QUÉBEC - Quand Lucian Bute avait rencontré les journalistes au lendemain de sa victoire sur Glen Johnson en novembre 2011 à Québec, l’avenir semblait très prometteur pour le champion des poids super-moyens de l’IBF qui venait de défendre sa ceinture pour la neuvième fois.

Considéré comme le meilleur 168 livres à l’extérieur du Super Six, Bute semblait destiné à une rencontre au sommet avec le vainqueur du tournoi qui allait être connu six semaines plus tard. À cette époque, le Québécois d’origine roumaine semblait prêt à conquérir la planète boxe.

Un peu plus de cinq ans plus tard, Bute ne s’est pas adressé aux membres des médias quelques heures à peine après avoir subi sa quatrième défaite en sept combats contre Eleider Alvarez. La logique veut que l’heure de la retraite soit arrivée, mais « il n’y a pas beaucoup de choses qui ont changé entre ses sentiments d’hier et ceux d’aujourd’hui », dixit le promoteur Yvon Michel.

Même si Bute n’a pas rejeté complètement l’idée d’accrocher ses gants dans les minutes qui ont suivi son revers face à Alvarez, il a néanmoins d’abord dit qu’il pensait remonter dans le ring après s’être accordé une période de repos. Le citron n’aurait pas encore été totalement pressé.

« Est-ce que c’est le temps, est-ce que c’est le moment de prendre sa retraite? Moi, je propose des solutions, a lancé Michel en conférence de presse tôt samedi matin. Je n’inviterai jamais quelqu’un à continuer ou à prendre sa retraite. C’est quelque chose qui doit venir du boxeur.

« Il va faire le processus, se reposer et ensuite décider si ça lui tente de continuer, s’il a encore envie de se sacrifier, parce que faire de la boxe professionnelle, c’est sacrifier son corps tous les jours à l’entraînement et s’imposer une discipline de fer. L’idée, c’est surtout d’être réaliste.

« Il y a des scénarios qui existent et qui font que même s’il va avoir 37 ans, il pourrait revenir, s’il a le goût. Il pourrait même faire un bon bout de chemin. Ça pourrait même être une revanche contre Eleider s’il devient champion du monde. Il y a beaucoup de scénarios comme ça. »

« Il faut que ça vienne du boxeur. Je ne sais pas si Lucian est rendu là, mais je sais qu’il est très bien entouré par les frères Grant, a ajouté l’entraîneur d’Alvarez, Marc Ramsay. Ce sont des gars qui s’occupent très bien de leurs boxeurs, qui les aiment. Je ne suis pas vraiment inquiet.

« À 175 livres, je pense que c’est un peu trop gros pour Lucian, mais je pense qu’il est encore l’un des cinq meilleurs au monde à 168 livres. Ce que je dis là, ce n’est pas rien. Il a donné de bons combats à Badou Jack et James DeGale. Il peut encore surprendre beaucoup de monde. »

Pour le promoteur, la boxe regorge d’exemples de boxeurs qui sont revenus en force, alors que tout le monde les croyait pourtant rendus au bout du rouleau. À ses yeux, Bute fait partie de cette catégorie, étant donné qu’il a remporté sa part de rounds contre Alvarez hier soir.

« Sa défaite est moins pire que le knock-out que Jean Pascal a subi contre [Sergey] Kovalev. [Contre Alvarez], ç’a été deux coups de poing et c’est la première fois depuis le début de sa carrière que ça lui arrivait, a expliqué Michel. Et il n’est vraiment pas le premier à qui ça arrive.

« Après avoir subi une raclée contre Danny Garcia, Paul Malignaggi avait annoncé sa retraite et pourtant, il s’apprête à disputer son quatrième combat depuis ce moment-là. Manny Paquiao avait fait la planche pendant cinq minutes après sa défaite contre Juan Manuel Marquez et il est maintenant question d’un combat à Dubaï et il est même redevenu champion du monde. »

Mais lorsque l’auteur de ces lignes lui fait remarquer que Bute n’a jamais été autant frappé depuis le début de sa carrière à ses trois dernières sorties face à DeGale, Jack et Alvarez, il reconnaît que l’ancien champion aura fort à faire pour convaincre les amateurs d’ici de le suivre de nouveau et que les concessions ne seront pas que physiques, mais également financières.

« Faire face à la critique, ça fait aussi partie des sacrifices, a concédé Michel. S’il décide de continuer, il va devoir être conscient que les probabilités seront contre lui. Les gens ne lui donneront pas le bénéfice du doute et il peut être accablant de lire des choses négatives pendant que tu es en train de te préparer. Tout ça fait aussi évidemment partie du processus.

« S’il veut revenir pour redevenir champion, je vais lui faire un chemin pour se rendre jusque-là. Sa bourse sera proportionnelle à l’intérêt qu’il va générer. Mais il y a des choses confidentielles que nous allons discuter ensemble et je ne veux pas du tout les amener sur la place publique. »

Cinq ans après avoir amené la boxe québécoise à ses sommets inégalés, Bute pourrait se retirer la tête haute et n’aurait pas à rougir d’une carrière extrêmement honnête. Si la boxe possède sa part de retours salvateurs, elle connaît également son lot de récits lugubres. À quelques jours de ses 37 ans, Bute aurait peut-être intérêt à conclure son histoire avant qu’il ne soit trop tard.