La division des poids lourds est maintenant l’affaire des Britanniques et ce n’est pas de sitôt que l’on verra une des quatre couronnes revenir chez l’Oncle Sam.

Tyson Fury, un boxeur de qui ont disait qu’il avait des oreillers à la place des poings, est maintenant le monarque du WBC et Anthony Joshua est détenteur des trois autres titres.

Le combat entre Deontay Wilder et Fury a été furieux, mais à sens unique. Il valait les 70 $ US pour le voir à la télé payante.

J’ignore si je me trompe ou non, mais à un certain moment, je crois que c’est en quatrième ou cinquième reprise, j’ai cru voir Fury lécher le sang sur l’épaule de Wilder. Si tel est le cas, je me pose des questions sur la santé mentale du nouveau champion.

Le pire, c’est qu’il n’y a pratiquement personne de ce côté de l’Atlantique qui peut aspirer aux grands honneurs, à moins que Wilder retrouve enfin ses sens et se mesure à nouveau à Fury, cette fois, en vrai boxeur.

J’aimerais qu’on m’explique comment un champion pugiliste comme Wilder, qui a terrassé tout ce que l’on a présenté devant lui au cours des douze dernières années, est soudainement devenu une sorte de zombie, sans puissance, sans équilibre et sans force? Peut-être ne portait-il pas les cheveux assez longs, comme Samson?

Dès son entrée

Dès son entrée sur le ring, on sentait que quelque chose n’allait pas chez Wilder. Disons qu’il marchait drôlement, sans équilibre. Il ne démontrait pas cet air de frondeur qu’on lui connaissait si bien. Et dès le premier son de cloche, il était évident que ce n’était pas celui qu’on avait connu et favorisé comme champion, qui recevait autant de coups de la part de son rival.

À 273 livres, Fury avait l’air d’un monstre géant face à Wilder, 43 livres moins lourd que lui. Et Fury a utilisé ce surpoids et sa force physique tout au long de la rencontre pour neutraliser totalement son adversaire. Si bien qu’à la cinquième reprise, l’arbitre Kenny Bayless a enlevé un point au Britannique pour avoir trop utilisé cette force bestiale. Pour ce geste, dans un match aussi important, Bayless mérite une médaille de bravoure.

La meilleure entrée

En somme, c’est lors de l’entrée en scène, de la marche vers le ring, des deux pugilistes qu’on a compris que Wilder ne faisait pas le poids.

Fury s’est présenté à la foule confortablement assis sur un trône surélevé, tiré sur les épaules de ses porteurs. On aurait dit un pharaon, tout droit sorti d’Égypte, jouant dans un film de Cecil B. DeMille. Et pas tellement derrière lui, son épouse Paris, qui ressemblait à Cléopâtre, mais avec des cheveux blonds.

Disons que cette entrée spectaculaire remporte le prix de la meilleure présentation de toute l’histoire de la boxe. Sous le thème de la chanson Crazy, admirablement bien interprétée par la regrettée Patsy Cline, Fury, enroulé dans sa tunique rouge et blanche avait déjà l’air d’un roi.

Immédiatement après cette entrée triomphale, Wilder est apparu, masqué et flanqué de son entourage. Un rappeur déclamait une sorte de complainte.

Parler du combat, c’est difficile, car l’affrontement s’est déroulé à sens unique. Fury a foncé sur son rival tel un taureau enragé face à son matador, dès le premier son de cloche et il n’a jamais ralenti. Tout ce qu’il voulait, sans égard pour sa défense, c’était de maîtriser le champion et lui ravir sa ceinture. Il a admirablement bien réussi.

Au tapis

Wilder s’est retrouvé au tapis aux 3e et 5e engagements et quand le coin de Wilder a décidé de jeter l’éponge en 7e reprise, j’avais Fury en avance par 59-52. Je n’avais pas donné un seul round à l’Américain, ce qui est étonnant pour un boxeur qui n’avait jamais été vaincu.

À partir du troisième engagement, Wilder saignait de la bouche et de l’oreille. Au moment d’écrire ces lignes, on ne savait toujours pas s’il avait subi une perforation du tympan. Il n’avait plus d’équilibre et manquait visiblement de force pour contrer les charges de son rival, ce qui pourrait être le résultat de sa blessure à l’oreille.

En septième reprise, dans son coin devant ses seconds, Wilder a tenté de résister tant bien que mal aux coups de Fury mais il ne ripostait pas. Or, Mark Breland, a fait signe à l’arbitre d’arrêter le match.

Wilder a admis qu’il aurait pu continuer le combat. C’est Breland, lui-même un ex-boxeur, maintenant entraîneur, qui a décidé de mettre un terme à la rencontre.

« Je vais bien. Des choses semblables peuvent arriver dans la vie d’un boxeur, a souligné Wilder après sa défaite. Le meilleur homme a gagné ce soir, mais j’aurais voulu continuer. Je reviendrai plus fort la prochaine fois. »

C’était la première fois depuis les Jeux olympiques de 2008 à Beijing, en Chine, que Wilder était battu. Le dernier homme à le vaincre n’est nul autre que l’Italien Clemente Russo. Depuis ce jour, le Bombardier bronzé avait tout détruit devant lui sauf Fury.

Pas tenu promesse

Fury n’a pas tenu parole... Il avait promis de régler le cas de Wilder par knock-out au deuxième engagement. Il faut l’excuser, car il a fallu attendre jusqu’au septième pour la victoire. Par contre, il y est allé d’une petite chanson après son triomphe, comme c’est si souvent son habitude.

Frank Sinatra a dû se tourner dans sa tombe en entendant le champion chanter haut et fort la chanson Bye Bye Miss American Pie. Il a même présenté le micro au promoteur Bob Arum, qui a turluté quelques notes.

Comme amuseur public, c’est difficile de demander mieux que Fury. On sent qu’il a déjà participé à des matchs de lutte...

Parlant d’Arum, j’ignore s’il a dit vrai en ayant prédit que le match serait acheté dans deux millions de foyers. Un fait demeure toutefois. La recette générée par les 15 816 personnes à l’intérieur du MGM Grand Arena est de 16 916 440 $, ce qui éclipse le record pour un match de poids lourds établi par l’affrontement entre Lennox Lewis et Evander Holyfield, de 16 860 300 $ en novembre 1999.

Et l’avenir?

Lorsqu’on a demandé à Fury ce qu’il entendait faire avec sa couronne, il a répondu : « Deontay est un vrai guerrier. Je sais qu’il lui faudra un peu de temps pour récupérer de ses blessures, mais il reviendra. Il a le cœur d’un champion. Je veux la trilogie, parce qu’il est un cogneur de puissance. S’il refuse, alors ce sera la tâche des promoteurs de me trouver un nouveau rival. »

Fury n’a pas voulu trop s’étendre sur le sujet d’affronter Anthony Joshua cette année. Il y a cette clause de revanche avec Wilder et c’est ce que Fury considère comme primordial. Dans le cas de Joshua, on sait qu’il est censé se mesurer à son premier aspirant Kubrat Pulev, le 20 juin prochain, mais les pourparlers ne sont toujours pas terminés.

Adieu l’Amérique

En somme, c’est peu probable que les quatre couronnes reviennent en Amérique d’ici peu. Le meilleur Américain est Trevor Bryan (20-0, 14 K.-O.), le premier aspirant à la couronne de Joshua, à la WBA, mais il n’est pas de calibre pour Fury.

Les meilleurs espoirs se retrouvent surtout en Angleterre, où on y retrouve le vétéran Dillian Whyte et les jeunes Daniel Dubois (14-0, 13 K.-O.) et Joe Joyce (10-0, 9 K.-O.). Les deux doivent s’affronter le 11 avril prochain, en Angleterre. Il faut aussi retenir le nom de Tony Yoka (7-0, 6 K.-O.), le médaillé d’or des Jeux olympiques de Rio, en 2016. Il avait gagné cette médaille d’or aux dépens de Joyce.

La plupart des supposés experts, dont plusieurs boxeurs, ex-champions et chroniqueurs ont tous mordu la poussière, mais pas les preneurs aux livres de Las Vegas. Ces derniers voyaient le combat à parts égales, avec une légère avance pour Wilder pas plus.

Avant le combat principal de la soirée, on a présenté trois ex-champions à la foule. Ce sont dans l’ordre Holyfield, Lewis et Mike Tyson. C’est « Iron Mike » qui a été le plus applaudi.

Parlant de Tyson, il a fait une petite crise dans le salon des invités quand il a constaté qu’un individu le filmait avec son téléphone. Il s’est approché du caméraman avec son air malin qu’on lui connaît si bien. Heureusement, un ami de l’ex-champion s’est interposé et le calme est revenu. Disons que le caméraman amateur en a été quitte pour une peur bleue...

Bonne boxe!