MONTRÉAL - La nécessité est la mère de l’invention et Groupe Yvon Michel (GYM) en a fait la parfaite démonstration en annonçant mardi que l’ancien champion du monde des poids super-moyens de l’IBF Lucian Bute affrontera Eleider Alvarez le 24 février prochain à Québec.

D’abord, GYM était désespérément à la recherche d’un combat porteur afin d’attirer les amateurs au Centre Vidéotron, étant donné que la télévision américaine et ses précieux dollars ne feront pas partie de l’équation. Malgré son immense talent, Artur Beterbiev - qui devrait se battre en demi-finale dans un duel éliminatoire - est encore loin d’être une tête d'affiche.

Maintenant libre de poursuivre sa carrière après avoir conclu une entente à l’amiable avec la Commission de boxe et de lutte du District of Columbia à la suite de son contrôle antidopage positif à l’ostarine dans la foulée de son choc contre Badou Jack en avril dernier, Bute souhaitait quant à lui monter dans l’arène avant la naissance de son premier enfant prévue en mars.

Finalement, ne sachant pas encore quand il aura la chance d’affronter le détenteur du titre des mi-lourds du WBC Adonis Stevenson dont il est pourtant l’aspirant obligatoire depuis plus d’un an, Alvarez y voit une formidable occasion de passer à la caisse et d’enfin se faire un nom.

« J’ai regardé les options chez les super-moyens à 168 livres, mais personne ne pouvait me promettre une revanche contre le gagnant du combat en Jack et James DeGale le 14 janvier à Brooklyn, a expliqué Bute en conférence de presse mardi. Je ne connais pas leurs intentions.

« À 36 ans, je ne veux pas de combats préparatoires parce que mes deux derniers combats étaient en championnat du monde et je pense avoir bien fait. À mon âge, je ne peux pas me permettre d’attendre un an ou deux [après le bon combat]. Une victoire contre Alvarez me permettrait de me rapprocher de mon objectif de disputer un duel de championnat en 2017. »

Il s’agit néanmoins d’un revirement de situation inattendu pour Bute, car il avait laissé entendre la semaine dernière qu’il n’envisageait pas un passage chez les mi-lourds à court terme. Le boxeur et son équipe ont assuré que cette nouvelle tentative chez les 175 livres sera davantage couronnée de succès qu’elle ne l’avait été pour les chocs face à Denis Grachev et Jean Pascal.

« Alvarez a accepté avec le sourire »

« Je revenais d’une défaite et je n’étais pas dans le meilleur esprit à ce moment-là, a rappelé celui qui a également signé une nouvelle entente qui le mènera vraisemblablement à la retraite avec GYM. Je suis devenu un nouveau boxeur depuis et la confiance est revenue. À mes deux derniers combats, j’ai assurément prouvé que j’ai encore de la très bonne boxe en moi. »

« Ce n’est pas du tout le même Bute. Il est complètement différent, a confirmé son entraîneur Howard Grant. Lucian est beaucoup plus positif que par le passé parce qu’il est entouré de gens positifs. Le poids m’importe peu parce que je vois tout le travail qu’il fait dans le gymnase. Il était dans le gymnase trois semaines après son dernier combat. Il travaille tout le temps! »

Autre point de rupture avec le passé, Bute ne semble plus frileux à l’idée de croiser le fer avec un adversaire local. S’il visait à l’origine une revanche contre Pascal - dont les négociations ont achoppé jeudi dernier -, il ne considère nullement Alvarez comme un prix de consolation.

« Je ne le sous-estime pas du tout. Il a boxé plusieurs fois en sous-carte de mes combats et j’ai eu la chance de le voir souvent à l’œuvre, a mentionné le Québécois d’origine roumaine. Il met en péril sa position d’aspirant obligatoire et ça m’indique qu’il a très confiance en ses moyens. »

Bute n’a toujours pas décidé si Angel Heredia fera partie de son équipe, mais il a déjà déterminé que le controversé préparateur physique ne s’occupera pas du volet nutrition. L’ex-champion a établi un contact avec un nutritionniste québécois afin de dissiper tous les doutes possibles.

Rien à perdre, tout à gagner

Aspirant obligatoire à Stevenson depuis sa victoire par décision majoritaire des juges sur Isaac Chilemba en novembre 2015 au Centre Vidéotron, Alvarez patiente malheureusement depuis déjà trop longtemps pour obtenir enfin la chance de se battre en championnat du monde.

Poursuivant sa préparation pour le combat qu’il disputera contre Norbert Dabrowski samedi midi au Casino de Montréal, le Montréalais d’origine colombienne n’a pas assisté à la conférence de presse de mardi, mais son entraîneur Marc Ramsay a dit que son protégé n’avait absolument rien à perdre contrairement à ce qu’il est possible de croire à première vue.

« Eleider a beaucoup à gagner, surtout d’un point de vue monétaire, a précisé Ramsay. C’est beau les titres mondiaux et les grands défis, mais en même temps, les boxeurs professionnels sont là pour nourrir leur famille. Il reçoit une bourse équivalente à celle qui lui a été offerte pour affronter Stevenson et advenant une victoire [contre Bute], il pourrait aller chercher le double.

« Il y a un aspect que j’ai compris avec le temps en boxe professionnelle, c’est qu’il ne faut pas attendre après les choses. Il est possible d’attendre longtemps. J’ai vu des boxeurs attendre trois-quatre ans sur la tablette en attendant que les choses se passent pour des questions de négociations ou de blessures. Le défi était acceptable et nous avons décidé de procéder. »

Comme il le mentionne chaque fois qu’il en a l’occasion depuis la victoire d’Alvarez sur Chilemba, Ramsay considère maintenant chaque combat comme une formidable opportunité de parfaire les connaissances du boxeur qu’il dirige depuis son arrivée au pays au printemps 2009.

« Ça fait déjà deux camps d’entraînement de huit semaines que je me tape pour le préparer pour affronter un gaucher, a continué Ramsay. Être gaucher, c’est un peu comme une habileté. Ce n’est pas tellement commun en boxe professionnelle que ça demande une programmation et nous avons le luxe depuis longtemps de travailler tout ça en gymnase et en compétition. »

Évidemment, Ramsay n’en sera pas à sa première confrontation contre Bute, lui qui était dans le coin de Pascal lorsque les deux boxeurs se sont affrontés en janvier 2014. Selon l’entraîneur, il est illusoire de croire à un nouveau Bute, tout comme il ne faut pas trop se fier aux prestations - plutôt ternes et décevantes - d’Alvarez contre Edison Miranda et Andrew Gardiner notamment.

« Jean et Eleider ne possèdent pas les mêmes qualités et je ne peux pas aborder le combat de la même façon qu’avec Jean, mais Lucian reste quant à lui le même, a analysé Ramsay. Avec les années, que ce soient les boxeurs ou les entraîneurs, les gens ne changent que très, très peu.

« Et je n’ai jamais donné ça simple à Eleider : Miranda, Chilemba et maintenant Bute. J’ai amené Eleider à l’école de la boxe. Ç’a peut-être été difficile, mais je me suis ainsi assuré Eleider apprenne les bonnes choses et qu’il réagisse bien dans le ring au moment d’un mégacombat. »

À terme, le gagnant du choc Bute-Alvarez devrait affronter Stevenson à la fin avril, mais le passé nous a appris depuis longtemps qu’il ne faut absolument jamais se fier au conditionnel en boxe.

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