QUÉBEC - Il a pratiquement été de tous les galas de boxe présentés à Québec depuis ses débuts professionnels en 2011 et sera du premier de l’histoire du Centre Vidéotron samedi soir. Malgré tout, la vie d’athlète est véritablement un combat de tous les instants pour Sébastien Bouchard.

Le boxeur originaire de Baie-Saint-Paul a dû s’entraîner très tôt le matin et tard le soir en vue de préparer son affrontement contre le vétéran Giuseppe Lauri au cours des dernières semaines. Mais encore? Il a continué de travailler cinq jours semaine pour l’entreprise spécialisée dans le chargement de produits céréaliers au port de Québec qui l’emploie depuis environ un an.

« Sébastien, c’est une personne normale qui travaille, mais qui décide en plus de sacrifier six heures de sa vie à l’entraînement, a expliqué son entraîneur François Duguay au RDS.ca jeudi. Mais c’est ça sa vie et c’est comme ça que nous nous entraînons. Nous voulons montrer que nous sommes capables de performer, malgré les contraintes de temps. Et nous avons du fun! »

« Les boxeurs comme moi perceront peut-être un jour, mais peut-être pas également, ajoute Bouchard. Souvent, ils misent tout sur la boxe et se réveillent à l’âge de 30 ans avec absolument rien devant eux. Sauf que c’est évident que je paie pour ça : je travaille parfois jusqu’à 60 heures semaine et avec tous les entraînements au travers de ça, je n’ai pas beaucoup de sommeil.

« Mais au moins, mon avenir est assuré. J’ai investi dans l’immobilier et j’ai un bon emploi. Je n’ai pas mis tous mes œufs dans le même panier. Au final, il n’y aura pas de déception si je ne réussis pas à percer. Si je réussis, ce sera tant mieux et je vais simplement être très heureux. »

Au départ, rien ne prédestinait véritablement Boutch à se lancer dans l’aventure de la boxe professionnelle. Il avait connu une carrière amateur plus que respectable en disputant 125 combats, mais n’était jamais parvenu à se tailler une place sur l’équipe nationale canadienne.

S’il a vu ses compagnons d’armes Kevin Bizier et Mikaël Zewski parapher des contrats de promotion après avoir connu un certain succès sur la scène internationale, Bouchard a quant à lui eu droit à « une tape dans le dos, plutôt qu’à un contrat ». Il a néanmoins décidé de plonger avec Duguay, mais rares sont ceux qui connaissent réellement le poids d’une telle instabilité.

« Comme je boxe toujours en sous-carte et que je n’ai pas de promoteur, j’apprends presque toujours l’identité de mes adversaires à la dernière minute, mentionne Bouchard. Ce n’est peut-être pas l’idéal, mais au moins, je boxe sur des gros événements. J’ai toujours beaucoup de visibilité et j’ai la chance de vivre des moments que peu de gens peuvent se vanter de vivre. »

« Sébastien est un col bleu qui travaille très fort, poursuit Duguay. Ce n’est pas un boxeur au talent naturel, mais il est devenu très cérébral au fil du temps. Nous avons fait un travail physique incroyable depuis toutes ces années et il connaît aujourd’hui le sens de la boxe.

« Si nous avions plus de temps, c’est sûr que nous pourrions aller très loin. Il pourrait remporter une ceinture intercontinentale et même se débrouiller en championnat du monde. Éric Lucas, avec qui j’ai travaillé lorsque j’étais un des assistants à Stéphan Larouche, n’était peut-être pas le meilleur, mais il a saisi l’opportunité de devenir champion lorsqu’elle s’est présentée. »

Mais à 28 ans, Bouchard sait pertinemment que le temps commence à se faire tard. Il espère toujours recevoir l’appel d’un promoteur qui l’aidera à réaliser un jour ses rêves les plus fous.

« Je vais essayer de me rendre aussi loin que je peux, mais ça commence à devenir de plus en plus dur, reconnaît Bouchard. Je ressens beaucoup de fatigue, mais heureusement, je ne suis pas hypothéqué physiquement ou mentalement. Pour l’instant, je continue de persévérer. »

« J’ai eu la chance de disputer un combat aux États-Unis et le promoteur Lou DiBella m’a fait comprendre qu’il souhaiterait peut-être travailler avec moi si j’étais classé mondialement. Il m’a dit que j’aurais avantage à évoluer chez les 147 livres plutôt que chez les 154. Mais je ne suis pas prêt à accepter n’importe quel combat aux États-Unis, car ce ne seront plus des opportunités. »

Cela dit, il est pleinement conscient qu’il n’a pas nécessairement mis toutes les chances de son côté en ayant décidé de s’établir à Québec. Il y a une certaine effervescence sur la scène amateur locale, mais il a rarement l’occasion de mettre les gants avec des gens de son niveau.

« Les gars qui peuvent me donner du bon sparring sont souvent des boxeurs amateurs, mais ce n’est pas le même genre de boxe, explique Bouchard. Quand Kevin Bizier était souvent à Québec, c’était super bon pour moi. C’est pourquoi demeurer à Québec m’aura plutôt nui.

« À Montréal, tu es proche des promoteurs et tu peux mettre les gants avec leurs gars. Les promoteurs me voient le soir de mon combat et si je ne performe pas comme je l’aurais voulu, ils doivent attendre pendant plus de six mois avant de me revoir. Ils ne peuvent pas me voir dans le gymnase tous les jours et constater que je donne du fil à retordre à leurs gars.

« Mais toute ma vie est ici, alors c’était dur de faire le move. Je me suis embarqué très tôt dans la roue de la vie. J’ai acheté ma première maison à 20-21 ans et mon premier immeuble à 22 ans. Avant que ma carrière de boxeur ne prenne de l’ampleur, j’étais déjà bien installé. »

Bouchard ne saura vraisemblablement jamais jusqu’où il aurait pu aller s’il avait décidé de faire le grand saut à l’époque. Il savait cependant pertinemment qu’il y a une vie après la boxe. Et celle-là, l’athlète originaire de Charlevoix se fait une fierté de dire qu’il l’a amplement réussie.