MONTRÉAL - Après avoir battu Lucian Bute en février dernier à Québec, Eleider Alvarez semblait avoir enfin réussi à légitimer sa position d’aspirant obligatoire à Adonis Stevenson qu’il détenait pourtant en bonne et due forme depuis sa victoire sur Isaac Chilemba en novembre... 2015.

Mais comme le mauvais sort semble s’acharner continuellement sur le Montréalais d’origine colombienne depuis qu’il est débarqué ici, il devra mettre encore sa position en jeu dans un combat contre son ancien frère d’armes Jean Pascal le 3 juin prochain au Centre Bell.

Tout juste rentré de Colombie pour assister à la conférence de presse présentée vendredi dans un restaurant du Centre Bell, Alvarez n’avait manifestement pas le goût de discuter une énième fois des raisons qui l’obligent à miser gros, alors qu’il a toujours fait ce qu’on lui a demandé.

« Je ne veux pas parler de ça. Je suis concentré sur Jean maintenant, a poliment répondu Alvarez lorsqu’interrogé à ce sujet. C’est un très bon combat pour devenir encore plus populaire. »

« La business de la boxe en est une de risques. Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre après des détails administratifs. Il faut faire progresser la carrière d’Eleider, a continué son entraîneur Marc Ramsay, qui a dirigé la carrière de Pascal pendant une quinzaine d’années.

« Il y a également une chose que les gens ne savent peut-être pas, mais à l’heure actuelle, un combat avec Stevenson, Bute ou Pascal représente à peu près la même chose monétairement. »

Peu importe, le promoteur Yvon Michel avait pourtant répété après le triomphe d’Alvarez sur Bute que son prochain duel en serait un pour la ceinture du WBC de Stevenson et qu’il aurait lieu à l’automne. Comment un tel revirement de situation a-t-il pu survenir en si peu de temps?

« Il y a une opportunité à laquelle nous n’avions pas pensée qui s’est présentée, s’est défendu Michel. En l’espace de trois mois seulement, Eleider pourrait avoir battu les deux plus grandes vedettes des dix dernières années au Québec, ce qui serait absolument phénoménal pour lui. »

Reste que tous les chocs que le Colombien a disputés depuis qu’il est aspirant obligatoire, celui contre Pascal représente quelque chose de particulier. Les deux hommes ont été coéquipiers au sein de l’équipe de Ramsay, qui n’a pas du tout caché son inconfort par rapport à la situation.

« Pour des raisons évidentes, j’aurais préféré de pas en venir là, mais je ne peux pas empêcher mon boxeur de gagner sa vie, a relativisé Ramsay. Il y a un mur à dresser entre ce que j’ai vécu dans le passé avec Jean et ce que nous allons vivre au cours des prochaines semaines.

« Nous avons vécu de grandes choses et si j’ai eu la chance de faire mes débuts en boxe professionnelle, c’est un peu grâce à lui. Il aurait pu facilement partir avec un entraîneur américain à l’époque, mais il a plutôt décidé de me faire confiance pendant des années. Nous avons réalisé de belles choses ensemble, mais nous sommes maintenant rendus ailleurs. »

Ramsay se méfie de son ancien protégé

Sans véritable surprise, Pascal ne s’est pas montré entiché à l’idée d’affronter son ex-entraîneur avec qui il est devenu champion du monde et avec qui il fait équipe contre certains des plus grands noms de la boxe internationale. C’est pourquoi il se considère comme le négligé.

« Ce sera un bon spectacle »

« Ça va être un combat très difficile pour moi, a reconnu le Lavallois. Eleider me connaît bien et son entraîneur me connaît par cœur. Je pars avec deux prises contre moi. Il a battu Bute d’une façon beaucoup plus spectaculaire que moi. J’ai toutes les prises contre moi en ce moment. »

« C’est clair que j’aurais aimé quelqu’un d’autre afin que ce soit plus facile mentalement pour Jean, a reconnu son entraîneur Stéphan Larouche. De se retrouver contre son ancien entraîneur, c’est quelque chose qui survient plus fréquemment au hockey ou dans les sports d’équipe.

« Mais la liste d’adversaires potentiels était très courte et des opportunités comme celle-là ne se présentent pas souvent. Ce n’était pas une décision facile, mais c’était la décision à prendre. »

Battu deux fois par Sergey Kovalev au cours des deux dernières années, Pascal sait lucidement que la fin approche, alors qu’il célébrera ses 35 ans en octobre prochain. Il n’est pas dupe et n’a pas besoin de se faire rappeler qu’il n’a plus le droit à l’erreur d’ici à ce qu’il accroche ses gants.

« Je vieillis. Le combat contre Alvarez est d’ailleurs plus important que celui face à Bute, a avoué avec candeur l’ancien participant aux Jeux olympiques d’Athènes en 2004. Si je perds, il n’y aura peut-être pas de suite pour moi. C’est donc vraiment important que je sois bien préparé. »

« C’est une veille tactique qui sert à endormir l’opposant, a immédiatement noté Ramsay. Nous sommes pleinement conscients du danger que Jean Pascal peut représenter. Oui, je le connais très bien, mais l’inverse est également vrai aussi. Et il connaît très bien Eleider aussi...

« Avec les années, j’ai appris à ne jamais gager sur Jean. C’est un gars qui a une détermination hors norme. J’ai toujours dit que les champions ont un profil particulier et Jean l’a. Il croit beaucoup en lui et quand on lui donne une mesure, il la donne pleinement. Je me méfie. »

Pendant la semaine précédant le duel entre Alvarez et Bute, Ramsay avait expliqué qu’il allait à la guerre et que ce n’était malheureusement pas toujours propre. Et même si la situation est extrêmement délicate cette fois, il n’a nullement l’intention de déroger à sa philosophie.

« Quand on va dans ce genre de défi là, on fait ce qu’on a à faire pour gagner, a expliqué l’entraîneur. Il n’y a pas de limites... autres que celles du respect. »

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