On a fait trois jours exceptionnels de promotion. Pendant presque 24 heures sur 24, on a côtoyé l'équipe de Jean Pascal et celle de Bernard Hopkins. Ce fut trois journées au cours desquelles nous avons tenu quatre conférences de presse en prévision du combat du 18 décembre à Québec. Nous avons d'abord visité Québec, puis Montréal et Toronto avant de s'arrêter à New York.

L'équipe de promotion d'Oscar de la Hoya est d'un très grand professionnalisme. Cette équipe n'a rien refusé de tout ce que nous leur avons demandé, que ce soit pour les entrevues ou pour les présences médiatiques. Et tout ça avec le sourire. De la Hoya n'a pas hésité une seconde à sortir du lit à 6h30 am pour être sur le plateau de Salut Bonjour une demi-heure plus tard.

L'équipe de Hopkins va bientôt venir passer une semaine au Québec pour participer à des séances publiques d'entraînement et on nous a dit qu'il n'y aurait aucun problème pour faire d'autres apparitions publiques. De la Hoya sait ce que représente la promotion et il est prêt à tout faire pour que ça fonctionne.

La tournée a toutefois été éreintante en raison des déplacements et Jean devait aussi trouver le temps de s'entraîner. Chaque arrêt était ponctué d'une série d'entrevues. Quand nous sommes arrivés à New York en fin de soirée, une demi-heure plus tard commençaient les entrevues à la radio. Tôt le lendemain matin, c'était les séances de photos puis les entrevues à gauche et à droite avant la conférence de presse.

Et quelle conférence de presse! C'était vraiment gros. J'avais déjà participé à des conférences dans le Big Apple par le passé mais jamais de cette ampleur. On était le centre d'attraction. C'était impressionnant de voir les images de Jean et d'Hopkins sur les écrans géants de Time Square. L'édifice du Nasdaq était placardé d'écrans géants avec l'affiche de promotion du combat. On marchait sur Time Square et on voyait d'autres écrans qui montraient l'affiche du combat.

Des quatre conférences de presse, celle de New York a été le meilleure de Jean. Il a livré sa meilleure performance. À savoir qui a eu le dessus sur l'autre lors de ces rencontres de presse, je dirais que ça été un match nul. À Québec, on a senti que Jean était nerveux et ça paraissait dans sa voix alors que Hopkins était en plein contrôle. À Montréal, Jean a su reprendre le contrôle et il a réussi à ramener les choses égales. Jean s'est toutefois fait avoir par son adversaire à Toronto. Il a fait une erreur lors de son discours et Hopkins en a profité pour prendre l'avantage. Jean avait gardé essentiellement le même discours qu'à Montréal et Hopkins avait préparé des répliques en conséquence. À chaque déclaration de Jean, Hopkins répliquait directement. C'était coup pour coup!

À Montréal, Jean avait demandé à Hopkins, "Quelle heure est-il?" Hopkins n'avait pas répondu, ce qui avait permis à Jean de dire, "C'est le temps d'une nouvelle ère." Mais à la même question à Toronto, Hopkins a répondu en regardant sa montre, "Il est midi."

Un moment donné, Jean lui a lancé qu'il ne s'était jamais battu contre un Canadien, ce qui a fait bondir Hopkins de son siège. Ce dernier a répliqué, "Tu es un ignorant. En 2000, je me suis battu avec Syd Vanderpool, qui est plus Canadien que toi. Tu es un Haïtien, pas un Canadien." Inutile de vous dire que Jean s'est senti insulté.

Mais à New York, Jean s'était mieux préparé et il a su charmer les médias new-yorkais. Après la conférence, des journalistes sont venus me voir et m'ont dit que c'était le genre de boxeur qu'on aime aux États-Unis. Jean a vraiment séduit tout le monde. Les journalistes ont tous dit la même chose. C'est-à-dire qu'ils ont hâte de voir si Jean passera de la parole aux actes. On m'a dit que s'il battait Hopkins, il n'y aurait plus de limites pour Jean, compte tenu de sa personnalité.

Hopkins était chez lui à New York mais Jean l'a mis dans sa poche. Notre homme a été très brillant. Il avait des répliques différentes des trois autres conférences. Il lui a lancé, "Tu m'as manqué de respect mais ma mère m'a toujours dit de respecter les personnes âgées."

Hopkins n'a pas cessé de dire que Pascal était le champion et que c'était logiquement lui, le favori. Mais Jean a su renverser la vapeur en déclarant, "Dans le fond, c'est toi la légende. C'est toi qui dois supporter le poids d'être une légende. Moi, si je perds, je vais simplement m'incliner devant une légende mais toi si tu perds, tu vas retourner t'asseoir dans ta chaise berçante. Ta carrière sera finie parce que tu n'auras pas d'autres chances. La pression est sur toi, mon homme."

Hopkins n'arrête pas de dire qu'il est heureux à 45 ans et qu'il a un corps idéal mais Jean lui a répliqué que son adversaire rêverait d'avoir encore 27 ans. "Comme tous ceux de son âge, il pense qu'il est encore beau mais il a un corps de 45 ans et il va s'en rendre compte."

Jean a très bien fait durant cette tournée. En fait, il n'y a que son entraîneur Marc Ramsay qui a moins apprécié parce qu'il devait continuer l'entraînement pendant tout ça. Marc comprenait toutefois la situation et il a trouvé le moyen de faire l'entraînement quand même.

C'était impressionnant aussi de voir que tous les grands médias étaient sur place. On y retrouvait USA Today, AOL, CBS , Show Time, ESPN, tous les sites internet, tous les journaux, etc.

À la fin de la journée, les deux boxeurs sont allés mettre fin aux activités de Wall Street en sonnant la cloche. Ça aussi ce fut magique. C'est toute une cérémonie. Le président de Nasdaq était là aussi. Les grands courtiers sont tous venus se faire prendre en photo avec les deux boxeurs. Tout le monde a été vraiment impressionné, Jean le premier. Il était comme un enfant dans un magasin de jouets.

Mais Jean est conscient que ce sont ses performances qui l'ont mené aussi haut et que tout ça est encore bien fragile. La table est mise pour Jean afin de traverser le plateau de champion pour devenir une vedette internationale. Maintenant, il faut qu'il réussisse.

Ce genre de tournée peut avoir une incidence sur le degré de confiance des boxeurs parce que n'oublions pas que Jean va se battre contre un athlète qui a tout vu et qui a tout fait. Notre objectif était de revenir à la maison en n'ayant pas l'impression que c'était trop gros. Hopkins n'a pas cessé de dire que Jean allait faire face à la réalité une fois qu'il sera sur le ring face à lui. Il a ajouté que quand il va regarder dans l'autre coin pour y apercevoir Bernard Hopkins, il va trembler des genoux. Hopkins essayait de jouer dans la tête de Jean, lui qui est un maître dans cet art.

Je ne m'en fais pas parce que je sais que Jean est bien entouré pour faire face au défi. Jean n'est pas tout seul dans ce combat et il n'est pas là par accident. Je pense que les déclarations de Hopkins l'ont encore plus motivé. Jean est excité par ce combat et son équipe fait tout en son possible pour qu'il garde les pieds sur terre.

Je le sais solide et confiant. Jean a déjà visualisé ce qu'il s'apprête à vivre. C'est comme du déjà vu pour lui. Je me souviens en 2008, on avait assisté à New York au combat entre Wladimir Klitschko et Sultan Ibragimov. On avait aussi assisté aux activités de promotion et Jean me disait à l'époque qu'un jour, ce serait lui qui sera là en vedette. À ce moment, il n'était que champion nord-américain et il n'avait pas encore boxé en championnat du monde. Il avait encore bien des échelons à monter.

Un journaliste lui a demandé s'il viendrait boxer à Las Vegas ou à New York s'il battait Hopkins. Dans le passé, Jean aurait dit oui sans aucune hésitation mais cette fois, il a simplement dit, "Moi, je suis avec le meilleur promoteur au monde et je vais boxer où il me le dira et où il y aura plus d'argent sur la table. Et pour l'instant, il y a plus d'argent au Québec pour moi qu'il y en a à Vegas."

Le journaliste a été médusé par la réponse de Jean, qui a enchaîné, "Pourquoi pensez-vous que Hopkins et Chad Dawson sont venus se battre chez nous? Ce n'était sûrement pas pour mes beaux yeux. Le jour où ce sera plus payant de se battre à Vegas ou New York, j'irai. Pour l'instant, ça va très bien chez nous."

En camp d'entraînement

Au-delà de la promotion, la préparation de Jean se poursuit. Il a déjà été en camp d'entraînement en Floride et il est revenu que pour la tournée de promotion. Il va rester ici jusqu'à la fin du mois, après quoi, il mettra le cap sur Miami avant d'aller en Colombie pour revenir ici.

Il vient de terminer la préparation physique générale. Maintenant, il commence à s'entraîner spécifiquement à la boxe et les trois dernières semaines seront consacrées sur sa préparation pour Hopkins.

Hopkins est un maître sur un ring et c'est pourquoi il performe encore à son âge. Il comprend très bien ce qui se passe sur un ring et il s'ajuste très vite. Jean Pascal s'est battu contre Chad Dawson avec un plan de match mais Dawson ne s'est jamais adapté. Mais ce sera différent contre Hopkins, qui saura assurément s'adapter. La préparation de Jean devra donc être beaucoup plus diversifiée. S'il a le temps de voir ce qui se passe, Hopkins est très brillant alors qu'il a plus de problème quand un boxeur se déplace beaucoup comme Roy Jones par exemple. Il a plus de facilité contre des boxeurs comme Kelly Pavlik, qui se lance sans trop réfléchir.

Il va falloir que Jean ait un bon mélange de déplacements, d'explosions, de changements d'angles, de changements de directions avec des feintes et des trappes. Ce sera extrêmement tactique.

*propos recueillis par Robert Latendresse