GUADALAJARA, Mexique - Avant de devenir champions du monde en boxe professionnelle, Lucian Bute et Jean Pascal ont brillé chez les amateurs. Ils ont d'ailleurs tous les deux raflé la médaille d'or aux Jeux de la Francophonie en 2001. Pascal a également été champion aux Jeux du Commonwealth et il a représenté le Canada aux Jeux olympiques d'Athènes.

Mais pas tous les athlètes qui s'illustrent en boxe olympique vont nécessairement connaître du succès par la suite chez les professionnels. Un recruteur doit donc avoir un œil exercé et du flair. Bernard Barré en sait quelque chose. D'ailleurs, le vice-président des opérations et du recrutement au sein du Groupe Yvon Michel est présentement en voyage de dépistage aux Jeux panaméricains.

«C'est certain qu'il n'y a pas de garantie, mais le talent est vraiment important», a indiqué Barré lorsqu'on l'a croisé aux abords de l'aréna Expo Guadalajara, où les combats de boxe des Jeux panam se dérouleront jusqu'à samedi. Il faut être rapide, fort, coordonné et bon techniquement, ce qui va te donner de la puissance. Si tu as ces habiletés-là, si tu as une bonne défensive, si tu n'acceptes pas de recevoir de coups — parce que la boxe, c'est frapper l'adversaire sans se faire toucher — et si tu es un gagnant dans l'âme... Ce sont toutes des qualités qui attirent mon attention.»

Barré se targue d'avoir une bonne moyenne au bâton à titre de dépisteur, mais il reconnaît aussi avoir «passé dans le beurre» à l'occasion.

«J'ai déjà recruté un boxeur roumain qui a été champion du monde, Crinu Olteanu. Aux Jeux olympiques de 2000, il avait donné deux combats d'enfer, deux des cinq meilleurs affrontements à ces Jeux-là. J'étais très confiant en misant sur lui, a-t-il raconté. Il est arrivé à Montréal et n'a pas été capable de s'adapter. Il a fait un seul combat chez les professionnels, qu'il a gagné, puis il est retourné chez lui. Je me suis trompé.

«Parfois c'est difficile, parce qu'on n'a pas les budgets pour aller s'installer une semaine ou deux avec le boxeur chez lui. On est obligé de prendre des chances. Mais jusqu'à maintenant, on a une bonne moyenne.»

Les différences

Un bon boxeur demeure un bon boxeur, comme en font foi le cheminement des Bute et Pascal. Mais il existe certaines différences entre la boxe olympique, comme celle qu'on pratique cette semaine aux Jeux panam, et la boxe professionnelle.

«La principale différence, c'est surtout au niveau de la puissance des coups, a indiqué Barré. En boxe olympique, on sait qu'on s'en va presque toujours vers une décision, donc il faut marquer des points, être plus habile, plus rusé et plus intelligent. Et on n'a pas beaucoup de temps pour le faire, on a seulement trois rounds de trois minutes. Il faut vraiment se servir de ses habiletés et miser moins sur la puissance. Parce que même si tu envoies ton adversaire au tapis, ça ne donnera pas de point supplémentaire.

«Alors qu'à la boxe professionnelle, on sait qu'un boxeur qui a, par exemple, une fiche de 30-0 et qui a 25 K.-O. va sûrement être très populaire. Les gens vont à la boxe professionnelle pour voir qui est le patron sur le ring, qui est le plus puissant.»

Le courage, la détermination et l'endurance physique sont par ailleurs des qualités qui vont davantage payer en boxe professionnelle qu'en boxe olympique.

«On a vu plusieurs boxeurs professionnels tourner un combat à leur avantage parce qu'ils ont une résistance ou une endurance exceptionnelle, a souligné Barré. Par exemple, Gaétan Hart a fait une courte carrière chez les amateurs parce qu'il ne gagnait pas de combats. Chez les professionnels, il ne gagnait jamais le premier round sauf qu'il ne ralentissait jamais. Plus les combats étaient longs, plus il finissait par détruire l'adversaire. Il a remporté énormément de victoires de cette façon. Il est même devenu un des meilleurs au monde puisqu'il s'est battu en combat de championnat du monde. Avec un talent limité, mais une endurance exceptionnelle.

«En boxe amateure, tu peux gagner en reculant tout le temps, a par ailleurs expliqué Barré. J'ai connu des champions olympiques qui ne sont jamais allés par en avant. Sauf qu'ils étaient des maîtres en contre-attaque, des boxeurs qui n'étaient ni forts ni puissants mais qui réussissaient toujours à toucher la cible, un peu comme en escrime.»

Marquer des points

La façon de marquer des points — et de remporter un combat, donc — diffère aussi selon qu'on se batte chez les amateurs ou les professionnels.

«En boxe olympique, la cible c'est en haut de la ceinture, le devant du visage et le devant du corps, excepté les épaules et les bras, a expliqué Barré. Il faut marquer des points avec un transfert de poids. Il faut qu'au minimum, trois des cinq juges qui sont disposés autour du ring pèsent un bouton dans l'espace d'une seconde pour que ça donne un point.

«En boxe professionnelle, la qualité des coups entre en ligne de compte. Il faut toucher la cible et la domination physique est importante. Qui mène le combat? Qui est le patron sur le ring? C'est plus difficile pour un boxeur qui est faible physiquement de dominer un combat en boxe professionnelle, à moins d'être carrément exceptionnel, d'être super-rapide.»