Lundi dernier, le boxeur Artur Beterbiev a institué un recours en jugement déclaratoire devant la Cour supérieure de Montréal contre son promoteur, le Groupe Yvon Michel (GYM). Un tel recours vise généralement la détermination d’un état, d’un droit, d’un pouvoir ou d’une obligation résultant d’un acte juridique, notamment d’un contrat. Dans ce cas-ci, Beterbiev demande au tribunal de déclarer la terminaison de son contrat l’unissant à GYM.

Contrat entre Beterbiev et GYM

Le 8 juin 2013, Beterbiev et GYM ont conclu un contrat pour une durée de 3 ans, lequel était gouverné par les lois du Québec. La clause 8b) prévoyait que si Beterbiev était classé dans l’un des tops-10 mondiaux durant le terme de son contrat, il serait automatiquement prolongé d’une année. 

En vertu de la clause 5a), GYM devait fournir à Beterbiev un minimum de 6 combats à sa première année, 5 à sa seconde année et 4 à sa troisième année. Qui plus est, GYM devait acquitter la totalité de la bourse à Beterbiev dans un délai de 10 jours après chaque combat.

Le 11 mai 2015, les parties ont signé un addenda audit contrat, c’est-à-dire qu’elles y ont ajouté des modifications et /ou précisions. Aux termes de cet addenda,  GYM offrait à Beterbiev un minimum de 4 duels par année et un paiement des bourses dans un délai de 10 jours de chaque combat. Il était entendu que l’addenda soit régi par les lois du Nevada aux États-Unis. Conformément à cet addenda, les termes de cette entente n’expireraient pas avant qu’un autre accord soit conclu entre Beterbiev et Haymon Sports LCC.

Prétentions de Bertebiev contre GYM

Selon Bertebiev, GYM n’aurait pas honoré les clauses de son contrat. Il veut donc mettre fin au rapport contractuel en raison de l’inexécution de GYM, c’est-à-dire demander l’annulation de ce contrat. À ce titre, la clause 11d) confère à Bertebiev le droit de mettre fin au contrat si GYM ne se conforme pas aux termes de l’entente.

Dans sa demande, Beterbiev soutient que GYM n’aurait pas respecté le nombre de combats par année auxquels il devait normalement participer. De plus, il soulève que GYM aurait violé la clause relative aux délais de rétribution de ses bourses.

À la lecture de la demande en justice, il appert que les retards de paiements par GYM sont survenus majoritairement dans la dernière année. Entre autres, Bertebiev allègue n’avoir reçu sa bourse pour le combat contre Isidro Ranoni Prieto que le 22 mars 2017 alors qu’il s’était tenu le 23 décembre 2016. 

Par ailleurs, Bertebiev considère que son contrat est actuellement échu avec GYM, invoquant l’article 169 du Règlement sur les sports de combat. Cet article précise que « tout contrat liant un concurrent et un organisateur pour plus d’une manifestation sportive de sport de combat ne peut excéder une durée de 2 ans. ». Ainsi, Bertebiev prétend que son contrat n’est pas conforme au Règlement sur les sports de combat et ce faisant, ne respecte pas la législation québécoise. Il soutient que cette règle est d’ordre public et que les parties ne pouvaient pas exclure la législation québécoise de l’addenda en prévoyant que l’entente serait régie par les lois du Nevada.

S’appuyant sur l’article 3111 du Code civil du Québec, Bertebiev estime que son contrat ne présente aucun élément d’extranéité puisque GYM et lui-même sont tous deux résidents du Québec. En conséquence, le contrat demeure soumis aux dispositions impératives de la loi de l’État qui s’appliquerait en l’absence de désignation, soit du Québec.

De fait, Bertebiev suggère que la prolongation du délai prévue à l’addenda est invalide, car elle est contraire à une règle d’ordre public au Québec et que l’entente ne pouvait pas être d’une durée supérieure à deux années.

Réponse de GYM

De son côté, GYM conteste vigoureusement les allégations contenues à la demande de Beterbiev et souhaite que son association avec le boxeur montréalais soit maintenue. GYM considère que son contrat avec Bertebiev est toujours en vigueur.

Dans sa demande, Beterbiev reproche à GYM qu’il n’a pas boxé assez souvent. En revanche, GYM pourrait se défendre en blâmant les blessures du boxeur, sa disponibilité réduite durant le ramadan, le désistement de ses adversaires et sa signature avec Al Haymon.

GYM doit répondre à la demande de Bertebiev dans un délai de 15 jours de sa réception, en comparaissant par écrit, personnellement ou par avocat.

Cela dit, les délais sont assez longs avant d’obtenir une date de procès. Dans le cadre d’une action pour jugement déclaratoire, le tribunal n’est pas lié par la formulation de la conclusion recherchée par Bertebiev. Les conclusions de la demande peuvent être nuancées et modifiées par le tribunal[1]. Or, le tribunal ne peut pas changer la teneur et la signification desdites conclusions. Pour que son recours soit recevable, Beterbiev doit notamment démontrer un intérêt à obtenir une solution à une difficulté réelle et prouver qu'il est menacé dans ses droits, pouvoirs ou obligations. Il doit établir que cet intérêt est concret et actuel[2].

Notons qu’un jugement déclaratoire ne sera pas accordé lorsqu’il a peu ou pas d’utilité ou lorsqu’il existe d’autres recours prévus à la loi. Il est alors probable que GYM signifie une requête en irrecevabilité à l’encontre de la demande de jugement déclaratoire de Bertebiev. Par exemple, GYM pourrait invoquer que le jugement demandé par Bertebiev ne mettra pas fin à la difficulté ou encore invoquer une absence d'intérêt ou une absence d'une difficulté réelle[3].

Spécifions cependant que cette demande en justice survient peu de temps après qu’une entente de principe soit intervenue entre GYM et Sauerland Promotion quant à la présentation du combat éliminatoire entre Artur Beterbiev et  Enrico Kölling. D’ici là, il n’est pas impossible que les parties conviennent d’un règlement hors cour. Il n’est pas non plus impossible que le duel entre Beterbiev et Kölling ait lieu si Beterbiev et Gym parviennent à trouver un terrain d’entente quant à la tenue de ce combat.



[1]Duquet c. Ville de Sainte-Agathe-des-Monts, [1977] R.C.S. 1132

[2]Duquet c. Ville de Sainte-Agathe-des-Monts, [1977] R.C.S. 1132

[3]Duquet c. Ville de Sainte-Agathe-des-Monts, [1977] R.C.S. 1132