La défaite de Kevin Bizier contre Kell Brook est probablement le revers le plus cuisant subi par un boxeur québécois sur la scène mondiale au cours des dernières années. Et pourtant nos meilleurs boxeurs en ont subi des défaites au cours des dernières années. Les exemples sont nombreux.

Bute contre Froch et DeGale, Pascal contre Hopkins et Kovalev, Lemieux contre Golovkin, Jean contre Crawford et Peterson, Stiverne contre Wilder.

Ces revers n’étaient pas les premiers. Le Québec, qui a toujours aimé et supporté ses boxeurs, a aussi assisté aux défaites suivantes.

Hart contre Pryor, Gatti contre Mayweather, Lucas contre Jones, Marcotte contre Leonard, Durelle contre Moore, Demers contre Abraham, Gaudet contre Soto.

À cette liste de revers, on doit donc ajouter Bizier contre Brook. Et ce récent revers ne sera pas le dernier. Je constate toutefois que depuis la décision prise par l’entourage de David Lemieux d’affronter Gennady Golovkin, nous remettons souvent à mon avis la volonté de nos boxeurs d’affronter les meilleurs de la planète. D’où ma question : « on fait quoi?». On demande à nos boxeurs d’éviter les écueils? Ou on leur demande d’aller au bout d’eux-mêmes? D’établir leur réelle valeur à la face du monde, quitte à être vaincu au 2e round.

J’aime souvent comparer le tennis à la boxe, et il m’est revenu le souvenir pas lointain de Milos Raonic la semaine dernière à Indian Wells. Raonic est sans contredit l’un des meilleurs joueurs au monde. Sauf qu’en finale il s’est fait démolir 6-2 et 6-0 contre Novak Djokovic, LE meilleur joueur de la planète. Pourtant Raonic avait mérité sa place en finale, tout comme Bizier avait mérité la sienne après le processus éliminatoire et sa convaincante victoire contre Fredrik Lawson. La différence entre le tennis et la boxe, c’est que Raonic disposera de nombreuses occasions de venger une défaite, et que Bizier n’aura probablement plus jamais l’opportunité d’affronter Brook.

Ce qui est décourageant dans le cas de Bizier, c’est que le revers survienne au 2e round. C'est encore pire que l'humilation enregistrée par Sébastien Demers contre Arthur Abraham alors que le boxeur de St-Hyacinthe avait été mis K.-O. au 3e round. Comme plusieurs d’entre vous, j’étais sous le choc. Bizier n’a rien pu faire. Sa carapace n’a pas pu résister au jab pénétrant du boxeur de Sheffield. Et Bizier n’a jamais été en mesure de danser avec le champion IBF aux déplacements sensationnels. Âgé de 29 ans, rapide, habile, très athlétique et avec un volume de coups étourdissant, Kell Brook est un incontournable dans la division des mi-moyens. Et nul doute que Brook peut rivaliser avec les autres maîtres de la division, que ce soit Timothy Bradley, Manny Pacquiao, Marlos Maidana, Keith Thurman ou Amir Khan.

Et Bizier?

Quelle est la part de responsabilité de Bizier pour cet échec? J’ose croire que Bizier était prêt physiquement pour cette confrontation. Homme de coeur, le jeune père de famille s’est imposé le sacrifice de s’éloigner des siens pour se préparer adéquatement pour ce duel. Toujours sérieux et stable dans sa préparation physique, j’estime qu’on ne peut pas blâmer son préparateur physique.

Est-ce le plan de match de Marc Ramsay? Vrai que l’entraîneur en prend pour son rhume récemment avec les mésaventures d’Oscar Rivas et David Lemieux, et des raclées subies par Lemieux, Pascal (dans le 1er duel contre Kovalev) et maintenant Bizier. Mais honnêtement, comment blâmer Ramsay pour le dernier combat de Bizier étant donné la différence de ressources entre les deux opposants lors du combat de samedi soir. La boxe de Bizier est basée sur l’acharnement, la pression physique, un bon crochet et un coeur. Mais la boxe de Brook repose sur tellement d’autres facteurs. C’était franchement inégal.

Puis Ramsay (avec l’aide d’Yvon Michel et d'Al Haymon) a aussi permis à Bizier d’accéder au championnat du monde, l’inaccessible rêve après les deux défaites contre Jo Jo Dan, grâce à un combat presque parfait en combat éliminatoire contre Lawson.