D’entrée de jeu, Yves Ulysse fils ramène l’auteur de ces lignes à l’ordre. Nul besoin d’emprunter la voie de desserte ou de longs détours pour revenir sur sa pause médiatique des derniers mois.

C’est que le boxeur âgé de 32 ans n’a absolument rien à cacher : il a pris ses affaires en main et a enfin demandé de l’aide pour remédier aux problèmes qui le tenaillaient depuis trop longtemps.

Crises de panique et d’anxiété, TDAH, etc. Ulysse n’en pouvait plus de se cacher et de continuer à encaisser les coups – au propre comme au figuré – pendant qu’il souffrait. C’est ainsi que huit mois après avoir disputé son dernier duel et révélé au grand jour ses enjeux de santé mentale, le Montréalais est prêt à remonter dans l’arène et discuter du chemin parcouru depuis novembre.

« Je suis en paix, a lancé Ulysse pendant une longue et généreuse entrevue accordée à RDS.ca cette fin de semaine à quelques jours seulement de son combat contre David Théroux qui sera présenté vendredi soir à Shawinigan en finale d’un événement d’Eye of the Tiger Management.

« Je suis bien, parce qu’il y a beaucoup de choses qui ont changé dans ma vie. Je suis vraiment allé au bout de mes problèmes afin de mieux comprendre les raisons des crises de panique que j’ai eues dans le passé. Je souhaitais aller au fond des choses et ne plus les mettre sous le tapis.

« Trop souvent, je me suis dit que j’allais régler ça plus tard. Trop souvent, j’ai continué de faire comme si de rien n’était afin de ne pas décevoir personne... et afin de plaire à tout le monde. »

Ulysse s’est ainsi accroché aux valeurs profondes qui l’animent : l’intégrité, la générosité et le respect. Plus question de ménager les susceptibilités pour épargner les uns et les autres. Les dernières années ont été tellement laborieuses qu’il ne souhaite plus revivre pareil cauchemar.

« À la suite de mon dernier combat [en novembre, face à Mathieu Germain], ce n’est pas tant la victoire qui importait, mais le fait que j’avais montré que j’étais un être humain, explique-t-il.

« À la boxe, il n’y a pas de place à l’erreur ou encore aux émotions. Il s’agit d’une business où tu es condamné à bien faire, où tu es jugé selon ta dernière performance. C’est aussi une business où énormément de gens veulent te faire croire que tu dépends d’une seule et unique chose.

« Si je perds, qu’est-ce que je deviens? Rien? Vraiment? Quand je regarde tout ce que j’ai bâti, c’est pourtant très loin d’être le cas. Pourquoi autant de gens se seraient associés à moi pour [le projet de gymnase communautaire dans Parc-Extension]? Non, je ne suis pas qu’un boxeur...

« D’avoir parlé de tous mes problèmes et demander de l’aide n’était pas un signe de faiblesse. »

Une nouvelle équipe

En écoutant Ulysse se confier, jamais il n’exprime la moindre rancœur envers ceux qui ont pu le trainer dans la boue au fil des années. Après tout, il a été dépeint comme un athlète très difficile à diriger, qui n’acceptait pas les compromis et qui était beaucoup trop en amour avec son style.

Un changement radical avec le jeune homme mis sous contrat par InterBox il y a près d’une dizaine d’années et qui ne semblait jamais capable d’arrêter de sourire. Ulysse ne sourira peut-être plus jamais autant, mais il est catégorique : il n’est pas un mauvais garçon. Au contraire.

« Au début, j’ai été présenté comme le dauphin de Lucian Bute et avec le temps, je suis devenu le méchant, celui qui ne respectait pas les partisans, rappelle Ulysse. Je n’étais pas préparé à ça et j’ai préféré garder le silence et me suis refermé pour des questions de loyauté et de respect.

« Mais ça n’a pas du tout fonctionné et on a commencé à me montrer du doigt. Cela dit, j’ai toujours pensé qu’en faisant du bien autour de moi, le bien allait m’arriver. Et j’ai eu raison... »

Comme pour marquer une coupure avec son passé, Ulysse s’est tourné vers une nouvelle équipe pour l’épauler dans sa préparation en vue de son combat de vendredi. Exit Rénald Boisvert. Place à Giuseppe Moffa et Antonin Chevalier. Seul l’adjoint de toujours Claudio Misischia a survécu aux changements qui ont été effectués à la fin de la dernière année.

« J’ai un entraîneur-chef aux États-Unis (John Scully, NDLR), mais je préfère nettement travailler avec la relève, car elle a une soif d’apprendre, précise Ulysse. [Giuseppe] veut faire sa propre marque et non vivre sur le nom de son père (Mike Moffa, NDLR). Nous avons commencé à travailler ensemble environ un mois après mon dernier combat et nous nous sommes immédiatement compris.

« Je sais ce que je vaux et j’ai toujours été quelqu’un qui souhaitait continuellement s’améliorer. »

Mais pas question de voir le duel face à Théroux comme en étant un de remise en forme. Ulysse sait plus que quiconque que ces affrontements apparemment gagnés d’avance sont souvent les plus dangereux. « Comment dit-on? Un mensonge qui se répète devient une vérité, prévient-il.

« Quand j’ai affronté [Ismael] Barroso, tout le monde me disait que c’était un vieux en fin de carrière. Il était négligé et n’avait surtout rien à perdre. Tout le monde sait ce qui est arrivé. »

Ulysse préfère résolument vivre dans le moment présent et n’entrevoit pas de plan au-delà de vendredi soir. « Ça ne va que m’attirer des problèmes. » Et des problèmes, il n’en veut plus.