J'ai été surpris du geste posé en fin de semaine dernière par Arthur Abraham lors de son combat contre Andre Dirrell lors de la deuxième étape du tournoi des Supers Six.

L'arbitre n'a eu d'autre choix que de disqualifier Abraham après qu'il eut donné un coup à la tempe gauche de Dirrell alors que celui-ci avait le genou au sol au onzième round. Si Abraham avait été en avance dans le combat, il n'aurait pas agi de la sorte. C'était un geste désespéré, qui s'est tourné contre lui. Il savait que Dirrell était au sol et l'arbitre a jugé que le geste était intentionnel.

Certains ont mis en doute la gravité de la blessure à Dirrell, qui a pourtant été transporté à l'hôpital. Même le promoteur Wilfried Sauerland a déclaré qu'il mériterait un Oscar pour son interprétation. De mon côté, je ne crois pas que l'on puisse mettre en doute l'intégrité d'un boxeur qui était en avance dans le combat. L'arbitre ne m'a pas impressionné lors de ce duel en ne signalant pas cette chute au tapis, mais je pense qu'il a voulu équilibrer les choses après avoir fermé les yeux quand Abraham était allé au tapis à la fin d'un round plus tôt dans le combat.

Ce n'est pas la première fois que je vois un tel geste en boxe professionnelle. Roy Jones l'avait fait contre Montell Griffin, en 1997, alors qu'il était en avance dans ce combat. Jones avait toutefois rétabli l'ordre des choses quelques mois plus tard en lui passant le K.-O. dès le premier round.

Si on donne le bénéfice du doute à Dirrell, ça veut dire qu'il s'est fait knocker d'aplomb. On l'a d'ailleurs vu en convulsions et il est resté cinq minutes au plancher avant de se relever. Je pense qu'il y aura probablement des répercussions dans ses prochains combats. Plus tard dans la soirée, il a été conduit à l'hôpital sur une civière. Par contre, si Dirrell a joué la comédie, ça veut dire qu'il n'a pas beaucoup de caractère. Mais d'un côté comme de l'autre, je pense que ce sera difficile pour lui de s'en remettre. Le prochain combat de Dirrell sera contre Andre Ward à l'automne et il sera difficile pour lui.

J'avais prédit une victoire de Dirrell parce qu'il était le plus talentueux. Abraham est taillé dans le roc et il est très fort, mais limité au niveau des habilités globales. Dirrell a tous les atouts : la vitesse, la portée et l'imagination. Reste à voir maintenant s'il a le caractère pour le faire pendant 12 rounds.

Le Tournoi des Supers Six va se poursuivre au cours des prochains mois. Le combat Abraham contre Dirrell était le premier de la deuxième ronde. La victoire de Dirrell resserre le classement, qui est toujours dominé par Abraham, qui totalise trois points à la suite de sa victoire par K.-O. sur Jermain Taylor en octobre dernier. Ward a deux points à la suite de sa victoire sur Mikkel Kessler. Carl Froch a deux points aussi grâce à sa victoire sur Dirrell, qui a maintenant deux points grâce à sa victoire en fin de semaine. Les seuls qui n'ont pas de point sont Allan Green, qui commence le tournoi en remplacement de Taylor, et Kessler.

Ça sera extrêmement intéressant le 24 avril lors de l'affrontement entre Froch contre Kessler, qui a absolument besoin d'une victoire pour participer aux éliminatoires. Une victoire de Froch lui assurait une place en demi-finale. J'aime le concept du tournoi, même s'il est plus long que prévu initialement en raison des blessures et des délais.

Je ne veux pas manquer Jones contre Hopkins

Il s'agit d'un combat qui m'intéresse même si les deux pugilistes ont dépassé le cap des 40 ans. On les connaît tous les deux et on sait qu'ils sont très compétitifs. C'est peut-être un combat revanche qui arrive dix ans trop tard, mais on devrait tout de même assister à un bon combat entre deux vétérans orgueilleux, qui ont encore des choses à prouver. Je suis persuadé qu'ils ne se battront pas comme deux vieux amis qui veulent simplement faire 12 rounds. Je pense plutôt qu'ils vont tout faire pour humilier l'autre.

Bernard Hopkins a démontré qu'il pouvait se battre contre n'importe qui, n'importe quand. Il a battu Kelly Pavlik il n'y pas si longtemps ainsi qu'Enrique Ornelas. Il n'avait peut-être pas la même inspiration que lors de ses grands combats, mais il a démontré qu'il était solide et qu'il était capable de faire 12 rounds avec beaucoup d'énergie.

Quant à Jones, il a vécu une grosse déception quand il s'est fait passer le K.-O. au premier round par Danny Green, lors de son dernier combat. ll voudra faire amende honorable.

Si on aime la boxe, on ne peut pas faire autrement que de s'intéresser à ce combat. Hopkins est bien sûr le favori, mais Jones pourrait sortir un lapin de son chapeau encore une fois. Il s'agit peut-être du dernier combat pour l'un des deux ou encore pour les deux boxeurs. Comme dit le vieil adage, on est aussi bon que son dernier combat, alors chacun d'entre eux voudra laisser une bonne dernière impression.

En 1993, le combat entre les deux hommes avait été assez facile pour Jones contre Hopkins. Jones était alors en pleine ascension et on voyait qu'il possédait toutes les habilités pour devenir un grand boxeur. Mais en fin de carrière, le style classique de Hopkins pourrait lui permettre de vaincre Jones, qui a un style plus échevelé. Je favorise d'ailleurs Hopkins comme la majorité des amateurs.

David Lemieux contre Walid Smichet

David Lemieux et Walid Smichet vont croiser le fer samedi, dans notre dernier gala au Casino de Montréal pour au moins quatre ans. Je sais que Lemieux a déjà été annoncé pour faire la finale de notre gala en plein air en juin et si Smichet l'emportait, on pourrait assister à un combat revanche dès le début de l'été au Stade Uniprix.

Ce combat va donner lieu à un feu d'artifice et je ne sais pas combien de temps que ça va durer. Smichet a regardé attentivement le combat que Lemieux a livré à Jason Naugler et il se dit convaincu d'être en mesure de l'emporter en fin de semaine. Il ne fera pas comme Naugler, qui était monté sur le ring dans l'espoir de simplement survivre, pas pour gagner. Lemieux est conscient que Smichet ne vient pas jouer les figurants. Si Lemieux est aussi bon qu'on le pense, il devrait l'emporter.

Je suis convaincu cependant que c'est un combat qui va garder les spectateurs sur le bout de leur siège. C'est aussi un combat qui va nous donner une idée où Lemieux est rendu dans son développement.

Smichet veut jouer les trouble-fête comme il l'a fait contre John Duddy à New York, en 2008. Duddy venait alors de s'entendre pour une bourse de 1,7 million afin de se battre contre Kelly Pavlik à la condition qu'il soit convaincant face à Smichet, ce qu'il n'avait pas réussi à faire. La performance de Smichet, qui avait perdu par décision partagée, avait fait perdre 1,7 million à Duddy.

Smichet rêve encore de jouer les trouble-fête, mais cette fois contre David Lemieux. C'est un combat qui promet.

*propos recueillis par Robert Latendresse