Rubin « Hurricane » Carter était-il vraiment coupable de meurtre?

Encore de nos jours, plusieurs se posent la question, surtout les policiers qui l’ont enquêté et mis aux arrêts. Imaginez un instant… Passer près de vingt ans de sa vie derrière les barreaux, surtout si vous n’êtes pas coupable.

Comme on dit chez nous : « Quand tu es né pour un p’tit pain… »

C’est un peu l’histoire de Rubin « Hurricane » Carter.

Du temps qu’il était militaire, on lui avait collé le surnom de « Sad Sac »

Vous savez, le type à qui on joue toutes sortes de tours et qui ne se plaint jamais. Et pourtant, « Hurricane » Carter était reconnu comme un bon bagarreur.

La vie n’a pas été tendre pour Rubin Carter, qui vient de rendre l’âme à Toronto, à l’âge de 76 ans. C’est comme s’il était venu au monde pour connaître tous les malheurs de la Terre.

Comme boxeur, il était plaisant de le voir à l’œuvre. Il est même venu bien près d’être champion en 1964, alors qu’il a perdu un match en 15 rounds pour les titres mondiaux WBC et WBA aux mains de Joey Giardello.

Pourtant, même si au quatrième round un puissant crochet de Carter a coupé l’œil gauche du champion, il n’a jamais été en mesure de l’achever. Résultat, une défaite par décision.

Dès son jeune âge

Carter avait 14 ans quand il a été arrêté et condamné pour assaut. Il fut envoyé dans un pénitencier pour délinquants juvéniles, mais il s’est sauvé pour finalement s’enrôler dans l’armée en 1954.

Comme militaire, il n’était pas un cadeau. Un soir, il est arrivé au camp en état d’ivresse. Ce soir-là, il y avait une compétition de boxe entre les soldats. Même éméché, Carter lança un défi à un poids lourd qui devait peser au moins 40 livres de plus que lui.

La cloche venait à peine de sonner que Carter avait étendu son énorme rival sur le dos d’un seul coup de poing. Il n’en fallait pas plus pour qu’il se taille un poste sur l’équipe de boxe de l’armée.

Après presque cinq ans de vie militaire, Carter a obtenu son licenciement au grand soulagement des officiers, car pendant son stage, il a participé à deux vols et nombre d’assauts sur d’autres soldats.

Chez les pros

C’est en 1961 que Rubin Carter a fait ses débuts chez les pros. Il a connu une carrière en dents de scie et était loin d’être un champion. En 1966, il a finalement mis un terme à cette carrière avec une fiche de 27 victoires, 12 défaites et un verdict nul. Il a gagné 19 de ses combats par K.-O. et il a été passé lui-même hors de combat une fois par Jose Gonzalez.

Parmi ses adversaires on retrouve quelques grands noms de la boxe comme Dick Tiger, Jimmy Ellis, Emile Griffith et Joey Archer.

C’est en 1966 que Carter et un ami, John Artis, ont été mis aux arrêts par la police de Paterson, au New Jersey et accusés du meurtre de trois personnes à l’intérieur du bar Lafayette. Le barman, James Oliver, ainsi qu’un client du nom de Fred Nauyoks sont morts instantanément et une cliente, Hazel Tanis, est décédée un mois plus tard après avoir été atteinte à la gorge, à l’intestin et à la rate par un fusil.

Carter a toujours nié avoir été un des coauteurs de cette tuerie, mais la police et finalement le juge ne l’ont jamais cru.

Au volant d’une Dodge blanche

Trente minutes après le triple meurtre Carter était déjà en état d’arrestation au volant de sa Dodge blanche. À l’intérieur de la voiture, le détective Emil Di Robbio a trouvé un revolver de calibre 32 et un fusil de calibre 12 sur le siège avant. Ce sont deux armes semblables qui ont été utilisées lors du carnage au bar. Étaient-ce les mêmes armes que celles qui ont tué les trois personnes et blessés une autre? Difficile d’établir la vérité. Surtout que la police n’avait pas pris d’empreintes digitales. Carter a toujours prétendu qu’il n’était pas un des deux tireurs.

Finalement, après deux procès, il a été condamné à la peine capitale, changée ensuite pour une condamnation à vie. La première condamnation est survenue en 1967 et la deuxième en 1976.

Finalement, en 1985 les procureurs de la justice n’ont pas voulu procéder à un troisième procès. D’ailleurs, la Cour suprême a refusé de procéder. Donc, quelque temps après, Carter fut gracié sans caution.

Une chose est certaine dans ce cas de meurtre. Deux hommes de race noire ont été vus entrants dans le bar. L’un avait un fusil et l’autre, apparemment un revolver. Mais ces deux hommes étaient-il Rubin Carter et John Artis? Tous deux ont toujours nié ce crime.

C’est après être sorti de prison que Carter a décidé d’aller vivre à Toronto. Aussi incroyable que cela puisse paraître, la malchance s’est encore acharnée sur « Hurricane », même s’il habitait au Canada.

En 1996, alors âgé de 59 ans, Carter a été mis en état d’arrestation par la police de la Ville Reine pour avoir vendu de la drogue. Le vendeur en question avait été identifié comme un homme de race noire dans la trentaine. Carter en avait le double. Il a rapidement été relâché par la justice qui a constaté son erreur.

Très populaire

Si Rubin Carter a été aussi populaire, ce ne sont certainement pas tellement pour ses prouesses sur le ring . Ce sont plutôt ses démêlées avec la justice qui l’ont rendu célèbre. D’ailleurs, on a écrit des livres sur sa vie. On a fait un film de ses exploits, où Denzel Washington l’a si bien personnifié qu’on lui a décerné un Golden Globe. En 1975, le chanteur Bob Dylan a écrit une chanson sur lui et l’a chantée au pénitencier où « Hurricane » était déjà incarné.

Dans la Ville Reine, Carter a été nommé directeur de l’association pour la défense des individus condamnés par erreur et il occupait ce poste en 2012 lorsqu’il a été diagnostiqué d’un cancer de la prostate.

Finalement, le 20 avril dernier, il a rendu l’âme dans son sommeil et ce n’est nul autre que son ami de toujours John Artis qui a confirmé sa mort.

On ne saura peut-être jamais le fond de cette histoire sordide. Mais un fait demeure. Si « Hurricane » Carter avait été vraiment coupable de meurtre, il ne se serait jamais dévoué comme il l’a fait à la cause des gens accusés à tort.

Parmi ses plus grands défenseurs, on retrouve Muhammad Ali qui a même ouvert une marche où des milliers de personnes ont participé à Trenton, en 1975.

Finalement, parmi ses autres malchances, on retrouve une opération ratée en prison qui lui a valu la perte d’un œil.

En 1978, il a divorcé de son épouse Mae Thelma, qu’il ne pouvait s’imaginer la voir le visiter en prison. Il était marié depuis 1963.

En 1999, son fils Raheem a été arrêté et inculpé d’avoir battu sa petite amie, alors enceinte.

Quand tu es né pour un p’tit pain…