MONTRÉAL - Comme tous les amateurs et intervenants du monde de la boxe québécoise, Lucian Bute est tombé des nues lorsqu’il a appris qu’il avait échoué à un test antidopage après le verdict nul majoritaire qu’il a livré à Badou Jack le 30 avril dernier à Washington.

Une quantité indéterminée d’ostarine a été retrouvée dans l’échantillon d’urine fourni par Bute dans les minutes qui ont suivi son duel contre le champion des poids super-moyens du WBC. Comme il l’avait précédemment fait par voie de communiqué, Bute a réitéré son innocence.

« Jamais je n’aurais pu m’imaginer en arriver là, a lancé le boxeur québécois d’origine roumaine au début d’un point de presse présenté dans les locaux du Groupe Yvon Michel à Montréal. Ça fait 21 ans que je suis dans la boxe. Je me suis fait tester à plusieurs reprises en Roumanie dans les rangs amateurs et ici aussi au Québec pendant que j’étais champion du monde.

« Je vais lutter jusqu'au bout »

« Je n’ai jamais, jamais, jamais pris quelque chose, une substance interdite. Tout ce que j’ai pris, ce sont des suppléments pour la récupération. Toutes mes performances, je les dois à mes entraînements. Je m’entraîne comme un malade deux fois par jour, six jours par semaine.

« Pourquoi devrais-je prendre quelque chose, maintenant, à l’âge de 36 ans? C’est loin de moi. Je ne blâme personne, mais il manque quelque chose dans l’équation. Je vais me déplacer à Washington pour assister au test de l’échantillon B et j’espère qu’il sera négatif. Je vais lutter jusqu’au fond pour prouver que je n’ai rien pris, que je suis clean. Je respecte le sport. »

Les plus cyniques pourront arguer que Bute a joué avec le feu et qu’il est responsable de son propre malheur en raison de son association avec le controversé préparateur physique Angel Heredia dans la foulée de sa séparation d’avec son entraîneur de toujours Stéphan Larouche.

Heredia a été associé au laboratoire BALCO qui a fourni des produits dopants à des joueurs du Baseball majeur et à des membres de l’équipe olympique américaine d’athlétisme au début des années 2000. Il s’est ensuite repenti, collaborant avec le FBI, avant de se tourner vers le monde de la boxe, dans lequel il existe un laxisme évident dans la lutte antidopage.

« Lucian est convaincu de ne rien avoir pris d'illégal »

Au cours des dernières années, il a notamment travaillé avec Jean Pascal – un des boxeurs qui a le plus porté la lutte antidopage sur ses épaules – mais il n’était pas directement dans l’entourage de Bute, envoyant plutôt son employé Daniel Ortega pour fournir ses « cocktails maison ». Pour la petite histoire, Heredia était dans le camp de Jack pour le dernier combat.

« Je suis avec ma nouvelle équipe depuis trois combats et je n’ai jamais eu de doute, a avoué Bute. Comme toujours, j’ai fait confiance à l’équipe avec laquelle je travaille. Je n’ai jamais douté que quelqu’un pouvait faire quelque chose de croche. Après ma performance contre (James) DeGale où je me suis fait tester neuf fois, je faisais confiance à mon équipe.

« Tout ce que j’ai pris, c’est ce que m’a donné mon préparateur physique. Je me suis entraîné et il m’a donné des suppléments. Je ne blâme personne et je n’accuse personne – la Commission athlétique, mon préparateur physique ou encore mon équipe –, mais quelque part, ce produit-là est dans mon corps, involontairement. Je ne savais même pas c’était quoi.

Les moments marquants du point de presse de Bute

« Je lui faisais confiance. C’est mon préparateur physique qui m’a fourni mes shakes et mes suppléments, et nous avons suivi le même protocole que pour le combat avec DeGale. Qu’est-ce que je peux faire? Oui, je connaissais son passé, mais chaque personne a droit à sa deuxième chance. Aucun des boxeurs avec qui il a travaillé ne s’est fait tester positif. »

Le contrôle positif de Bute éclabousse évidemment plusieurs des membres de son entourage, à commencer par Heredia, mais également les frères Howard et Otis Grant, qui jouissent d’une excellente réputation depuis le jour où il était eux-mêmes boxeurs dans les rangs amateurs.

« Je ne connais rien (au dopage), a mentionné Howard Grant. Mon travail, c’est d’entraîner Lucian et de l’aider à gagner. Tous les membres de l’équipe avaient un rôle et jamais je n’ai interféré dans le travail des autres. Les seules fois où je me suis assis avec Ortega, c’est pour déterminer si Lucian avait trop travaillé et qu’il avait besoin de prendre un peu de repos. »

« Nous sommes des entraîneurs, pas des spécialistes des suppléments ou de la nutrition, a enchaîné Otis Grant. De ce que nous connaissons de Lucian, nous pouvons vous garantir qu’il ne tourne pas les coins ronds et que ce sont plutôt les tricheurs qui prennent des raccourcis. »

Habituellement peu loquace et laissant toute la place à son frère Howard, Otis Grant a soulevé d’importantes irrégularités pendant le test antidopage effectué par la Commission athlétique le soir du 30 avril. Sans nécessairement élaborer une théorie du complot, il a ses réserves.

« Ces nouvelles font mal à notre sport »

« Nous sommes dans la boxe depuis toujours et nous nous sommes battus partout dans le monde. Je ne veux pointer personne du doigt, mais selon mon expérience, la Commission athlétique de Washington est loin de la Régie des alcools, des courses et des jeux par exemple.

« Je ne dis qu’ils sont incompétents, mais il y avait toutes sortes de gens qui traînaient dans les vestiaires le soir du combat. La soirée était organisée par Floyd Mayweather fils et il possède les moyens de payer quelqu’un pour modifier les échantillons. L’ostarine est bannie depuis 2008, c’est évident que les gens qui travaillent dans le milieu des suppléments le savent. »

Bute n’a pas voulu élaborer sur la suite des choses, réitérant qu’il souhaite que l’analyse de l’échantillon B le lave de tout soupçon. Mais déjà, il reconnaît qu’il est engagé dans le combat le plus difficile depuis le début de sa carrière et qu’aucun coup reçu n’a fait plus mal.