QUÉBEC - En prenant la mesure de Sakio Bika par décision unanime des juges samedi après-midi au Colisée Pepsi, Adonis Stevenson a franchi le dernier obstacle - sportif - qui le sépare d’un éventuel combat contre le champion unifié WBA, IBF et WBO des mi-lourds Sergey Kovalev.

Si une rencontre au sommet semble plus que jamais inévitable entre les deux meilleurs boxeurs de la division, il y a encore plusieurs étapes administratives qui les attendent avant que le duel tant attendu se concrétise. Peu importe, le champion du WBC est rendu là dans sa carrière.

La première date à retenir est celle du 17 avril, alors qu’aura lieu la mise aux enchères (purse bid) pour l’obtention des droits d’organisation du choc dans les bureaux du WBC à Mexico. Le promoteur Yvon Michel assure avoir tous les moyens pour l’emporter, mais si son homologue Kathy Duva sortait un lapin de son chapeau, le clan québécois n’entend pas se défiler.

« Nous n’avons pas l’intention d’abandonner la ceinture du WBC, parce que nous avons également l’œil sur celles de Kovalev, a expliqué Michel. Par contre, je n’ai jamais entendu parler des intentions de Kovalev si jamais son camp perdait la mise aux enchères. Que feront-ils? Si nous la perdions, dites-nous où, quand, comment, pourquoi et nous serons là. »

Ensuite, l’IBF devrait également déterminer la date de mise aux enchères pour le combat que Kovalev doit livrer à son aspirant obligatoire Nadjib Mohammedi au cours des prochains jours. Ce moment est important, puisqu’il décidera si Stevenson demeurera actif ou non cet été.

« Nous ne voulons pas leur laisser prendre le contrôle de l’agenda, a précisé Michel. Si nous attendons que Kovalev affronte Mohammedi et qu’il se blesse, ça pourrait repousser le combat à novembre ou décembre, ce qui signifierait qu’Adonis ne se serait pas battu tout ce temps-là.

« Si Kovalev-Mohammedi est confirmé, nous allons organiser un combat de notre côté. Nous souhaitons qu’Adonis se batte à Haïti, car ça aurait un cachet spécial. Il n’affronterait pas un gars de la trempe de Bika, car le choix de l’adversaire aurait vraiment moins d’importance. »

Ainsi, Stevenson et Kovalev se retrouveraient à l’automne, mais pas forcément au nouvel amphithéâtre de Québec comme originalement souhaité. La baisse du dollar canadien par rapport à la devise américaine a complètement changé la donne au cours de la dernière année.

« Nous avons toujours dit que nous voulions venir au nouveau Colisée, mais nous devrons être capables de récupérer l’argent que nous aurons investi, a avoué Michel. Nous irons là où nous serons en mesure de maximiser les ressources. Si le MGM Grand de Las Vegas nous offre cinq millions $US, ça deviendra une option. Mais notre stratégie n’est pas encore décidée. »

Il n’est également pas impossible que Kovalev tourne le dos à Mohammedi et que le combat contre Stevenson soit tenu cet été. Sauf que cette possibilité semble la moins probable à l’heure actuelle. Cela dit, le Centre Bell - déjà réservé à la fin juin - serait une destination logique.

Un impact inégalé

Si Groupe Yvon Michel (GYM) a traversé plusieurs tempêtes depuis sa création il y a plus d’une décennie, l’avenir de l’organisation est maintenant assuré pour longtemps. L’association avec l’influent conseiller Al Haymon a marqué un moment charnière dans la vie du promoteur.

Haymon a acheté du temps d’antenne sur des chaînes généralistes et câblées américaines et Michel est l’un des quatre promoteurs qui ont été choisis pour organiser les cartes de Premier Boxing Champions, la série créée par le conseiller et qui entend révolutionner l’industrie.

« J’ai travaillé longtemps avec Éric Lucas et Jean Pascal et si ce n’est pas une vedette de l’autre côté, c’est extrêmement dur à vendre, a révélé Michel. Il y avait 10 000 personnes pour le premier combat entre (Adrian) Diaconu et Pascal et même pas 8000 pour le deuxième. Et nous avions mangé les profits du premier combat avec la défense optionnelle contre Sylvio Branco.

« Les gens au Québec ne sont pas des amateurs de boxe, mais des amateurs de combats entre nos gars et des gens connus. S’il fallait qu’il n’y ait plus de champion au Québec, la boxe aurait de la difficulté à suivre. Nous financions les galas de la série Rapides et Dangereux en ne nous payant pas de salaire. C’était strictement pour faire avancer les carrières de nos boxeurs. »

Avec Eleider Alvarez, Artur Beterbiev et Oscar Rivas qui ont également uni leur destinée à celle de Haymon, l’avenir s’annonce plus que prometteur. Évidemment, tout cela aurait été impossible sans la contribution de Stevenson, un boxeur que Michel avait accepté de reprendre sous son aile après un passage désastreux aux États-Unis où il a subi son unique défaite.

« Nous sommes vraiment partis de rien, s’est rappelé le promoteur. Après son combat contre Aaron Pryor fils, Adonis avait défié Lucian Bute et personne ne lui donnait la moindre chance de se rendre là. Il est maintenant rendu à six victoires consécutives en championnat du monde et aucun boxeur québécois ne peut se vanter de ça à l’exception de Bute. Pas même Arturo Gatti.

« Et l’impact qu’Adonis a eu sur l’industrie, c’est inégalé. C’est lui qui a amené Haymon. C’est lui qui a amené la télévision généraliste américaine. C’est lui qui a permis à Beterbiev de toucher d’importantes bourses en début de carrière. Et c’est lui qui permettra à Alvarez et Rivas d’avoir l’occasion de se faire valoir dans des conditions optimales. Son influence est énorme. »

Malgré tout, Stevenson ne parviendra probablement jamais à convaincre ses détracteurs, mais nul n’est prophète en son pays. « Ça chiale pas mal plus contre lui au Québec qu’à l’extérieur, a mentionné Michel. Dès que nous avons dit que nous voulions aller à la mise aux enchères pour affronter Kovalev, plus personne n’a dit qu’il voulait l’éviter. Ce sera un dur combat, vraiment. »