans ses tentatives de l’atteindre avec puissance.

D’énormes implications financières

Économiquement, les retombées liées à cette confrontation sont difficiles à concevoir tellement elles sont élevées. Il s’agit du combat le plus lucratif de l’histoire, et il ne se compare même pas avec les autres duels ayant généré un gros buzz dans le passé. Les gens tentent de déterminer des comparatifs dans une perspective historique. À mon avis, le meilleur match de boxe jusqu’à présent a été celui opposant Mohammed Ali à Joe Frazier. On avait là deux pugilistes dans la vingtaine, invaincus par-dessus le marché, et un combat qui, en dollars d’aujourd’hui, était doté d’une bourse impressionnante.

Mais au-delà de l’aspect sportif, il existait une connotation culturelle et sociale à l’affrontement entre Ali et Frazier qu’on ne retrouvera pas dans celui disputé samedi à Vegas. Le style de vie mené par les des deux opposants ralliait les masses et amenait une perspective totalement nouvelle. Ce serait mensonger d’affirmer que les gens s’identifient aussi intensément à Mayweather et Pacquiao. Je ne crois pas que les gens soient aussi investis émotionnellement.

C’est néanmoins un combat qui s’annonce grandiose entre les deux meilleurs de leur discipline, mais la place qui leur sera réservée dans l’histoire ne sera déterminée qu’une fois terminé. Tant le choc Ali-Frazier que celui entre Max Schmeling et Joe Louis dans les années 30 ont répondu aux attentes. Pour qu’on lui trouve une place particulière dans la hiérarchie des combats mémorables, l’affrontement Mayweather-Pacquiao devra livrer la marchandise.

Maintenant ou il y a cinq ans?

On a entendu certains observateurs prétendre que ce combat aurait généré plus d’intérêt s’il avait été disputé il y a quatre ou cinq ans. À cet égard, j’ai plutôt l’impression que c’est l’inverse. L’attente de cinq ans, les négociations ratées, les nombreuses brises de bec entre les deux organisations, les changements d’affiliation quant aux réseaux de télévision ; tous ces facteurs auront contribué à mettre la table pour un spectacle plus intéressant qu’il ne l’aurait été en 2010.

Votre prédiction?

S’il est vrai que les deux boxeurs se seraient affrontés au sommet de leurs capacités vers 2010, il faut convenir que ça aurait peut-être donné une bataille à sens unique. Même s’il demeure dans une classe à part encore aujourd’hui, on ne peut faire autrement que de constater que Mayweather a ralenti quelque peu dans les dernières années. Même son père l’admet. Pacquiao, lui, est plus près de la forme affichée lorsqu’il était à son meilleur. Quand un boxeur se fie plus à sa rapidité, son agilité et ses réflexes, il connaît une dégénérescence plus flagrante qu’un gros cogneur.  Ainsi, il est plus complexe en 2015 de déterminer quel boxeur sortira vainqueur. Autrement dit, l’écart s’est rétréci par rapport au niveau de performance que montraient les deux athlètes au tournant de la décennie.

Autant on risque de parler longtemps de ce duel, force est de constater que les ingrédients sont là pour qu’une moitié des gens soit insatisfaite du résultat, puisqu’on aura droit à une rencontre entre deux antagonistes, l’un qui initiera tant qu’il le pourra, et l’autre qui voudra mettre à profit ses remarquables qualités défensives.

Il ne faut pas perdre de vue dans tout cela que ce sport est jugé par des humains. Comment ceux-c iréagiront-ils lorsqu’ils verront un boxeur constamment à l’attaque? Il faut évaluer avec une grande minutie qui aura le dessus dans les échanges. Dépendamment de la perspective, ça peut être avantageux ou pas du tout, comme on l’a vu lors du premier chapitre de  Pacquiao contre Timothy Bradley, en 2012. C’est vraiment une donnée impossible à analyser, mais capitale néanmoins!

J’aime croire que l’affrontement va répondre aux attentes, qu’il se rendra à la limite des 12 rounds, et que le verdict sera très serré, à la faveur de Floyd Mayweather. Un verdict qui pourrait s’avérer impopulaire, mais juste…

* Propos recueillis par Maxime Desroches