Plus les jours passent, plus on découvre des choses intrigantes dans le triste cas de la jeune Mexicaine de 18 ans, Jeanette Zacarias Zapata, décédée à la suite de son combat contre Marie-Pier Houle présenté au Stade IGA, à Montréal, le 28 août dernier. 
 

Avant d’aller plus loin, laissez-moi vous recommander d’écouter attentivement l’entrevue que Russ Anber a donnée à Francis Paquin à la suite de la mort tragique de la jeune Mexicaine. 


J’espère que lors de l’enquête du coroner, on fera appel à Russ pour éclairer les investigateurs. 


Russ se promène dans le monde entier depuis une quarantaine d’années. Il a travaillé dans le coin de plusieurs champions mondiaux à titre de soigneur et il a été lui-même un entraineur et homme de coin. Difficile de trouver meilleur expert. 


Pas d’autre coupable 


Pour Russ Amber, il n’y a pas d’autre coupable que les hommes de coin de Jeannette Zapata.

 

Ce sont eux qui savaient comment elle s’était comportée lors de ses séances d’entrainement au Mexique. Ils étaient aussi au courant qu’elle avait subi un K.-O. à son dernier combat contre Cynthia Lozano, et qu'elle avait connu certaines difficultés avant de reprendre ses sens sur le ring. 


Encore pire, son conjoint et ses hommes de coin étaient au courant que les médecins l’avaient informée qu’elle devrait être éventuellement opérée au cerveau. Et personne de son entourage n’a tenu compte de cela. 


Quant aux médecins mexicains, qui ont procédé aux examens d’usage, ils ont déclaré que Zapata avait passé tous les tests et qu’elle était en excellente forme physique. 


Selon le père de la jeune victime, Esteban Zapata, sa fille était en état de se battre. Elle connaissait les dangers de sa profession de boxeuse.  Elle avait déjà déclaré à son père, son conjoint et entraîneur, Jovanni Martinez, que si jamais elle devait rendre l’âme à la suite d’un combat, « alors c’est comme cela que je vais mourir... », avait-elle déclaré. 


Le papa, lui-même un ancien boxeur, qui a servi de partenaire d’entrainement à sa fille, a mis les gants avec elle. Il a parcouru des milles et des milles avec elle. 


Il prétend que l’arbitre Albert Padulo aurait dû mettre un terme au combat avant que l’accident ne se produise. 


Au lieu de s’en prendre à l’arbitre, il devrait plutôt pointer du doigt son propre gendre Jovanni Martinez, qui était dans le coin de sa fille et qui avait la possibilité de la voir continuer à se battre ou non. 


Pourquoi ne l’a-t-il pas fait?  


L’adversaire et le coin 
 

« Certains boxeurs ou boxeuses qui montent sur le ring doivent parfois se battre contre l’adversaire et leurs hommes de son coin », soutient Anber. 


Il n’en revient toujours pas d’avoir vu le père de Miguel Cotto, Evangelista, son homme de coin,  le laisser aller round après round se faire charcuter par Antonio Margarito. C’était le 26 juillet 2008, au MGM Grand de Las Vegas. 


Le visage de Cotto était tout ensanglanté, depuis le septième engagement. Il était évident qu’il ne pouvait plus rivaliser avec son adversaire. Et pourtant, le bonhomme n’a rien fait. 


Au onzième round, il lui a fallu mettre un genou au tapis deux fois, tellement il était en difficulté, avant que finalement son père ne lance la serviette. 


« Son propre père, admet Anber avec surprise. Pourquoi le laisser se faire charcuter? Il savait que son fils était en difficulté. Qu’il aurait pu être blessé sérieusement. Il a fallu attendre jusqu’au onzième engagement avant qu’il ne  lance la serviette. » 
 

Le  cas Lemieux 


Le 8 avril 2011, au Centre Bell a Montréal, Russ Anber a lui-même été impliqué dans un incident qui aurait pu avoir des conséquences  graves. 


David Lemieux (25-0-0, 24 K.-O.) affrontait Marco Antonio Rubio. Lemieux était alors reconnu comme le onzième meilleur poids moyens au monde. Il n’avait jamais connu la défaite. 


Au septième engagement, Rubio avait Lemieux à sa merci dans les câbles, si bien que David dut prendre un compte de huit. Comme le barrage de coups se continuait, Russ  n’a pas attendu l’intervention de l’arbitre. Il est monté sur le bord du ring pour signifier à l’officiel  que son protégé en avait assez,  que son boxeur était battu et il demandait l’arrêt des hostilités. 
 

Lemieux a toujours tenu rancune à Russ pour cet arrêt, mais à cela Anber répond : « Peut-être que cet arrêt de ma part lui a permis de devenir champion du monde par la suite. Si c’était à recommencer, je ferais encore la même chose.» 
 

Pro du jour au lendemain 


Autre chose qui m’a frappé dans l’exposé de Russ, c’est le permis du boxeur professionnel. 


« Comment se fait-il qu’un boxeur peut devenir professionnel du jour au lendemain sans jamais avoir eu d’expérience du ring auparavant?  


 Pas de boxe amateur? Pas d’arts martiaux mixtes? Peut-être quelques combats de rue, pas plus. 


« La boxe est un des seuls sports au monde, où tu n’as pas besoin d’expérience amateur pour devenir professionnel. 
 

« Dès que ton cœur bat, que tu as un pouls, tu peux devenir pro, de continuer Russ. Surtout dans des pays comme le Mexique où tu peux boxer professionnellement à 15 ans. »


« Cela fait 42 ans que je suis dans ce métier là et je ne comprends toujours pas. » 
 

Aucun respect 


Pour Russ Anber, la télévision est un peu responsable pour ce qui se passe, « On n'a aucun respect pour la boxe professionnelle, prétend-il. Comment un type comme Nate Robinson, un ancien joueur de basketball, a-t-il pu monter sur le ring sans aucune expérience? Il a failli mourir à la suite de son percutant K.-O. aux mains d’un des frères Logan. J’ignore lequel. Comment une Commission athlétique peut-elle donner un permis à des individus qui n’ont jamais pratiqué la boxe auparavant ? » 
 

À cela j’ajoute que samedi soir prochain, au Seminole Hard Rock Hotel et Casino, de Holllywood, en Floride, Evander Holyfield affrontera Vitor Belfort dans un combat de huit rounds. 
 

Holyfield, un ex-champion mondial, n’a pas boxé depuis dix ans. C’est à peine s’il s’est entraîné. Il a 58 ans et son rival, Vitor Belfort, un ex-artiste des arts martiaux mixtes, en a 44. 


Malgré tout, la Commission de boxe de la Floride a donné un permis de boxer aux deux hommes. Ce sera un vrai combat de boxe avec un arbitre et trois juges. 
 

N’est-ce pas courir après le trouble ? 


Surtout que la commission de boxe de la Californie avait refusé un permis à ce même Holyfield, qui, selon leurs experts n’était pas en assez bonne forme pour se battre. 


Russ cite aussi l’écrivain Jimmy Cannon  qui a écrit : « La boxe, c’est le quartier interlope des sports... » 


Il y a des pugilistes qui boxent pour gagner leur vie. Pour payer une dette d’étudiant. Le métier est dangereux, mais il faut bien mettre du pain sur la table pour la famille. 


Certains refusent les emplois les plus dangereux. « Il y a toujours quelqu’un quelque part qui sera prêt à faire ce travail », soutient Russ. 


Les conséquences sont là 


À la boxe, tu connais les conséquences. Si tu es battu par K.-O., tu seras suspendu automatiquement.  


« Au hockey, tout le monde est debout quand il y a un combat de boxe, raconte Anber. Tu peux passer le K.-O. à ton rival, pratiquement l’assommer et pourtant, le lendemain, tu seras à nouveau sur la glace, sans aucune suspension. » 


Les puristes s’en donnent à cœur-joie quand il y a une mortalité dans notre monde de la boxe. 


« Ces gens-là ne parlent jamais autrement que quand il y a un mort. Combien de joueurs de hockey ou de football se sont suicidés? » 


Enfin, Russ Anber recommande de trouver des gens passionnés pour travailler dans le monde de la boxe.  


Une de ses recommandations serait une réunion après quelques années de tous les gens impliqués dans la boxe. Il y a toujours place à l’amélioration et ce sont eux qui sont vraiment dans le feu de l’action. 


« Pas des bureaucrates. Non, des arbitres, des entraîneurs, des dirigeants, pour gérer tout cela. Chez nous, la Régie n’a rien à se reprocher dans le cas de cette mortalité. Auparavant, on a eu Mario Latraverse et Michel Hamelin qui ont bien mené la barque jusqu’ici. Il faut continuer leur travail. » 


J’ai été impressionné par les recommandations de Russ et j’espère que lors de l’enquête du coroner, il sera là pour donner ses observations et qui sait, peut-être quelques solutions... Je l’espère.
 

Bonne boxe.