N’eût été la mauvaise décision rendue par le juge James Kinney en faveur de Jesse Hart, samedi soir, au Hard Rock Hotel & Casino, d’Atlantic City, la fin de semaine aurait été de première classe dans le monde de la boxe.

Tout avait commencé vendredi soir, pas tellement loin du Hard Rock, au Ocean Resort, où Claressa Shields n’a fait qu’une bouchée d’Ivana Habazin, ajoutant ainsi deux autres couronnes à son impressionnant palmarès et établissant un record en devenant championne des super-mi-moyennes. Elle parvenait ainsi à établir une nouvelle marque : reine dans trois catégories de poids en seulement 10 combats, comparativement à 12 pour Vasyl Lomachenko.

Shields a été sans pitié pour l’ex-championne de 30 ans. Elle l’a totalement éclipsée, si bien qu’au sixième engagement, elle l’a terrassée. À la fin de la rencontre, deux juges lui ont donné une note parfaite de 100-90 tandis que le troisième y allait d’un pointage de 99-91.

Pendant ce temps, à San Antonio, au Texas, Jaime Munguia faisait son entrée triomphale dans le monde des poids moyens en disposant de la moustache à Gary O’Sullivan par K.-O. technique/11.

Vive le juge…

Mais le cas qui nous intéresse est celui de Joe Smith c. Jesse Hart et la performance du juge James Kinney et de l’arbitre Harvey Dock.

Commençons par l’arbitre Dock, un ex-boxeur, promoteur et maintenant juge, diplômé en journalisme du Essex College, du New Jersey.

Dans un match furieusement disputé où Smith se portait en attaque et Hart passait son temps à reculer et à accrocher, Dock a maintes fois sermonné Smith pour coups derrière la tête. Pourtant, c’était bel et bien Hart qui retenait. Mais le meilleur restait à venir lorsque la cloche du dernier round a sonné.

Après une longue attente alors qu’une violente bagarre entre partisans faisait rage dans les premières rangées, l’annonceur-maison Jimmy Lennon a finalement annoncé le verdict officiel.

Yvon Michel et moi avions un pointage identique : 99-90 pour Smith. Nous avions donné un seul round à Hart, le troisième. Toutefois, deux ou trois fois au cours de la description, j’avais mis Yvon en garde. Atlantic City, c’est un peu comme Las Vegas.  Tu ne sais jamais à quoi t’attendre quand les juges rendent leurs décisions.

Et c’est là qu’entre en scène notre fameux juge. Alors qu’Henry Eugene (97-92) et Joseph Pasquale (98-91) donnaient la victoire à Smith, James Kinney surprenait tout le monde en optant pour un triomphe de Hart par 95-94. Même un non-voyant n’aurait pu rendre un tel verdict.

Pour reprendre une parole de l’excellent chroniqueur Teddy Atlas : « Si une telle décision n’est pas de l’incompétence, c’est de la fraude… »

Quant au promoteur Bob Arum, il n’a pas manqué d’exiger la suspension sinon le congédiement pur et simple de ce juge Kinney. Le commentateur et analyste de boxe Al Bernstein a ajouté : « Une telle décision est une disgrâce. Il faut éliminer ces verdicts erronés. Mon  fils de 20 ans qui n’a pas vu plus de quatre combats de boxe dans sa vie aurait pu faire mieux! »

Mais qui donc est ce James Kinney?

James Kinney est un résident de Woodbridge, au New Jersey. Il a 63 ans et il est juge depuis le 24 janvier 2015. Il en était à son 301e combat où il officiait. Le soir précédent, le 10 janvier, il avait jugé quatre combats au Ocean Resort d’Atlantic City.

Le pire, c’est que rien ne sera fait.

Souvenez-vous d’Adalaide Byrd et son incroyable score de 118-110 pour Canelo Alvarez lors du premier match contre Gennady Golovkin en septembre 2017. Un juge, Dave Moretti, avait donné la victoire à GGG par 115-113 et l’autre, Don Trella,  avait un verdict nul de 114-114.

Journalistes, commentateurs, analystes et qui encore avaient crié au voleur pour cette décision. On aurait cru que madame Byrd aurait pu tout au moins être suspendue par la Régie de boxe du Nevada pour ce jugement douteux.

Mais non, au contraire… Un mois après cette bourde, en octobre, elle était de retour au travail, et deux mois plus tard, elle était déléguée à Yokohama et à Tokyo, au Japon , pour y officier dans deux matchs de championnat.

Rien n’a changé

Rien n’a changé depuis ce temps sous le soleil. Chaque fois qu’on présente des galas à Las Vegas ou bien à Atlantic City, on ne sait jamais à quoi s’attendre.

Heureusement, cette fois, la décision n’a pas noirci la fiche du boxeur. Au lieu d’avoir gagné par décision unanime, Joe Smith a été déclaré victorieux par décision majoritaire.

Cette victoire de Smith lui vaut donc le titre NABO des lourds-légers et une possible bataille contre le vainqueur du combat entre Eleider Alvarez et Michael Seals, le samedi 18 janvier, au Turning Stone Resort Casino, de Verona, dans l’État de New York. Je vous rappelle que cette rencontre vous sera présentée en direct sur RDS à compter de 22 h et c’est Stéphan Larouche qui sera l’analyste en studio.

Si Smith veut se classer chez les boxeurs élites, il lui faudra éventuellement obtenir des victoires sur des rivaux tels Oleksandr Gvozdyk, Anthony Yarde, Callum Johnson, Badou Jack, Marcus Brown, Gilberto Ramirez et qui encore…  Pourquoi pas Sergey Kovalev ou bien Dimitry Bivol et Artur Beterbiev?

Smith est un boxeur qui sait plaire à la foule par son style fougueux qui ne recule pratiquement jamais devant personne. Il n’est pas le meilleur boxeur sur cette basse terre, mais il est un amuseur public reconnu surtout pour sa force de frappe. Et partout où il passe, il remplit les amphithéâtres.

Dans sa rencontre contre Hart, il n’a jamais laissé le temps à son rival d’établir sa stratégie en conservant une pression constante sur lui. Si bien qu’au septième engagement, il l’a envoyé au tapis.

Des croûtes à manger

Autant Claressa Shields et Joe Smith ont brillé au cours de la dernière fin de semaine, autant la victoire au onzième engagement par Jaime Munguia nous laisse perplexes.

Munguia est un bon boxeur. Il n’a que 23 ans. Sa fiche de 35 victoires contre aucun revers le prouve hors de tout doute. À 22 ans, il était déjà couronné champion chez les super-mi-moyens. Il ne pouvait plus faire le poids de 154 livres, donc il a décidé de graduer chez les 160 livres.

C’est vrai qu’il en était à son premier combat chez les poids moyens. Oscar De La Hoya n’avait que des éloges à son sujet à  la suite de son triomphe sur Gary O’Sullivan, un boxeur de classe « B » et je suis généreux. Un pugiliste que David Lemieux avait endormi en 2,44 secondes de combat, en septembre 2018.

Sachant qu’il a le beau Oscar et tout le clan Golden Boy derrière lui, Munguia n’a pas manqué de défier Canelo Alvarez, Gennady Golovkin, ainsi que les frères Jermall et Jermell Charlo après sa victoire.

Je veux bien croire que Munguia a du talent, qu’il est capable de remplir les salles partout où il passe, mais il a des croûtes à manger pour se comparer à Canelo ou bien encore à GGG.

En somme, l’avenir de Munguia appartient à Golden Boy. Ou bien on le lance dans la gueule du loup dès maintenant et on encaisse de très bons profits, ou bien on attend encore un an et on constate son développement. S’il continue à vaincre adversaire par-dessus adversaire de classe, alors il pourrait se mesurer à Canelo ou encore à GGG dans un an. 

Bonne boxe!