MONTRÉAL – Vingt-cinq petites secondes. C’est tout le temps que cela a pris à Marie-Ève Dicaire pour tourner la page sur sa défaite contre Claressa Shields en mars dernier à Flint, au Michigan.

La Québécoise n’avait même pas encore quitté le ring qu’elle venait tout juste de partager avec la meilleure boxeuse « livre pour livre » de planète qu’elle échafaudait les plans de son retour.

« Les 25 secondes pendant lesquelles l’arbitre a levé le bras de Shields, j’ai vécu une tempête d’émotions en dedans de moi, mais ça n’a pas été long avant que je me ressaisisse et me dise : "parfait, je vais utiliser cette aventure-là, cette épreuve-là pour sortie grandie et meilleure" », a avoué Dicaire dans un généreux entretien avec RDS.ca quelques jours avant son combat contre Cynthia Lozano présenté ce soir en demi-finale d’un gala de Groupe Yvon Michel au Centre Bell.

Un premier véritable échec dans la carrière de l’athlète alors âgée de 34 ans qui n’avait connu que le succès jusque-là. Un échec qu’elle a décidé de transformer en apprentissage parce que le succès l’avait changée, comme il finit par changer absolument tout le monde sur son passage.

« Ç’a été une sorte de reality check à un moment donné, reconnaît Dicaire. Quand les choses vont vraiment bien, tu continues de travailler fort, de bien écouter, de performer... mais il y a un petit quelque chose qui fait que tu deviens juste un tout petit peu au-dessus de tes affaires. Ce soir-là, il y a quelqu’un qui a été meilleure moi et c’était complètement inacceptable à mes yeux.

« Je n’avais même pas fini ma quarantaine que j’étais déjà en train d’appeler [mon promoteur] Yvon [Michel] pour connaître la suite des choses. J’appelais ensuite [mon entraîneur] Stéphane [Harnois] et demandais ce que nous allions faire. J’étais vraiment à la recherche de solutions. »

Après une défaite comme celle que la gauchère a subie contre Shields (l’Américaine avait gagné tous les rounds sur les cartes des trois juges), il fallait évidemment éviter de tomber dans le piège de vouloir en faire trop pour prouver au monde entier qu’elle avait sa place parmi l’élite.

« Si j’avais été seule à bord, oui j’aurais commis cette erreur-là, mentionne Dicaire. Mais comme j’ai des entraîneurs qui me connaissent vraiment bien, il me disait quand c’était assez. J’étais souvent frustrée de ne pas en faire assez, mais Stéphane était toujours là pour me protéger. »

« Nous savions exactement où nous nous allions contre Shields. Nous savions que nous avions une chance de gagner, mais également de perdre, ajoute Harnois. C’est comme le combat de [ce soir] face à Lozano. L’approche est exactement la même : amener Marie-Ève au sommet dans la meilleure forme physique qu’elle pouvait être. Nous avons perdu notre dernier combat, mais Marie-Ève l’a terminé en force et a été capable de se mesurer à la meilleure "livre pour livre".

« Tu ne peux pas arriver et dire que c’est une défaite amère ou que tu es tombée de haut. Il fallait simplement remettre les pièces du puzzle en place. C’est une défaite, mais nous n’avons rien perdu de tout ce que nous avions travaillé auparavant. Nous allons avoir la chance de montrer toutes les choses sur lesquelles nous avons travaillé ces trois dernières années. »

Largement favorisée – jusqu’à 20-contre-1 – par les preneurs aux livres, Dicaire a néanmoins beaucoup à perdre contre Lozano. Une victoire lui permettra de redevenir championne des poids super-mi-moyens de l’IBF et une victoire décisive lui permettra surtout d’envisager des combats de très haute importance tant chez les super-mi-moyennes que chez les mi-moyennes.

Michel a en effet laissé entendre que des confrontations avec l’ancienne championne unifiée Cecilia Braekhus ou encore l’actuelle championne unifiée Jessica McCaskill seraient dans l’air. Une autre preuve qu’il n’y a absolument aucune raison de se laisser abattre par ses échecs.