Au cours des 90 dernières années, le Québec a connu pas moins de 15 champions mondiaux. Jack Delaney a parti le bal en 1925 et David Lemieux a ajouté son nom au groupe sélect samedi soir dernier, au Centre Bell.

Le Québec peut donc se vanter d’avoir présentement dans ses rangs deux champions mondiaux, Adonis Stevenson et maintenant David Lemieux.

Si vous n’avez pas vu le combat, vous avez peut-être raté l’affrontement de l’année.

Lemieux s'attire les éloges

David Lemieux a prouvé hors de tout doute qu’il faisait partie de la famille des grands de la boxe. Sa tâche n’a pas été facile. Il avait devant lui un rival qui ne voulait tout simplement pas abdiquer.

Quatre fois, Lemieux a envoyé son rival au tapis, mais chaque fois, le Camerounais se relevait. Notre Québécois n’a donc pas été en mesure de fracasser la marque de six chutes au tapis, réussies par Peter Quillin, contre le même rival.

Ce sont donc les juges qui ont rendu la décision finale. Deux ont donné des scores de 115-109 et l’autre 114-110 en faveur de Lemieux. Personnellement j‘avais un pointage de 117-108.

Pour un type qui, selon le clan N’Dam, avait dû se faire vomir pour atteindre son poids réglementaire 24 heures avant le duel, Lemieux leur a joué un vilain tour sur un petit ring de 17 pieds par 17. Je suppose que la « petite vache » avait fait un travail miraculeux pour sa digestion.

Oscar et Bernard se félicitaient

« J'étais surpris de le voir se relever avec le sourire »

Dès le deuxième engagement, on pouvait voir Oscar De La Hoya et l’ex-champion Bernard Hopkins se taper dans le dos en se félicitant mutuellement comme s’ils avaient gagné le gros lot à la loto. Et peut-être ont-ils mis la main sur un billet gagnant avec la performance du Québécois. Et ce n’est pas tout… les deux Américains ont tellement aimé le spectacle qu’ils seraient sur le point de mettre N’Dam sous contrat.

Pas plus tard que lundi matin, Tom Loeffler, le directeur de K2 Promotions qui gère les affaires de Gennady Golovkin, a l’intention de s’entretenir avec le « Golden Boy » et tenter d’organiser un combat entre Lemieux et GGG.

De La Hoya semble favorable à un tel affrontement, mais il aimerait que Lemieux ait la chance de défendre sa couronne au moins une fois avant de finaliser un affrontement d’unification entre deux des plus durs cogneurs chez les poids moyens.

Une chose est certaine, le prochain combat de Lemieux sera présenté au réseau HBO, où les dirigeants salivent chaque fois qu’ils voient un puissant cogneur comme lui. Les téléspectateurs sont prêts à payer un bon prix pour voir à l’œuvre un pugiliste qui peut terminer un combat d’un seul coup de poing et qui donne un spectacle qui en vaut la peine.

De retour à l'automne

Lemieux aimerait livrer son prochain combat vers la fin de l’été ou encore au début de l’automne. Contre qui? S’il n’en tenait qu’à lui, il se lancerait tête première sur Miguel Cotto, ou bien Saul Alvarez, ou encore Andy Lee, Daniel Jacobs ou Gennady Golovkin.

En voyant frapper Lemieux avec ses coups de puissance au corps et à la tête le long des câbles, je n’ai pu faire autrement que de me souvenir de ce fameux soir du 27 juin 1987, au Forum de Montréal, alors que Matthew Hilton coiffait la couronne mondiale IBF des super-mi-moyens aux dépens de Buster Drayton. Si vous voulez faire la comparaison, allez sur YouTube et tapez Matthew Hilton vs Buster Drayton et vous verrez que les deux Québécois ont des styles qui se ressemblent

Ce duel avait été d’une violence digne des grands combats tout comme ce fut le cas samedi soir au Centre Bell. Car il ne faudrait pas croire que N’Dam s’est avéré une proie facile.

Quatre fois, il est allé au tapis et chaque fois il s’est relevé. « Le pire, c’est que chaque fois qu’il se relevait, il souriait, de dire David Lemieux. Je me demande encore comment il faisait pour se relever. Je l’ai cogné avec toute la force possible, mais pourtant, il se relevait à chaque occasion. »

Lemieux a pris les choses aisément dans les deux derniers rounds et par moment, j’ai eu la frousse. Assis tout près du ring, nul autre qu’Oscar De La Hoya qui avait tenté cette stratégie de ralentir son tempo contre Felix Trinidad dans un match très serré. Il en avait été quitte pour une défaite de justesse par décision partagée. S’il avait maintenu le même rythme que dans les rounds précédents il serait sorti victorieux. D’ailleurs, on a vu sa réaction plutôt craintive dans les deux derniers engagements en surveillant le travail de Lemieux.

Heureusement, notre nouveau champion n’est pas tombé dans le piège.

Il y est allé mollo, mais tout en restant bien alerte.

La porte des grandes ligues

La porte des grandes ligues s’ouvre toute grande devant David Lemieux qui mérite tous les honneurs de son titre. Après avoir subi deux revers contre Marco Antonio Rubio et ensuite contre Joachim Alcine, il s’est pris en main.

« C’est entièrement de ma faute si j’ai perdu ces deux combats, se souvient-il amèrement. Je me suis dit que je changerais mon mode de vie et mon style et j’ai réussi à le faire. »

Depuis cette dernière défaite en 2011, Lemieux a livré neuf combats. Il les a tous gagnés et huit ont été le résultat de K.-O.

En voyant Lemieux à l’œuvre, je pense que Bernard Hopkins et Oscar De La Hoya se revoyaient sur le ring. Le plus drôle dans tout cela, c’est que pendant que le Golden Boy criait à Lemieux d’y aller à la tête, Bernard Hopkins lui suggérait d’aller au corps. Mais après chaque round, les claques dans le dos ne manquaient pas. Il était évident que les deux grands de la boxe étaient ravis de la performance de leur protégé.

Un fait demeure : Lemieux est un boxeur qui se donne entièrement à chacun de ses combats, un peu comme le faisait jadis le regretté Arturo Gatti. Il cogne comme Matthew Hilton et peut finir une bataille comme le fait si bien Adonis Stevenson, tous des champions qui ont fait leur marque.

Aujourd’hui, il faut se rappeler que deux autres des nôtres, Artur Beterbiev et Eleider Alvarez, cognent à la porte des grands.

J’ai l’impression que d’ici la fin de l’année, le Québec comptera un autre champion mondial. Devinez qui? Ses initiales sont A. B.

Aujourd’hui, on ne peut faire autrement que féliciter David Lemieux pour son ardeur au travail et sa détermination à être le meilleur et lui souhaiter bonne chance pour le futur.

Pour son gérant Camille Estephan, c’est un grand jour, lui qui avait vu plus tôt en semaine le poids lourd Bermane Stiverne signer une entente de trois ans avec Don King.

Bonne boxe!