QUÉBEC - Même s’il est devenu le premier boxeur britannique médaillé d’or olympique à devenir champion du monde de boxe professionnelle, James DeGale est loin de faire l’unanimité chez lui, où certains de ses compatriotes ne se gênent pas pour questionner son talent.

Dans une chronique publiée en octobre dernier, l’ancien champion unifié des poids super-moyens Carl Froch a notamment écrit qu’il n’avait pas été particulièrement impressionné par la dernière victoire de DeGale qui lui a permis de s’emparer de la ceinture vacante de l’IBF.

Froch a également mentionné que Dirrell n’était plus le boxeur qu’il avait déjà été et que DeGale avait mal paru à compter du quatrième round, malgré un départ impressionnant. Il ne s’attend pas à ce que le combat de samedi soir contre Lucian Bute soit aussi facile que DeGale le prétend.

« Je me fous de Froch!, a lancé DeGale en marge d’une conférence de presse tenue mercredi midi dans un hôtel de Québec. Il a abandonné un de ses titres pour ne pas m’affronter! »

À l’instar de David Coverdale - leader du groupe Whitesnake -, DeGale admet que son virage commercial est loin de plaire à quelques purs et durs qui l’encensaient pourtant il n’y a pas si longtemps. Le champion ne s’en cache pas, il aime l’argent et c’est en boxant au Canada et aux États-Unis que se présentent les meilleures opportunités. Tant pis pour les puristes.

« Depuis ma victoire contre Dirrell, je regagne tranquillement, mais sûrement beaucoup d’appuis, s’est défendu DeGale. Après ma médaille d’or aux Jeux de Beijing en 2008, j’étais jeune, je parlais beaucoup et j’étais trop confiant. J’ai ensuite perdu contre (George) Groves (à mon 11e combat en mai 2011) et la perception à mon endroit a énormément changé.

« À la suite de mon combat contre (Brandon) Gonzales en mai 2014 au Wembley Stadium, les gens ont fini par réaliser que je livre toujours la marchandise. J’ai battu (Marco Antonio) Periban qui n’avait jamais été stoppé avant la limite auparavant, et maintenant, je m’apprête à affronter Bute, un très bon boxeur qui a connu son lot de succès dans le passé. Je suis un vrai guerrier! »

Cela dit, DeGale pense fondamentalement que Bute appartient au passé. Après avoir initialement prédit qu’il liquiderait le pugiliste québécois d’origine roumaine en six rounds, il s’est ravisé en martelant qu’il terminerait le travail en seulement trois rounds à la suite du face à face.

« J’ai vu dans ses yeux qu’il ne voulait pas se battre, a expliqué DeGale. J’ai regardé son combat contre Froch - disputé en mai 2012 à Nottingham en Angleterre - et il a craqué sous la pression. Oui, c’est un bon boxeur, mais uniquement quand il parvient à s’emparer du centre du ring.

« J’ai boxé aux plus hauts niveaux sur les scènes amateur et professionnelle. Je viens tout juste de battre Dirrell à Boston et je le considère comme l’un des meilleurs gauchers au monde. Il est de loin meilleur que Bute et je suis surpris que son équipe pense que ce sera une partie d’échecs. Je vais commencer le combat rapidement et vous verrez comment il réagira! »

Bute semble bien dans sa peau

« Rien n’est à l’épreuve de James, a continué son entraîneur Jim McDonnell. Je considère que c’est le boxeur qui possède les mains les plus rapides depuis Sugar Ray Leonard. Et comme si ce n’était pas assez, il est entièrement dédié à son sport en plus d’être une personne incroyable. »

Ancien aspirant mondial au titre des super-plumes, McDonnell ne tarit pas d’éloges à l’endroit de son protégé. Il s’étonne de la facilité avec laquelle DeGale est passé des amateurs chez les pros.

« Il y a malheureusement plusieurs bons boxeurs qui n’ont pas su réaliser la transition, a déploré McDonnell. Mais c’est souvent un concours de circonstances. Ça prend le bon entourage et le boxeur doit accepter de changer son approche. James est devenu beaucoup plus endurant et il a toujours eu des partenaires d’entraînement de classe mondiale. Bref, il est devenu complet. »

Si le clan britannique s’est amené à Québec gonflé à bloc, certains croient qu’il existe quand même des failles dans l’armure de DeGale. Que le succès - aussi immense soit-il - n’est pas éternel.

« DeGale reste un boxeur relativement inexpérimenté et il n’a encore jamais affronté un boxeur de la trempe de Lucian, a relativisé le promoteur Yvon Michel. Il ne s’est jamais fait frapper dur comme il va se faire frapper samedi soir. Dirrell est talentueux, mais ce n’est pas un cogneur. »

Mais comme Coverdale, DeGale entend prouver qu’il n’est pas un one-hit wonder et qu’il est là pour durer. Et qu’il n’aura surtout jamais peur de se réinventer pour demeurer au sommet.