Cela fait déjà près d’une douzaine d’heures que Marc Ramsay est au travail lorsqu’il rencontre le représentant du RDS.ca en fin d’après-midi pour discuter du prochain combat de David Lemieux.

Depuis bien avant l’aube, Ramsay a visionné une dizaine de combats de boxe sur l’écran de son ordinateur pour s’assurer que le matchmaking d’un de ses sept boxeurs est correct. Il a ensuite préparé Kevin Bizier en vue de l’important duel qu’il disputera début novembre aux États-Unis.

Et sans oublier un rendez-vous d’affaires sur l’heure du dîner. C’est le tourbillon dans lequel l’entraîneur est plongé quotidiennement ces derniers mois. Les journées de congé sont anecdotiques pour le père de famille. Mais pour rien au monde il n’y changerait quoi que ce soit.

Même s’il est dans le milieu depuis plus de deux décennies, Ramsay s’est véritablement révélé aux yeux du grand public lorsque son plus illustre protégé Jean Pascal est devenu champion du monde en juin 2009. D’ailleurs, il semble que Pascal et Lemieux ont beaucoup en commun.

« Ils n’ont pas parcouru le même chemin, mais je vois des similitudes entre les deux, bien plus que les gens pourraient le penser, a avoué Ramsay lorsque rencontré dans un gymnase de Laval.

« Je crois qu’un champion a un profil. Il ne s’agit pas seulement d’être un champion de boxe, mais un champion dans la vie de tous les jours. Ce ne sont pas que des battants, mais aussi des gars qui ne s’écroulent pas à la première épreuve. Ils s’en servent plutôt pour se relancer.

« Quand tout le monde doutait de lui (après ses deux défaites), David a toujours continué de croire en lui. Bien plus que son entourage et même moi. Je me disais qu’il possédait toutes les habiletés pour connaître du succès, mais avait-il le caractère pour se sortir de cette misère-là? »

Appelé à la rescousse dans la foulée de la séparation de Lemieux d’avec son entraîneur de toujours Russ Anber, Ramsay n’a évidemment pas connu les débuts espérés, étant donné que son nouveau protégé s’est incliné devant Joachim Alcine par décision majoritaire des juges.

Âgé de 22 ans à ce moment-là, Lemieux était déjà rendu à la croisée des chemins et n’a eu d’autre choix que d’évoluer pour ne pas gaspiller le talent que tout le monde lui reconnaissait. Humble, Ramsay refuse d’être identifié comme le grand responsable de la métamorphose.

« L’entraîneur peut montrer un petit peu le chemin, mais la prise de conscience doit être effectuée par l’athlète. Ça doit absolument venir de lui, explique Ramsay. Quand tu ne fais pas cet ajustement, tu en paies le prix et tu peux finir par le payer très cher. Des erreurs de parcours peuvent survenir, mais les mauvais résultats peuvent venir très rapidement en boxe. »

« Depuis que je le connais, David est un individu qui carbure aux défis. Il a besoin d’un gros combat pour en arriver là et il a toujours très bien réagi aux défis que nous lui avons présentés jusqu’à maintenant. Il a aussi un côté kamikaze qui fait qu’il serait prêt à mourir dans le ring. C’est aussi dramatique que ça et c’est évidemment mon rôle de ne pas en arriver là… »

Un jeu qu’il refuse de jouer

Comme bien des entraîneurs, Ramsay ne compte pas les heures pour préparer chacun des combats de ses protégés et accepte mal que quelqu’un s’attaque à eux pour les déconcentrer.

Sans surprise, il n’a pas tellement aimé que l’entraîneur de Gennady Golovkin, Abel Sanchez, dise que le Kazakh l’emporterait samedi en raison de son intelligence supérieure dans le ring.

« Quand les gens commencent à faire des commentaires de la sorte, c’est qu’ils sont nerveux, analyse Ramsay. Un gars comme Sanchez est habituellement très terre à terre et n’en met généralement pas plus épais qu’il ne le faut. C’est pourquoi je trouve ce qu’il a dit intéressant.

« Ç’aurait été facile pour moi de répondre en me préparant des répliques, mais je ne veux pas jouer à ce jeu-là. En tant qu’équipe, nous voulons nous comporter en meneurs et nous concentrer sur ce que David peut faire pour contrôler le combat. Je pourrai toujours dire que je veux, mais ça ne changera rien lorsque la cloche sonnera. Je ne serai pas dans le ring. »

Dans un univers tissé serré comme celui de la boxe, Ramsay sait également qu’il ne sert à rien d’attiser les tensions s’il désire conserver ses bonnes relations. Concrètement, la bonne réputation de Ramsay lui a donné accès aux meilleurs partenaires d’entraînement pour Lemieux. D’ailleurs, Ramsay voue beaucoup de respect à Sanchez qu’il connaît très bien.

« Nous avons fait des camps d’entraînement ensemble à Big Bear Lake en Californie et nous savons comment nous travaillons, avoue Ramsay. C’est un type très professionnel qui s’occupe de tous les détails, car il consacre toutes ses énergies à la boxe. Il sait aussi que je mets le paquet dans chacun de mes projets. Mais pour le moment, nous sommes des adversaires. »

Heureusement, Ramsay sait qu’il n’aura pas à ramasser Lemieux à la petite cuillère, lui qui gagne en confiance plus le grand soir approche. Un souci de moins pour l’entraîneur qui en aura encore plus sur les bras d’ici à ce que la cloche annonçant le début du combat se fasse entendre.