Ce 31 juillet, je n’ai pu faire autrement que d’avoir une bonne pensée pour Eddie Melo, un boxeur qui a envahi les arènes montréalaises avec un pouvoir d’attraction qui sortait de l’ordinaire. Il aurait eu 60 ans vendredi. Mais le destin en a décidé autrement.  

Si vous ne l’avez pas vu à l’œuvre, parce que vous étiez trop jeune, vous avez manqué quelque chose. Il s’appelait Eduardo Manuel de Melo, Eddie Melo pour les initiés. Il était tellement spectaculaire et bougeait tellement vite que les Québécois l’avaient baptisé « l’Ouragan ». 

Plutôt que de célébrer son anniversaire de naissance avec sa famille ce jour-là, il gisait, mort dans son sang dans un parc de stationnement de Toronto en compagnie d’un de ses cousins,  Joao Pavano. Une première tentative de meurtre avait été tentée contre lui en 1989 mais il s’en était sauvé. Cette fois on l’avait eu. 

Il avait tout d’un champion. Il était beau. Il était jeune. Il était grand. Il avait un sourire attachant et il avait une force de frappe inégalée par personne au Québec jusque-là…  Bien disons jusqu’à ce qu’il affronte des boxeurs d’un calibre supérieur au sien. 

Non, Eddie Melo n’a jamais été reconnu comme le meilleur pugiliste à se produire au Québec, mais il faut bien l’admettre, il aura été le plus spectaculaire. 

Un petit penchant 

Malheureusement,  Eddie avait un petit penchant. Il adorait l’argent  et tout ce qui vient avec, n’hésitant même pas à tomber dans la criminalité pour arriver à ses fins.  

Eddie MeloJe suis  presque certain qu’il aurait pu coiffer une couronne mondiale s’il avait été sous la tutelle de Marc Ramsay ou bien encore de Stéphan Larouche, ces deux entraîneurs québécois qui ont permis entre autres  à Lucian Bute, Adonis Stevenson, Oscar Rivas, Artur Beterbiev, Marie-Eve Dicaire et Jean Pascal de  coiffer une couronne mondiale. 

Eddie n’avait pas les yeux cruels de Mike Tyson mais sa gestuelle d’avant-match était quelque chose que l’on n’avait jamais vu chez nous.  Jusque-là, la meilleure marche vers le ring appartenait à Paul Collette dont les fans féminins lançaient des fleurs sur son passage vers le ring. Autrement, rien du tout. 

En voyant grimper Melo entre les câbles, on aurait cru un animal enragé prêt à tout pour défendre sa peau et pour obtenir sa récompense. 

Il s’amenait au pas de course  vers l’arène, sautait parfois par-dessus les câbles.  Il faisait le tour du ring en courant  et en passant devant son rival, souvent… il  lui crachait au visage. 

Oui, il avait tout, sauf le titre de champion, n’en déplaise à tous ceux et celles qui l’ont couronné injustement.   

Melo, l’indiscipliné 

Il avait une force de frappe à faire saliver les fervents de la boxe mais dans le fond, sauf son coup de poing explosif et sa gestuelle menaçante, il était un boxeur bien ordinaire. Un amateur à qui on n’a pas enseigné les rudiments du métier de boxeur et dont le plus grand défaut était l’indiscipline. 

Pour ceux et celles qui ne l’ont pas connu, Eddie Melo était  un jeune Portugais dont la famille avait  émigré au Canada alors qu’il n’avait que six ans. 

Tout cela est bien beau, sauf que la famille, établie à Toronto,  avait oublié de demander la citoyenneté canadienne pour leur rejeton. Quand il a été assassiné par balles dans la Ville Reine, il était sous le coup d’une déportation au Portugal à cause de son dossier criminel long comme le bras. 

Dans la rue,  dès un bas âge, il était un vrai champion. Il m’avait confié à sa première année à Montréal qu’il n’avait jamais perdu un combat sur la rue. C’est à cause de ce talent naturel de dur cogneur qu’on l’a souvent engagé comme collecteur de prêts usuraires. 

Un amateur sans tuteur 

Il a connu une brillante carrière amateur : 93 victoires contre seulement 4 défaites. 

C’est Régis Lévesque qui l’a découvert et amené à Montréal en 1978. C’était alors un adolescent de 17 ans, imberbe, sans trop d’instruction. Lévesque avait eu bon œil. Le jeune Melo était  une sorte de grenade prête à exploser au moindre défi. Mais il était vulnérable et naïf. 

Il a commencé sa carrière professionnelle en 1978 par une victoire au premier round et il l’a finie par une défaite en 1986 dès le premier engagement.   

Il a été impliqué dans 44 combats.  Il en a gagné 32 dont 29 par K.-O.. Deux se sont terminés par des verdicts nuls et l’autre a été un « no contest ». 

Il a remporté la victoire par K.-O./1  à  ses quatre premiers matchs en tout début de carrière, ce qui a ouvert l’œil des connaisseurs de boxe, mais aussi des vautours qui rôdaient autour. 

Trop jeune 

Aujourd’hui, il n’aurait même pas eu droit de boxer professionnellement et de  livrer douze combats dès sa première année chez les pros.  

Dès le début de sa carrière, on l’a usé à la corde. En 1978, Il a disputé deux matchs par mois en mars, en avril, en mai et en août. Il les a tous gagnés, dont six par K.-O.. 

Oh, il a fait beaucoup d’argent. Mais à 17 ans, souvent l’argent et le bas âge ne font pas bon ménage. 

Comme entrée fulgurante sur la scène montréalaise cela en fut toute une. Il avait remporté la victoire par K.-O. dans neuf de ses premiers combats. 

Sa fiche était alors de 12-0-0—10 K.-O.  Régis avait vu juste.  Les gens accouraient pour voir à l’œuvre ce jeune prodige. On avait tellement confiance en son talent qu’après seulement neuf combats victorieux, on décida de le mesurer au vétéran de quelque 75 matchs Gary Broughton (29-42-5) , à la salle Rizzo, de St-Léonard. Il remporta la victoire haut la main. 

Un enfant contre un champion 

Melo avait à peine 18 ans quand on a décidé de l’opposer à  Fernand Marcotte, le champion canadien et certainement un de nos meilleurs pugilistes du temps.    

Dans le temps, il n’y avait pas de Régie des sports de combat  provinciale. Et la Commission athlétique de Montréal ne voulait pas sanctionner un match entre un adolescent et un champion. Le promoteur Régis Lévesque a donc fait demi-tour et s’est retrouvé à Verdun, alors ville autonome.  Encore aujourd’hui, on parle de cet événement comme un des plus spectaculaires à avoir été présenté dans l’Auditorium devant une foule record. 

Croyez-moi, il y avait des amateurs de boxe partout dans l’Auditorium. Les sièges étaient tous occupés. Il y avait  des gens debout. Certains étaient même grimpés sur des tables. Le combat fut violent pendant dix assauts et quand le dernier son de cloche s’est fait entendre, la réaction des amateurs était partagée.  

Décision partagée 

Finalement, les trois juges rendirent leur décision. Eddie O’Brien, 47-45 Marcotte. André Millette et Marcel Lavigne 47-45…  Melo. 

Melo sortit ainsi victorieux par décision partagée. Enragé et frustré par cette décision, le père et gérant de Marcotte lança un puissant coup de poing au visage du juge Marcel Lavigne. Si bien  que ce dernier se retrouva à l’hôpital. 

Moins d’un an plus tard, Marcotte racheta cet impair en arrachant une décision partagée à Melo au Forum de Montréal. 

C’était le commencement de la fin. Cinq mois plus tard, l’Américain Vinny Curto, chassé de la Floride et un maître dans l’art de la défense mais sans force de frappe respectable se moqua du jeune homme. Pour la deuxième fois de  sa carrière, le protégé de Régis Lévesque s’avouait vaincu par décision unanime. 

 À ce moment, on a pu constater que le style de Melo ne s’améliorait pas. Il continuait à faire ses frasques d’avant-match, mais ses adversaires ne craignaient plus ses menaces.  Quelque chose clochait. Certains disaient que Melo se droguait mais j’ai toujours eu des doutes là-dessus.  

Un premier K.-O.  

C’est le 11 mars 1980 que Melo, alors âgé de 19 ans,  apprit comment un K.-O. pouvait détruire une carrière. Ce soir-là, Gary Summerhays défendait sa couronne canadienne des mi-lourds pour la quatrième fois.  

Melo a pu tenir le coup mais au 11e, il dut céder devant un Summerhays beaucoup plus expérimenté que lui. Comment le jeune homme a-t-il pu résister aux nombreux coups de Summerhays? Par son énergie, par sa fougue de jeunesse.  Certes pas par sa science de boxe. 

C’est en 1983 que l’idole de Régis Lévesque, de Guy Emond et de nombreux amateurs de boxe a décidé de retourner dans sa province d’adoption. Entre 1983 et 1986, il était devenu un simple faire-valoir. On l’opposait à des rivaux de piètre qualité. Il a livré six combats en Ontario, deux au Québec et les deux autres dans son pays natal, le Portugal, où il a mis fin à sa carrière.  

Le 23 mai 1986, à Lisbonne,  il succomba dès le premier round devant un rival de deuxième ordre du nom  de Jose Seys (15-10-3). Soudainement l’Ouragan était devenu une simple brise. 

La GRC l’avait à l’œil 

Depuis quelques années, Melo avait eu maille à partir avec la justice à plusieurs occasions, à Montréal et à Toronto. Pendant son audience pour déportation, un agent de la GRC déclara qu’au cours des ans, Melo avait été accusé de voies de fait, de port d’armes illégal et de fraude sans compter sa participation dans une rixe dans un bar. 

Toujours selon l’agent en question, Melo avait aussi souvent rencontré et servi de chauffeur privé pour des gens influents du milieu dont Frank Cotroni. Il n’a jamais eu le temps de retourner dans sa terre natale. 

Prince sur le ring… mort dans la rue. C’est une bien triste fin pour un jeune homme qui avait tout pour être roi de son art. 

Bonne fête quand même et repose en paix. 

Bonne boxe!