Quand Jo Jo Dan s’est incliné pour la deuxième fois devant Selçuk Aydin en novembre 2011, le Montréalais d’origine roumaine est rentré au pays meurtri physiquement et mentalement.

Non seulement avait-il subi une fracture de la mâchoire, mais il avait surtout raté sa chance de venger une douloureuse - et injuste - défaite par décision partagée subie un an et demi plus tôt. Dans la foulée, son association avec InterBox s’est conclue et l’avenir n’avait rien de prometteur.

Mais Dan n’a jamais cessé d’y croire et un peu plus de trois ans après les faits, il se retrouvera là où absolument personne ne l’attendait : en combat de championnat du monde contre le détenteur de la ceinture des mi-moyens de l’IBF Kell Brook ce samedi à Sheffield en Angleterre.

« Même après le deuxième combat contre Aydin en Turquie, je n’ai jamais pensé abandonner la boxe, a avoué le gaucher avant un entraînement tenu la semaine dernière au Complexe sportif Claude-Robillard. Je suis un gars positif et je voulais continuer. Je voulais revenir à l’avant-scène.

« Il y a des gens qui ne remontent jamais dans le ring après ce qu’il a subi, renchérit son entraîneur Pierre Bouchard. Jo Jo est revenu plus fort - sinon plus - avec la même motivation. Ça m’a beaucoup surpris. À partir de ce moment-là, tout ce que j’avais à faire, c’était de l’appuyer.

« J’ai connu de nombreux boxeurs depuis le début de ma carrière, mais je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui peut supporter la douleur comme Jo Jo l’a fait en Turquie. Éric Lucas était un gars très, très fort mentalement, sauf que Jo Jo… Ça dépasse vraiment l’entendement! »

Une longue et pénible traversée du désert

Sans surprise, la route menant à Brook s’est apparentée à une longue et pénible traversée du désert. Récupéré par le promoteur américain Lou DiBella en novembre 2012, Dan a disputé deux combats anonymes aux États-Unis avant de prendre la mesure de Kevin Bizier dans un combat pour la position de deuxième aspirant au titre de l’IBF en novembre 2013 à Québec.

Alors que la lumière semblait enfin jaillir au fond du tunnel, Dan a dû se contenter d’un duel face au faire-valoir polonais Lukasz Janik en mai 2014 dans un hôtel de Pointe-Claire. Après sa victoire, il avait eu une discussion animée avec son gérant Chris Ganescu, lui signifiant clairement qu’il ne souhaitait plus jamais se rebattre dans de telles circonstances.

Dan a encore retrouvé Bizier en décembre dernier à Québec - cette fois dans un combat pour la position d’aspirant obligatoire - et comme cela avait été le cas à leur première confrontation, il l’a emporté par décision partagée au terme d’un choc enlevant. Le rêve devenait enfin réalité.

« Ça fait longtemps que j’attends ce moment, avoue celui qui est devenu citoyen canadien le 20 mars. Il y a tellement eu de combats difficiles pendant tout ce temps. Je m’attends quand même au combat le plus difficile de ma carrière contre Brook, mais je serai prêt à 100 pour cent. »

« C’est le rêve de tout boxeur qui se lance en boxe professionnelle : se battre en combat de championnat du monde et faire des sous, ajoute Bouchard. Jo Jo a la chance de faire les deux et il y va par la grande porte. C’est super motivant pour lui, mais ce l’est pour moi également.

« Il n’y a pas de chemin magique pour se rendre jusque-là, surtout pour des boxeurs comme Jo Jo qui ne profitent pas d’un support comme certains autres boxeurs populaires. Ç’a été long et difficile, mais c’est ce qui a formé le caractère de Jo Jo et c’est pourquoi nous sommes prêts. »

« Nous espérons que Brook nous sous-estime »

Champion depuis qu’il a battu Shawn Porter en août 2014, Brook effectuera la première défense de son titre contre Dan. Il s’agira aussi de sa première sortie depuis qu’il a été victime d’une attaque à la machette qui lui a laissé une cicatrice de 12 pouces autour de la cuisse gauche.

Malgré tout, l’Anglais et son entourage ont rapidement oublié l’incident et rêvent déjà ouvertement à de lucratifs combats face à Amir Khan ou encore Juan Manuel Marquez. Dan et son équipe entendent évidemment tirer profit de la situation afin de créer une surprise.

« Brook n’aime pas particulièrement la pression et n’a pas beaucoup d’expérience avec les gauchers, fait remarquer le Montréalais. Mon entraîneur m’a préparé un bon plan de match et si je le respecte, je suis convaincu que je deviendrai le nouveau champion. Je suis confiant! »

« Nous espérons que Brook nous sous-estime, reconnaît Bouchard. Nous sommes réalistes, mais en même temps, nous savons ce que nous valons et ce que nous pouvons amener sur la table. Nous n’aurons pas de surprises, puisque nous savons c’est quoi de nous battre en Angleterre. »

Dan et Bouchard font évidemment preuve de retenue et refusent de garantir la victoire contre un rival qu’ils savent très dangereux. Cela dit, il n’y a rien qui ne peut les empêcher de rêver.