A quelques heures seulement de l’affrontement entre Jean Pascal et Sergey Kovalev, la question qu’il faut se poser c’est : « qui a le plus à perdre dans ce combat ? »

Si Jamais Kovalev devait subir la défaite, les connaisseurs de boxe diraient : « C’est un boxeur très ordinaire tout ce qu’il a battu dans sa vie ce sont des faires-valoir et un quinquagénaire ». Et du côté de Jean Pascal, suite à une victoire, on dirait: « c’est bien beau, mais maintenant, on vient de s’éliminer de la scène internationale ».

Il y a quelques semaines, j’étais plutôt froid devant cette évaluation des deux pugilistes en cause. Mais il faut se rendre à l’évidence. Une victoire de Pascal le mènerait à un duel contre son compatriote, Adonis Stevenson donc il ne serait pratiquement d’aucune importance pour les Américains. Et si on ne peut pas se fier sur les réseaux américains pour faire de l’argent, on est en péril. Et sans fils de l’Oncle Sam, je doute que les réseaux américains soient intéressés à venir nous visiter comme c’est le cas présentement.

Localement, un affrontement entre Pascal et son ex-ami Adonis serait des plus populaires. Mais sur le plan international, ce serait une goutte d’eau dans l’océan.

On a connu cette disette chez les poids lourds tant et aussi longtemps qu’un Américain ne s’est pas pointé. Regardez bien le changement de cap maintenant que Deontay Wilder est devenu champion. Déjà on a commencé le travail publicitaire puisque Wladimir Klitschko défendra sa couronne le 25 avril prochain contre Bryant Jennings au Madison Square Garden, lui qui n’avait pas foulé le sol américain depuis 2008.

Pour le moment, les cotes sont environ 5 contre 1 en faveur de Kovalev ce qui veut dire que lorsque le combat se mettra en branle, les chances de Kovalev devraient être aux alentours de 3 contre 1.

Un fait demeure… C’est un des plus importants combats jamais présentés chez nous. Après tout, trois ceintures mondiales sont en jeu. Sergey Kovalev est reconnu comme un des plus durs cogneurs dans le monde de la boxe et de plus il est invaincu.

Quant à Jean Pascal, s’il n’est pas notre meilleur pugiliste au Canada, il est certes le plus spectaculaire, sinon sur le ring, tout au moins en paroles.

Ce combat est de la même classe que ceux entre Roberto Duran et Sugar Ray Leonard, en 1980, ou encore Laurent Dauthuile et Johnny Greco, en 1949. Et on doit aussi penser à la trilogie entre Dave Hilton et Stéphane Ouellet, Yvon Durelle et Archie Moore, Matthew Hilton et Buster Drayton, Pascal contre Bute, Jean Pascal et Bernard Hopkins, surtout dans le deuxième affrontement et qui encore.

 Ma peur

Un fait demeure… Kovalev n’a jamais rencontré un boxeur aussi talentueux que Pascal. Mais Pascal a tout de même une bonne feuille de route après s’être mesuré à des pugilistes aussi doués que Carl Froch, Chad Dawson, Adrian Diaconu et Bernard Hopkins.

A ceux qui prétendent que la force de frappe de Pascal n’est pas comparable à celle du Russe, c’est vrai. Mais il est tout de même parvenu à envoyer Bernard Hopkins au tapis à deux occasions, ce que n’a pas pu faire Kovalev.

Ma peur, c’est que Pascal n’a pas été tellement actif au cours des dernières années. Alors que Kovalev a livré 9 combats en trois ans, Pascal n’a eu que quatre batailles faciles en deux ans et demi. Ses derniers affrontements ont été relativement aisés contre Roberto Bolonti, qui a souffert de narcolepsie, de Lucian Bute, qui a eu une attaque de panique pendant onze des douze rounds de son combat, de George Blade qui n’avait pas d’affaire dans le même ring que lui et d’Aleksy Kuziemski, qui a perdu une décision unanime sans même gagner un seul round selon le juge Richard DeCarufel. Quant aux deux autres juges, ils ont donné deux rounds au visiteur.

La stratégie

Pour la stratégie chez Pascal c’est assez simple. Comme au baseball, c’est la tactique du frappe et court. Je crois qu’il ne se laissera pas prendre au piège et tenter de mélanger coup pour coup avec Kovalev en corps à corps.

Pascal est un boxeur très intelligent. Il l’a prouvé jadis contre Carl Froch.

Mais Kovalev n’est pas Carl Froch. Il peut vous faire mal que vous soyez en corps à corps ou à longue distance. Et dans un combat de douze rounds, il est certain qu’un coup passera au travers la défensive de l’autre. Si c’était Adonis Stevenson qui était l’adversaire, je vous dirais que le premier qui donnera le meilleur coup l’emportera. Mais avec Pascal, c’est différent. Il a un très bon menton, mais sa force de frappe n’est pas la meilleure. Donc c’est la stratégie de la ruse et de la finesse qui doit primer dans son cas.

Il est évident que mon cœur est avec Pascal. Mais je dois y aller avec la logique. Et la logique, ainsi que la plupart de mes amis me disent que Kovalev lui est supérieur comme boxeur, et surtout comme cogneur.

Pas de cachette

Ce que j’aime le plus chez ces deux pugilistes, c’est leur désir d’affronter les meilleurs de leur catégorie. Par exemple, Jean Pascal n’a jamais reculé ni même hésité un instant quand on lui a proposé d’affronter un monstre du ring tel Adrian Diaconu. Même chose quand on l’a pressenti pour se mesurer à Chad Dawson. Et il a accepté de faire face à Bernard Hopkins, dès qu’on lui a offert cet affrontement.

Chez Kovalev, c’est à peu près la même situation. Il n’a peur de personne. Il sait qu’il a une fortune au bout de ses poings et il affronte ceux que lui suggère sa gérante Kathy Duva sans jamais rouspéter.

Pour Kovalev, je doute qu’il déroge de sa stratégie habituelle. Il l’a prouvé contre Bernard Hopkins qui avait l’énergie nécessaire pour combattre pendant douze rounds. Il prétend qu’il ne pense même pas à passer le K.-O. à ses rivaux. Cela vient tout naturellement.

Alors que Jean Pascal est un fin négociateur, Kovalev vient à peine de commencer à toucher des bourses intéressantes, ce que n’a pas manqué notre boxeur Québécois de lui rappeler.

Ne pas se lancer tête première

Enfin, c’est un affrontement qu’il ne faut pas manquer. Je demeure convaincu que le combat sera intéressant. Jean Pascal ne se lancera pas tête première dans le feu de l’action dès les premiers instants du combat. Par contre Kovalev va tenter de l’impressionner en partant avec quelques coups de puissance, comme il l’a si bien fait, contre Bernard Hopkins et contre tous les rivaux qu’il a abattus.

Avant de dire que le combat se terminera par une mise hors de combat en faveur du Russe, il faut penser que Pascal n’a jamais perdu par KO. Il n’a même jamais visité le tapis.

Par contre, il faut avoir à l’œil cette blessure qu’il a déjà subie à l’épaule. Je sais qu’elle est totalement guérie, mais un mauvais coup au bon endroit et qui sait… le mal peut revenir.

La dernière fois que c’est arrivé, son soigneur Russ Anber était parvenu à faire des miracles en replaçant son épaule dans l’articulation. C’était dans le deuxième combat contre Diaconu… Mais Kovalev n’est pas Diaconu….

Tout comme la majorité, je crois que Sergey Kovalev sortira vainqueur de cet affrontement, mais pour une deuxième fois de suite il devra se rendre jusqu’à douze rounds et attendre le verdict des juges.

Bonne boxe