MONTRÉAL – Le décès de Patrick Day – annoncé mercredi en fin d’après-midi – a évidemment bouleversé le monde tissé serré de la boxe professionnelle. L’Américain est trépassé des suites d’une lésion cérébrale subie à la suite d’un knock-out survenu samedi soir dernier à Chicago.

Boxeurs, entraîneurs, promoteurs et commentateurs ont spontanément exprimé leur profonde tristesse après le départ de l’un des leurs. L’homme âgé de seulement 27 ans était notamment reconnu pour son implication auprès de sa communauté de Freeport dans l’État de New York.

Parmi ceux qui ont été les plus touchés par la mort de Day, il y a Steven Butler. Le Montréalais et l’Américain s’étaient en effet lié d’amitié il y a quelques années lorsqu’ils avaient servis de partenaire d’entraînement à l’ancien aspirant mondial chez les poids mi-moyens Kevin Bizier.

« Nous avions mis les gants ensemble et nous avions ensuite commencé à parler, a raconté Butler, vendredi après-midi, en marge d’une rencontre visant à faire la promotion de son choc du 23 décembre prochain contre le champion « régulier » des moyens de la WBA Ryota Murata.

« C’est quelqu’un qui me rejoignait beaucoup. Je viens de la Guadeloupe et lui d’Haïti, alors nous nous parlions dans un mélange d’anglais et de créole tout le temps! Nous avions un profond respect que nous avons eu à l’instant que nous avions commencé à parler. Encore récemment, je disais à ma femme à quel point je l’appréciais. Il était très chaleureux et positif. »

Butler a même avoué qu’il avait envoyé plusieurs messages d’encouragement à son ami dans la semaine précédant son duel contre Charles Conwell. Le Québécois était d’avis que Day pouvait le vaincre, car il avait lui-même mis les gants avec ce dernier pendant une séance de sparring. Il était loin de s’imaginer qu’il n’aurait plus jamais la chance d’échanger le moindre mot avec lui.

« C’est difficile... est-ce que je me suis remis en question [depuis l’annonce du décès de Day]? Jamais de la vie... Je suis un fighter et je vais me battre jusqu’à la fin, car je suis prêt à mourir dans le ring aussi. C’est [peut-être] stupide à dire [maintenant], mais la boxe m’a sauvé la vie.

« Si je n’avais pas eu la boxe dans ma vie, je ne serais peut-être plus là aujourd’hui en train de vous en parler. La boxe a été ma deuxième chance et c’est maintenant ma seule chance. Il y a des millions de questions que nous pouvons nous poser afin de trouver une explication... »

« Jamais de repos »

La boxe est un sport très dangereux et tout boxeur est parfaitement conscient des risques qu’il encoure en enfilant les gants et en montant dans un ring, mais il existe bel et bien des moyens de les atténuer, ont martelé le promoteur Camille Estephan et l’entraîneur Rénald Boisvert.

Day n’était peut-être pas destiné à devenir champion du monde, sauf que ses services étaient fréquemment sollicités pour servir de partenaire d’entraînement à des pugilistes de l’élite mondiale tels David Lemieux et Murata. Day était d’ailleurs connu au Japon pour cette raison.

« La vérité, c’est qu’il y a des promoteurs qui n’ont pas les moyens de garder leurs boxeurs actifs en leur donnant des combats de façon régulière pour qu’ils puissent gagner leur vie, alors ces derniers doivent servir de partenaire d’entraînement pour d’autres boxeurs, a lancé Estephan.

« Des séances de sparring avec David et Murata, qui sont parmi les meilleurs de leur catégorie, à raison de deux ou trois par semaine, il y a évidemment des risques de se faire vraiment mal. »

« C’est horrible, a ajouté Boisvert. C’est un métier où tu prends des coups en plus de faire des combats où tu prends d’autres coups. [Les partenaires d’entraînement] gagnent très bien leur vie, mais ils n’ont jamais de repos. Il n’y a jamais de repos pour le cerveau. Je ne pourrais jamais être dans le coin d’un boxeur qui servirait de partenaire d’entraînement. C’est une chose que je ne peux accepter... »

Estephan n’est pas contre l’idée que ses protégés servent de partenaire d’entraînement à des boxeurs établis, mais chaque fois, il s’assure de poser une liste de conditions très, très sévères.

« Il est hors de question qu’un de mes boxeurs serve de partenaire sans la supervision d’un coach d’Eye of the Tiger Management, a précisé Estephan. Mes boxeurs veulent toujours y aller, car ils veulent se prouver, mais je dirais qu’environ 90 pour cent du temps, je finis par refuser.

« De plus, jamais je n’accepte que mes boxeurs soient payés. Quand t’es payé, t’es obligé de faire le nombre de rounds que l’autre veut, la journée qu’il veut et à l’heure qu’il veut. Quand tu n’es pas payé, tu peux dire oui aujourd’hui et non le lendemain. Si tu as besoin de repos, tu es capable de le faire. Si tu ne peux pas récupérer, tu risques d’avoir une cicatrice à long terme. »

Les duels d’entraînement ne se déroulant pas sous la supervision des commissions athlétiques, il est extrêmement difficile d’imaginer un moyen de les encadrer. Malheureusement, il ne semble pas que ce soit le quatrième décès d’un boxeur répertorié depuis le commencement de l’année qui y changera quelque chose. Encore une fois, la vie reprend – trop? – rapidement son cours