Quand InterBox avait annoncé sa signature en décembre 2013, Yves Ulysse fils a évidemment été pressenti comme le dauphin de l’ex-champion des poids super-moyens de l’IBF Lucian Bute.

Ses débuts effectués un mois plus tard en sous-carte du combat entre Bute et Jean Pascal avaient les allures d’un passage du flambeau, même si la défaite du boxeur québécois d’origine roumaine quelques heures plus tard s’est finalement avéré le début de la fin pour InterBox.

Ulysse s’est retrouvé en finale d’un événement présenté à Mont-Saint-Hilaire à son troisième duel seulement et a ensuite enchaîné les victoires jusqu’à celle enregistrée sur Randy Lorenzo en novembre dernier au Centre Vidéotron, malheureusement sa dernière sortie à ce jour.

« Junior » a été ralenti par une blessure au coude gauche subie pendant une séance de sparring avec Kevin Bizier quelques jours après son combat à Québec, et même si sa rééducation a été rapide, Ulysse aura dû poireauter pendant dix longs mois avant de remonter dans le ring.

Deux fois, il a eu la chance de se battre sur des cartes de Groupe Yvon Michel en mai et juillet, mais ses chocs ont été annulés pour des raisons administratives totalement hors de son contrôle. Officieusement, les coffres de la compagnie conjointe formée avec InterBox étaient devenus vides et le contrat d’Ulysse s’est retrouvé dans une sorte de no man’s land.

C’est donc ce samedi soir qu’Ulysse retrouvera enfin ses partisans, alors qu’il affrontera Francisco Javier Perez dans un combat prévu pour huit rounds. Mais oubliez le Centre Bell, le gala sera présenté dans la salle de montre d’un concessionnaire automobile de Blainville et marquera la renaissance d’InterBox après son rachat par Eye of the Tiger Management cet été.

Ils seront tout au plus 500 à le voir à l’œuvre, mais Ulysse n’en fait pas de cas. Après des mois d’incertitude et de doute, il semble maintenant y avoir une lumière au bout du tunnel. La boxe n’est pas toujours glamour, mais ce n’est certainement pas lui qui va s’en plaindre. Au contraire.

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Dans les jours et semaines qui ont suivi son opération, « Junior » a eu le temps de réfléchir. Sous médication, c’était pas mal la seule chose à faire. « Même à Call of Duty, j’avais de la difficulté à finir les missions », a lancé Ulysse en riant avant un entraînement médiatique tenu dans un gymnase de Sainte-Thérèse plus tôt cette semaine et où seul le représentant du RDS.ca y était.

Donc, le charismatique boxeur maintenant âgé de 28 ans a commencé à s’interroger sur le sens de la vie parce que c’est évidemment normal de le faire, mais également parce que c’était la première fois depuis des années qu’il avait l’occasion de souffler entre deux entraînements.

« La façon dont les choses allaient : les médias, les amis, l’entourage... C’était trop wow, trop beau pour moi, avoue Ulysse avec énormément de candeur. J’étais prêt sur le ring, mais pas mentalement pour ce qui est arrivé : la publicité, tout ça. C’est une vague que j’ai appris à maîtriser. Il y avait des gens dans mon entourage et je ne savais pas s’ils étaient mes amis. »

Car même si « Junior » est loin d’avoir gagné des millions et que sa notoriété demeure relativement modeste, il reste que plusieurs personnes ont tenté de se coller à lui pour profiter des avantages qui viennent avec la célébrité. Un important ménage s’est imposé de lui-même.

« Ce n’est pas évident, mais ça fait du bien, parce que je mets mon énergie à la bonne place, explique Ulysse. Il y a des fois où tu es tellement gentil et que tu serres la main à tout le monde, mais il y a des fois où tu ne donnes pas la main aux bonnes personnes. Il valait mieux que ça arrive maintenant, parce que quand tu tombes de plus haut, ça fait encore plus mal.

« J’ai eu beaucoup d’encouragements de fans, même si j’étais malade. Il y a des gens que je pensais qui étaient mes ennemis qui m’ont envoyé des messages et il y a des gens que je pensais qui étaient mes amis qui ne m’ont jamais donné signe de vie. Dans le temps, ils me disaient : "t’es une vedette, on suit la go!" Ma pause m’a permis de reviser mes priorités. »

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Ulysse, c’est d’abord et avant tout le projet de l’entraîneur du Club de boxe Champions Rénald Boisvert, un travailleur de l’ombre qui communique sa passion pour le noble art comme pas un. Son expérience lui a permis de garder son protégé sur le qui-vive au cours des derniers mois.

« Après une longue inactivité, les retours ne sont jamais faciles. Les adaptations nerveuses et musculaires, ça ne revient pas du jour au lendemain, mentionne Boisvert. Il y a toujours une petite crainte que la blessure revienne, alors il faut absolument y aller graduellement.

« Mais ce qui a été le plus payant, c’est le voyage qu’on a fait à New York. "Junior" a eu deux excellentes séances de sparring, dont une où il affrontait le boxeur classé deuxième à la World Series of Boxing, un gars de 400 combats amateurs, un boxeur très aguerri qui commence sa carrière professionnelle. C’était du sparring de haut niveau et "Junior" a très bien répondu. »

Sans détour, Boisvert reconnaît que la carrière de son élève stagnait bien avant qu’il ne se blesse à l’entraînement l’année dernière. La décision de Camille Estephan d’acheter InterBox et d’en confier la gestion à Antonin Décarie est ainsi vue comme un cadeau qu’il n’espérait plus.

« L’avantage d’avoir un promoteur comme Camille, c’est qu’il va pouvoir amener "Junior" à un niveau où il n’a encore jamais été, se réjouit Boisvert. Malheureusement, "Junior" a perdu un peu de temps au cours des dernières années. On va pouvoir lui donner un deuxième souffle. »

L’entraîneur sait pertinemment de quoi il parle puisqu’il dirige également Steven Butler, qui pendant approximativement la même période de temps, est devenu champion du monde junior en plus de se classer parmi les 15 premiers aspirant au titre des super-mi-moyens de l’IBF.

« Avec Camille, on sait que "Junior" aura les mêmes avantages que Steven. Camille et Antonin exploitent le talent et on va au bout de ça. Il n’y aura plus de surplace, promet Boisvert. On peut s’attendre à de grandes choses de "Junior". On a donné beaucoup à Steven, mais malheureusement, "Junior" n’a pas beaucoup reçu dans les deux dernières années. »

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Après avoir pris les règnes d’InterBox au début août, Décarie a rapidement décidé de rattraper le temps perdu et de mettre toutes les ressources à sa disposition pour relancer la carrière d’Ulysse. Ce dernier sera actif et aura des combats très importants dans un avenir rapproché.

« C’est un gars qui est très talentueux, qui a tous les attributs de son côté, mais il faut qu’il soit actif, reconnaît Décarie. Je suis persuadé que c’est le genre de gars qui va carburer à ça. Si on le fait boxer sur une base régulière, on n’aura pas besoin de prendre notre temps avec lui. »

Ulysse a ainsi déjà un combat prévu en sous-carte du gala qui mettra en vedette David Lemieux le 22 octobre au Centre Bell. Même si ce sera un événement d’Eye of the Tiger Management, Décarie voulait témoigner que son engagement n’est pas que de belles paroles lancées en l’air.

« La boxe, ce n’est pas un domaine que tu peux traiter comme n’importe quel autre domaine du monde des affaires, opine l’ancien champion nord-américain. Tu gères des humains. Tout le monde est professionnel, mais si tu es bien traité et que tu sens que les gens ont confiance en toi et qu'ils vont faire les efforts pour t’aider à te rendre au sommet, ça ne peut qu’aider. »

Tout comme Boisvert, Décarie est convaincu qu’Ulysse a tout à gagner d’effectuer quelques séances de sparring dans des gymnases du nord-est des États-Unis, ne serait-ce que pour se remettre en question de temps en temps. Quand il boxait, il aimait particulièrement cela.

« "Junior" a beaucoup d’atouts, mais s’il ne sort pas de sa zone de confort, il peut s’endormir un peu, précise Décarie. Il faut l’amener à puiser à l’intérieur de lui-même pour avoir le dessus sur les gars qu’il affronte, question de sortir du cruise control qui finit par arriver quand tu te mesures jour après jour aux mêmes gars. Il y a des mauvais plis qui peuvent se créer. »

Boisvert et Décarie ne s’attendent pas à de miracles samedi soir, mais ce retour d’Ulysse permettra de relancer une carrière qui s’annonce encore extrêmement prometteuse.