Frank Sinatra l’a si bien chanté : « If you can make it there you’ll make it anywhere... it’s up to you New York, New York... »

En moins de 21 minutes, la boxe a changé de main de façon drastique. Celui au corps d’Apollon a cédé sa place à celui qui ressemble beaucoup plus à Monsieur Patate, Butterbean ou encore au Bonhomme Michelin.

C’est bien pour dire qu’il ne faut pas se fier aux apparences. Aujourd’hui, on se retrouve avec Andy Ruiz fils, triple champion WBA, IBF et WBO des poids lourds. Et Ruiz a réussi son exploit de façon magistrale en expédiant Anthony Joshua pas moins de quatre fois au tapis au cours du combat qui a duré sept rounds.

« I’ll shock the world... » (Je vais surprendre le monde), s’était écrié Ruiz durant son camp d’entraînement.

Enfin, il y en a un qui a tenu parole...

Deux des trois derniers combats de ce gala seront en lice pour le match de l’année. La confrontation gagnée de justesse par Katie Taylor contre Delfine Persoon a été l’un des meilleurs matchs de l’année jusqu’ici et Persoon a le droit de se sentir frustrée, car elle aurait dû s’en sortir avec un verdict nul.

Quant à notre combat de championnat poids lourd, il sera en lice pour le combat de l’année et le round de l’année.

Le troisième engagement a été excitant au possible. Ce fut tout d’abord Joshua, avec un solide crochet de la gauche, qui a vu le grassouillet Ruiz se retrouver au tapis. C’était la première fois en 34 combats que Ruiz se retrouvait sur les fesses dans un match.

Tel un animal blessé, Ruiz est revenu plus fort que jamais après s’être relevé et à envoyer le triple champion au sol pas une, mais deux fois.

Finalement, en septième, Ruiz n’a fait qu’une bouchée de Joshua. Après une deuxième chute, Joshua a perdu son protecteur buccal et s’est réfugié dans son coin. L’arbitre Michael Griffin, qui en était à son 356e match en carrière, a demandé à Joshua s’il voulait continuer. Le champion a répondu « oui », mais il a continué à tenir les câbles de ses deux mains. Sans aucune hésitation, Griffin a compris que le champion n’était plus en état de continuer et a décidé de mettre un terme à la rencontre.

Griffin avait entièrement raison d’arrêter le combat. Dans son coin, Joshua était lent à bouger, avait les yeux dans le vide et ses réflexes étaient trop lents.

Le « Rocky mexicain » était fou de joie après sa victoire. Il était négligé des parieurs par 23-contre-1. Ce qui veut dire que si vous aviez placé un p’tit deux sur lui, vous auriez collecté la jolie somme de 46 $.

Cette victoire chambarde totalement la liste des meilleurs poids lourds. Ruiz éclipse Joshua du premier rang et prend sa place. Deontay Wilder reste donc en deuxième, tandis que Joshua se voit octroyer le troisième rang.

Y aura-t-il un match revanche en mars prochain ou bien Joshua optera-t-il plutôt pour un combat de préparation en vue de ce match? Tout ce que l’on sait, c’est que lorsqu’on a demandé au champion déchu s’il se prévaudrait de sa clause de revanche, il a répondu sans hésiter « à 100 % ».

Ruiz devient donc le premier Américain d’origine mexicaine à être couronné champion mondial des poids lourds. En levant les bras, il n’a pas manqué de souligner : « J’ai du sang mexicain dans les veines et j’en suis fier. »

Il deviendra un fier compétiteur à Saul « Canelo » Alvarez quand viendra le temps d’organiser un combat pour la fête américaine du Mexique le Cinco de Mayo à Las Vegas en 2020.

Au moment de l’arrêt au 7e engagement, les juges Michael Alexander et Julie Lederman avaient Ruiz en avance 57-56, tandis que l’autre juge canadien Pascal Procopio optait 57-56 pour Joshua, exactement le même pointage que le mien.

Joshua ne semblait pas au meilleur de sa forme. Ce n’est certes pas le MSG rempli au maximum de sa capacité qui l’a impressionné outre mesure, lui qui s’est déjà battu devant plus de 90 000 personnes au Stade Wembley de Londres. D’ailleurs, c’est là qu’aura lieu la revanche entre les deux hommes, en septembre prochain, si jamais Joshua opte pour un deuxième combat à brève échéance.

Cette défaite de Joshua nous fait penser à celle de Mike Tyson contre James « Buster » Douglas en février 1990, à Tokyo. À la grande surprise de tous, Douglas était parvenu à passer le knock-out à Tyson au 10e engagement, même s’il était négligé des parieurs à 43-contre-1.

On a parlé du camp d’entraînement de Joshua à Miami. Il a été vu au moins une fois à South Beach, mais il prétend qu’il s’agissait uniquement d’un dîner sur une terrasse.

Ceci me fait penser à Lennox Lewis qui s’était rendu à Las Vegas deux semaines avant son match contre Hasim Rahman. Lewis faisait une apparition dans le film « Ocean’s Eleven » et il s’était tenu avec quelques grandes vedettes du cinéma oubliant parfois de s’entraîner à fond de train. Résultat : revenu en Afrique du Sud, il a perdu son titre au 5e round face à Rahman.

Avec cette défaite, on aura plus besoin de se casser les méninges avec un match contre Wilder, à moins que Joshua reprenne ses titres lors de la prochaine confrontation.

Ruiz a l’intention d’être un champion actif. Si jamais il n’affronte pas Joshua en revanche en septembre prochain, il est possible que son prochain rival soit le Russe Alexander Povetkin, le cinquième meilleur poids lourd au monde.

Smith c. « Canelo »

Tel que prévu, Callum Smith (26-0, 19 K.-O.) n’a fait qu’une bouché de Nassan N’Dam (37-4, 21 K.-O.) pour ainsi conserver sa couronne WBA des super-moyens.

Avant même que le combat ait lieu, on savait que N’Dam ne ferait pas le poids contre Smith. À 6’3’’, il a une tête d’avance sur ses rivaux. Son vœu le plus cher, c’est un affrontement avec « Canelo ». Mais si rien ne se matérialise d’ici septembre prochain, Smith oubliera « Canelo » pour se concentrer sur un autre rival et il se pourrait que ce rival soit Gennady Golovkin, présent au Madison Square Garden.

GGG se bat samedi prochain contre le Canadien Steve Rolls et ne devrait pas avoir de difficulté à sortir victorieux.

Le combat de l’année

Si vous n’avez pas vu le match entre Katie Taylor (14-0, 6 K.-O.) et Delfine Persoon (43-2, 18 K.-O.), vous avez manqué un petit bijou que l’on place tout de suite en lice dans les combats de l’année. Deux juges ont donné la victoire à Taylor par 96-94, tandis que l’autre a vu le match nul 95-95.

Personnellement je pense que c’est Don Trella qui a vu juste à 95-95. L’action n’a pas manqué du commencement à la fin et n’eut été la mauvaise performance de l’arbitre Sparkle Lee, le match aurait pu être encore meilleur.

Je me demande toujours comment une commission athlétique aussi importante que celle de New York engage une arbitre aussi incompétente que Sparkle Lee, surtout dans un match de championnat.

Elle a passé son temps à crier après les boxeuses, ce qui dérange considérablement la concentration. Elle se tient beaucoup trop près de l’action et n’endure aucun corps à corps. On aurait dû profiter de la soirée pour demander à Michael Griffin de lui montrer comment officier un combat de boxe.

C’est la seule tache que l’on peut trouver à cette superbe soirée de boxe dans la Mecque de New York.

Bonne boxe!