On n'est jamais au bout de nos surprises durant les conférences de presse qui précèdent un combat de boxe majeur. Qui prendra le plancher? Qui insultera qui? Qui jouera dans la tête de qui? Généralement, on ne tarde pas à le savoir.

Le point de presse servant à mettre la table pour ce qui se passera entre Jean Pascal et Lucian Bute, samedi soir, nous a réservé un brin de surprise. On ne s'attendait sûrement pas à ce qu'un entraîneur plutôt réservé comme Marc Ramsay parte le bal. Pas le genre de gars à semer la chicane.

Contre toute attente, il a servi un jab à son collègue d'en face, Stéphan Larouche. D'ailleurs, on a eu l'impression que les deux clans s'étaient présentés avec un plan de match différent. Le groupe d'InterBox a été calme et plutôt silencieux. Celui de GYM avait des choses à dire et il les a dites sans la moindre retenue. On doit certainement au duo Ramsay-Pascal d'avoir animé ce point de presse.

Ce sont habituellement les principaux combattants qui font les frais du spectacle en pareilles circonstances. Ramsay a fait fi de son calme habituel, du moins en public, en clarifiant une situation qui le chicotait depuis longtemps. Il a appelé Larouche à modifier un comportement agressif qui ne sert personne. Il lui a reproché les déclarations voulant que Pascal soit un boxeur de quatre rounds et de 90 secondes par round. Il a déclaré qu'il n'avait jamais personnellement tenté de sortir Bute de sa zone de confort par des déclarations-chocs, ce qui lui a valu des applaudissements.

«Parler de cette façon de Jean Pascal frôle le manque de professionnalisme et de classe», a-t-il dit à Larouche à la surprise générale.

« On se prépare pour la guerre »

Une mise au point qu'il a expliquée à sa descente de l'estrade. «Depuis que nous sommes revenus à Montréal, nous avons entendu des choses ici et là au sujet de Jean, m'a expliqué Ramsay. Notre métier consiste à aller à la guerre et je reconnais que c'est difficile d'y aller sans jamais blesser personne. Sans être un ami, Stéphan est un gars que j'aime saluer. Cela dit, on ne veut pas franchir la ligne où le manque de respect devient irréparable. C'était important pour moi de donner une petite tape sur les doigts. C'était mon devoir de corriger certaines choses. Je pense que Stéphan est capable de comprendre ça. J'ai moi-même dit des choses dans le passé; je ne suis pas un saint. Je crois que c'est important pour les entraîneurs d'être à leur place.»

Larouche, qui n'a probablement pas apprécié la remarque, a néanmoins réagi calmement. Il croit que Ramsay mélange les affaires. Il nie avoir déjà dénigré personnellement un boxeur, se contentant de faire allusion à des performances passées, selon lui.

«J'ai quand même beaucoup de respect pour Ramsay, a-t-il précisé. On fait le même métier. Il est aussi passionné que moi. Je pense que ça les dérange, mais l'histoire des quatre rounds, je n'ai pas été le premier à en parler. Ça fait longtemps qu'elle court celle-là. Aujourd'hui, ils ont fait les choses pour bien paraître. Personnellement, je n'entrerai jamais dans la vie personnelle d'un athlète. Je ne twitterai jamais contre quelqu'un en pleine nuit et Lucian ne le fera pas, lui non plus.»

Le public était admis à ce point de presse présenté au centre de la patinoire du Centre Bell. Il y avait peut-être 200 amateurs de boxe sur place, majoritairement des fans de Bute, comme on n'a pas mis de temps à le découvrir. Un public attentif et poli qui a applaudi tous ceux qui ont pris la parole, y compris Pascal. Tout se passait bien jusqu'à ce que Pascal sorte de nulle part pour adresser à Bute un reproche cousu de fil blanc dans le style verbal qu'on lui connaît.

Il n'a pas digéré que Bute dise un jour qu'il allait lui fermer la gueule. «La gueule, c'est pour les animaux. Je ne suis pas un animal. Moi, j'ai une bouche, lui a-t-il dit.

« Je voulais être moi-même »

Honnn, la belle affaire! Le public a murmuré son désaccord. Fermer la gueule de quelqu'un est une expression populaire. Quelqu'un qui s'est déjà fait dire de se fermer la gueule ne s'est jamais considéré comme un animal. Il n'y avait pas de quoi fouetter un chat pour rester dans le domaine animal.

Prétendant que Bute lui avait manqué de respect, il l'a invité à se lever et à lui répéter le même commentaire, s'il avait suffisamment de couilles pour le faire. C'était si enfantin comme invitation que la foule a hué le comportement de Pascal. «Plutôt curieux venant d'un gars fort en gueule», a dit un spectateur.

Selon Larouche, Bute n'avait pas à se lever pour répondre à l'invitation de Pascal car c'est avec ses mains qu'il va lui répondre samedi.

«J'ai agi de cette façon parce que Bute est une marionnette, explique Pascal. C'est toujours Larouche qui parle pour lui. Un entraîneur n'a pas à s'élever contre un boxeur rival. C'est le boxeur qui fait face à la musique dans le ring. On se fout de ce que dit Larouche parce que ce n'est pas lui qui est dans le ring quand la cloche sonne.»

Pascal ne devait pas parler

Pascal a été fidèle à lui-même: volubile, cinglant et provocateur. Toujours aussi imprévisible. Ce n'est pas ce qui avait été prévu. Il devait se présenter au micro, lancer un «pas de commentaire», et aller se rasseoir. Encore une fois, il n'a pu résister à la tentation de prendre le plancher avant de quitter les lieux après avoir réussi un coup d'éclat. Il a paru particulièrement offusqué quand Bute, en répondant à la question d'un journaliste, a souligné que ses principaux atouts dans le combat de samedi seraient l'expérience et la vitesse.

«Bute parle d'expérience? Ai-je bien compris? J'ai fait 12 rounds contre Carl Froch, 11 contre Chad Dawson, 24 contre Bernard Hopkins et je me suis battu deux fois contre Adrian Diaconu. Des deux, je suis sûrement celui qui a de l'expérience», a-t-il dit sur un ton agacé.

« Qu'il vienne me fermer la gueule »

Son entraîneur n'a pas été surpris qu'il modifie son plan. «C'est le genre de chose que Jean fait fréquemment, a admis Ramsay en souriant. Ça fait partie de sa personnalité et ça démontre dans quel état d'esprit il est en ce moment. Il a été lui-même comme d'habitude. Je suis content de la façon dont les choses se sont passées.»

Pressé de s'expliquer, Pascal ne s'est pas défilé. «Honnêtement, Bute est un bon gars; je n'ai rien contre lui. Jouer avec l'aspect mental d'un adversaire est un comportement qui fait partie d'un combat de cette importance, a-t-il précisé. Je ne fais que vous raconter la vérité quand je vous dis que Froch et Hopkins sont meilleurs que lui. Il sera peut-être parmi les cinq meilleurs adversaires que j'aurai affrontés, mais il n'est certainement pas le meilleur.»

Malgré son opération charme de la veille à l'occasion de son entraînement public, Pascal a trouvé le moyen d'irriter une bonne partie des gens qui ont assisté à cette conférence de presse. Malgré tout, il continue d'affirmer que le public ne lui est pas défavorable.

«Ceux qui étaient là aujourd'hui étaient peut-être des gens qui avaient rempli un autobus des Cages aux sports, a-t-il ajouté. De toute façon, ce n'est pas un concours de popularité. Nous sommes là pour offrir un bon spectacle. Je veux juste que les gens fassent la part des choses au lieu de se faire berner par les propos des gens d'InterBox.»

Le spectacle est officiellement commencé. Personne n'a berné personne. On a juste assisté à l'amusant folklore habituel de la boxe. Il s'agit d'un combat entre Québécois. Foncièrement, ces gens-là ne se détestent pas. Même qu'ils s'aiment bien dans certains cas. Mais il faut qu'il y ait un gagnant et un perdant. Un perdant qui a tellement à perdre dans les circonstances.

L'enjeu de cette bataille est tellement important. Chacun des deux pugilistes se battra jusqu'à sa dernière once d'énergie pour éviter que sa carrière culbute. Bute a 33 ans, Pascal en a 31. Connaissez-vous beaucoup de monde menacé perdre leur job à cet âge-là à la suite d'une seule mauvaise journée au bureau?

La rivalité éclabousse les entraîneurs
« Lucian va parler avec ses mains »