Les sceptiques seront confondus, comme le disait si bien le regretté Capitaine Bonhomme en faisait le récit de ses voyages irréels.

Ces paroles auraient pu être collées à tous ceux et celles qui ne croyaient pas dans les chances d’Artur Beterbiev (15-0, 15 K.-O.) de ravir la couronne du WBC à Oleksandr Gvozdyk (17-1, 14 K.-O.) avec une certaine facilité n’en déplaise aux juges du match et aux preneurs aux livres.

Comme un taureau lâché en liberté, une fois par an, dans les rues de Pampelune, en Espagne, Beterbiev a couru après son rival tout au long de la soirée qui s’est avérée difficile non seulement pour le perdant, mais aussi pour l’arbitre Gary Rosato qui a officié l’un des pires matchs de sa vie. Ça, c’est sans compter le manque de jugement de deux des trois juges qui avaient Gvozdyk en avance au moment de l’arrêt des hostilités. Même les commentateurs américains n’en revenaient pas.

Rosato a été tellement mauvais dans ce match qu’il a fallu l’intervention du commissaire de boxe de la Pennsylvanie, au premier round. Rosato avait alors décidé que Gvozdyk avait chuté. Lorsque le round a pris fin, le commissaire a renversé la décision de son officiel ce qui permettait à Gvozdyk de prendre une avance de 10-9 au lieu d’un recul de 10-8 si la chute avait été officielle.

Le commissaire s’en mêle

À la défense de Rosato, il faut admettre que le commissaire avait le droit de révision des images vidéo contrairement à l’arbitre. Mais deux autres fois au cours de la rencontre, Rosato a fait le contraire. Il aurait dû décerner deux chutes au tapis au lieu de prétendre qu’il s’agissait de glissades qui n’avaient rien à voir avec des coups de poing.

À la fin du match, Yvon Michel et moi-même avions Beterbiev en avance par 88 à 83, comme l’arbitre du New Jersey, John Portugaij. Les deux autres donnaient l’avance à Gvozdyk par 86-85 et 87-84.

Les Américains se sont fait jouer un vilain tour comme la plupart des sites tels BoxRec et The Ring, qui plaçaient Gvozdyk, Bivol et Kovalev en avant du Montréalais. Peut-être à cause de ces sites prestigieux, Gvozdyk est monté sur le ring avec une légère avance auprès des preneurs aux livres.

On avait prétendu avant le combat que Beterbiev n’avait jamais vaincu un boxeur de classe, qu’il s’était contenté d’affronter des pugilistes de deuxième ordre. Or, ceux-là s’étaient royalement trompés.

Cinquième match en trois ans

Même s’il en était à son cinquième match en trois ans, Beterbiev n’a jamais donné un pouce de répit à son adversaire. Il s’est porté en attaque dès le premier son de cloche et a foncé tête première sur Gvozdyk. Ce dernier avait pourtant assez bien commencé le combat, mais rendu au cinquième engagement, les durs coups de Beterbiev surtout au corps et à la tête ont commencé à faire sentir leur effet.

Entre les rounds, Teddy Atlas, l’entraîneur de Gvozdyk, ne cessait de répéter à son protégé de se tenir le plus loin possible de Beterbiev, de ne pas lancer son jab à courte distance. Le truc en valait la peine, mais devant une force brute comme celle du Montréalais, il était impossible de suivre le plan de match.

Heureusement que Gvozdyk avait un bon menton sinon le combat aurait duré beaucoup moins longtemps.

Au sixième, Beterbiev ne protégeait pratiquement plus son menton. Pour lui, le ring était sien. Il avait laissé tomber ses deux mains et voulait absolument en finir au plus vite. En neuvième reprise, Gvozdyk n’était plus l’ombre de lui-même. Dix ans plus tôt, Beterbiev lui avait fracturé le nez dans un match de championnat chez les amateurs. Vendredi soir, il a totalement cassé son énergie l’obligeant à mettre le genou au tapis à trois occasions en dixième reprise avant que l’arbitre Rosato mette un terme au combat.

Une autre prédiction...

Comme handicapeur, j’ai frappé droit dans le mille. J’avais prédit que Beterbiev gagnerait ce combat par knock-out après le 9e engagement, ce qui s’est avéré juste. Et dans cette même chronique, je l’avais titré : « Reverrons-nous un jour Beterbiev à Montréal? »

Aujourd’hui, vu que je suis sur une bonne lancée, je vais vous faire une autre prédiction. Oui, nous reverrons Beterbiev, que ce soit à Montréal ou à Québec. Ne soyez pas surpris si en mars prochain il se produit au Centre Bell ou au Centre Videotron, de Québec, défendre ses deux couronnes WBC et IBF contre son premier aspirant à l’IBF, le Chinois Meng Fenlong (16-0, 10 K.-O.).

Tout comme Gvozdyk, Fenlong est un Olympien. Il a perdu au deuxième tour des Jeux de Londres, en 2012. On le dit bon boxeur, mais si on jette un coup d’œil sur sa fiche, il n’a jamais battu un boxeur de première classe. Il a obtenu cette première position de l’IBF grâce à une victoire par décision dans un match éliminatoire disputé à Macao, le 1er juin dernier.

Il y a aussi cette possibilité que Beterbiev tente de ravir la couronne WBA de Dmitry Bivol. On sait que ce dernier a déjà admis qu’il voulait lui aussi mettre la main sur toutes les ceintures des mi-lourds.

Ce match est possible, mais après cet affrontement entre le Chinois et Beterbiev à moins d’obtenir un laissez-passer de l’IBF.
Mieux connu aux États-Unis

Si les Américains ne connaissaient pas tellement Beterbiev jusqu’à vendredi soir dernier, ils se souviendront qu’il n’a fait qu’une bouchée du favori, un Ukrainien, qui vit maintenant à Oxnard, en Californie.

J’ai hâte de voir quelles seront les cotes d’écoute de ce match. On se souviendra que le 4 mai dernier Beterbiev faisait une entrée fulgurante sur ESPN en défendant avec succès sa couronne IBF contre Radivoje Kalajdzic en l’éclipsant par knock-out au 5e engagement. Selon la maison de sondage Nielsen, ce match a été vu par 480 000 téléspectateurs et 126 000 autres en reprise pour un total d’environ 600 000 amateurs.

Bonne boxe!