Environ un an après avoir vu leur affrontement prévu le 9 mai dernier être annulé en raison de la pandémie de coronavirus qui a frappé la planète, Marie-Ève Dicaire et Claressa Shields se retrouveront enfin dans un mégacombat d’unification des poids super-mi-moyens vendredi soir.

Pour la première fois de l’histoire de la boxe québécoise, un de ses représentants aura la chance de mettre la main sur les quatre ceintures majeures d’une même catégorie. Mais le défi sera de taille, étant donné que Shields a déjà réalisé l’exploit chez les super-moyennes et les moyennes.

Dicaire est cependant convaincue qu’elle possède ce qu’il faut pour créer la surprise, expliquant que son parcours l’a expressément préparée en ce sens. Retour sur sa carrière en cinq temps.

1. Dicaire contre Christina Barry II, le 21 janvier 2016 au Cabaret du Casino de Montréal

Après avoir effectué ses débuts professionnels en sous-carte d’un gala mettant en vedette David Thétoux à Sorel-Tracy, Dicaire participe au premier événement présenté en six ans au Cabaret du Casino de Montréal en croisant le fer avec l’adversaire qu’elle avait vaincue deux mois plus tôt.

L’enjeu de ce combat est particulièrement important pour Dicaire, puisqu’une prestation digne de ce nom lui assurera vraisemblablement un contrat avec Groupe Yvon Michel (GYM). Elle remporte son pari haut la main en battant Barry par décision unanime (40-36, 40-36 et 39-37).

« À tous ceux qui me disaient qu’il n’y avait pas de place pour mener une carrière en boxe féminine et que je rêvais en couleurs, je leur ai prouvé que tout est possible quand on pousse des portes, mentionne Dicaire au représentant de RDS.ca à sa sortie du ring. Je vais m’asseoir avec GYM pour déterminer le meilleur plan. »

Quelques semaines plus tard, le 8 mars, GYM annonce que Dicaire a paraphé un contrat avec l’organisation. « Nous sommes très heureux d’accueillir Marie-Ève au sein de notre famille et nous allons tout mettre en œuvre pour lui permettre de s’accomplir », dit alors Yvon Michel.

2. Dicaire contre Lisa Noel Garland, le 9 février 2017 au Cabaret du Casino de Montréal

Ayant l’honneur de disputer la première finale féminine d’un gala majeur de l’histoire de la boxe québécoise, Dicaire profite de son duel contre Garland pour offrir sa meilleure prestation depuis le début de sa jeune carrière, elle qui ne compte que six combats au compteur à ce moment-là.

L’Américaine de la Caroline du Sud est la rivale la plus expérimentée qu’elle a affrontée jusque-là et la Québécoise ne paraît nullement intimidée par cette dernière. Elle se permet d’ailleurs d’envoyer Garland au plancher au quatrième round avec l’aide d’un crochet de sa main avant.

« L’ambiance était extrêmement cool, avoue ensuite Dicaire. C’est certain qu’on ne connaît jamais qui a acheté les billets, mais j’ai senti que tout le monde était derrière moi. Je suis tellement contente. C’est le début d’une belle histoire d’amour que nous amorçons ensemble! »

Pendant le combat, Dicaire a également dû composer avec les sautes d’humeur de Garland, qui l’a traité de b**** pendant un corps à corps au cinquième round. « Elle voulait me faire sortir de ma game en mettant de la pression continuellement, mais j’ai été capable de gérer tout ça. »

3. Dicaire contre Marisa Gabriela Nunez, le 15 février 2018 au Cabaret du Casino de Montréal

Présenté en demi-finale du mémorable premier combat de Steve Bossé, le duel de Dicaire face à Nunez pour le titre vacant des super-mi-moyennes de la NABF est loin d’avoir été une formalité. Des années plus tard, la Québécoise dira à quel point ce combat a été crucial dans son parcours.

Dicaire a en effet toutes les misères du monde à composer avec une adversaire qui refuse obstinément de lui laisser dicter le rythme de l’affrontement. Peu habituée à pareille situation, elle met énormément de temps avant de trouver ses repères et commencer à lancer des coups.

Dicaire s’impose finalement par décision majoritaire (96-94, 96-94 et 95-95), même si Nunez parvient continuellement à s’immiscer à l’intérieur avant de larguer ses droites sournoises. « Habituellement, tout ce que j’essaie fonctionne, explique Dicaire. Mais là, pendant les quatre premiers rounds, tout ce que j’essayais ne fonctionnait pas. C’est la première fois de ma vie que je n’étais pas assez à l’aise pour faire tout ce que je voulais. Je n’avais pas le droit à l’erreur.

« J’ai vraiment gagné en maturité, parce qu’avant, je restais accrochée dans ces émotions-là et j’aurais essayé encore, parce que je veux donner un bon spectacle. À un moment donné, mon entraîneur m’a dit que c’était pendant les rounds plates que j’avais l’avantage et que je devais arrêter de penser à donner un spectacle. Il y a un an, je n’aurais pas remporté ce combat-là. »

4. Dicaire contre Chris Namus, le 1er décembre 2018 au Centre Vidéotron de Québec

Un tout petit peu plus de trois ans après avoir effectué ses débuts chez les professionnelles, Dicaire livre son premier duel de championnat du monde contre la détentrice du titre de l’IBF.

Dicaire et Namus disputent un combat excitant pendant lequel les échanges sont chaudement disputés. Dicaire parvient à lever son jeu d’un cran en deuxième moitié de duel grâce à l’appui inconditionnel des amateurs présents au Centre Vidéotron. Elle s’impose par décision unanime (97-93, 97-93 et 96-94) et devient ainsi la 18e championne de l’histoire de la boxe québécoise.

« C’est le combat où j’ai été puisé au plus profond de mes ressources, avoue Dicaire à la suite de son triomphe. Après le septième ou huitième round, les gens criaient tellement fort que je me disais que je ne pouvais pas les laisser tomber. Cette victoire leur revient évidemment un peu! »

« C’était un combat historique. Vous n’avez pas idée de la pression qu’il y avait sur les épaules de Marie-Ève, continue son entraîneur Stéphane Harnois. Le début du combat nous a fait un petit peu peur, mais je me suis assuré de répéter continuellement le plan de match ensuite. »

Malheureusement pour Dicaire et les membres de son équipe, les réjouissances n’ont pas le choix d’être résolument modestes en raison de tristes événements survenus quelques heures plus tôt, le champion des mi-lourds du WBC Adonis Stevenson ayant pris le chemin de l’hôpital après avoir été victime d’un violent knock-out pendant son combat face à Oleksandr Gvozdyk.

5. Dicaire contre Mikaela Lauren, le 13 avril 2019 au Cabaret du Casino de Montréal

Pour la première défense de son titre, Dicaire affronte une ex-championne du monde et ce combat est vendu comme un choc des générations : la nouvelle garde se mesure à l’ancienne.

Sans véritable surprise, Dicaire domine l’affrontement, mais est victime d’une grande frousse au deuxième round, alors qu’elle est coupée au-dessus de l’œil gauche à la suite d’un coup de tête accidentel. Pendant le reste du combat, Dicaire compose avec la crainte que l’action puisse être arrêtée à tout moment, ce qui signifierait une très amère défaite par knock-out technique.

« Ç’a été un gros apprentissage, reconnaît d’emblée Dicaire. À partir du deuxième round, j’ai décidé d’y aller un round à la fois, malgré l’adversaire. Mais ça demeure une très belle victoire. »

Lauren implore ensuite la championne de lui accorder une revanche, mais cette dernière ferme rapidement la porte à cette possibilité en affirmant qu’elle n’aurait absolument rien à gagner.

« Elle a gagné quoi? Un ou deux rounds? Je ne vois pas pourquoi je l’affronterais encore si elle n’a pas une autre ceinture à mettre à l’enjeu. Ce que je veux, c’est gagner d’autres ceintures et relever des défis. Pour être honnête, Lauren est déjà derrière moi », affirme fermement Dicaire.