Tony Bellew, un piège pour Adonis Stevenson?

Plusieurs d’entre vous seront sans doute tentés de dire non, mais n’oubliez pas qu’on ne peut jamais écarter un adversaire du revers de la main avant un combat, et ce, peu importe ce qu’on a vu ou entendu.

Un boxeur n’est jamais à l’abri de se faire jouer un tour. C’est d’ailleurs arrivé à Stevenson lors de sa seule défaite en carrière, face à Darnell Boone. Parlez-en aussi à Ismayl Sillakh, qui a trébuché devant Denis Grachev, et Carl Froch, qui a évité le pire contre George Groves le week-end dernier.

On ne peut demander à un boxeur de ne pas penser qu’il va l’emporter par K.-O. quand c’est ce qu’il a fait à ses 12 derniers combats. Adonis respire donc la confiance, mais s’il tenait sa victoire pour acquise, il n’aurait pas investi autant de ressources dans ses camps d’entraînement et sa préparation. On l’aurait vu s’il avait pris Bellew à la légère. Ce n’est pas le cas et il a fait tout le nécessaire.

Lorsqu’il a erré lors de son premier duel face à Boone, Stevenson ne se méfiait pas. Il était alors le genre de boxeur qui se lance à corps perdu sur ses adversaires pour s’imposer physiquement. Il avait d’ailleurs envoyé Boone au tapis à deux reprises au premier round. Dans sa tête, il allait l’achever au deuxième.

Erreur.

Depuis ce trépas, Stevenson a énormément évolué. Il est beaucoup plus stratégique que par le passé. Il est capable d’évaluer son adversaire et d’utiliser quelques rounds pour analyser la situation.

Lorsqu’il a passé le K.-O. à Chad Dawson dès le premier round, ce n’est pas parce qu’il s’est lancé sur lui. C’est plutôt son adversaire qui a usé de cette stratégie. Stevenson s’est déplacé et a utilisé son jab. Le K.-O. est arrivé d’un seul coup parce que Stevenson a une force de frappe hors du commun. La différence, c’est qu’il sait dorénavant comment l’utiliser efficacement.

En étant beaucoup plus cérébral que par le passé et en utilisant beaucoup plus son boxing IQ, il a beaucoup moins de chances de se faire jouer un tour. Il ne faut pas confondre un boxeur puissant avec un boxeur bagarreur. Stevenson n’appartient pas à cette seconde catégorie. Oui, c’est un boxeur de puissance, mais aussi un boxeur d’habiletés.

Stevenson réfléchit beaucoup sur le ring et c’est avant tout pour cette raison que je ne crois pas qu’il prêche par excès de confiance. C’est sans compter qu’il est encore extrêmement affamé même s'il en est déjà à son troisième combat de championnat du monde en six mois seulement.

Stevenson voit en Bellew un boxeur qu’on lui a imposé et non un adversaire qu’il a choisi. Il vise les grands de sa catégorie, Andre Ward et Carl Froch notamment. Il ne voudrait donc certainement pas ternir sa réputation en trébuchant devant Bellew. Son image de Superman, d’artiste du K.-O. et de boxeur spectaculaire, il a bien l’intention de la protéger d’une contre-performance contre Bellew.

Il devra toutefois faire preuve de patience contre Bellew samedi soir. À l’instar des joueurs de la NBA qui à l’époque formaient un carré sur le terrain pour s’échanger le ballon et écouler le temps avant l’instauration de la règle des 30 secondes pour effectuer un tir au panier, Bellew est en mesure de s’installer sur le ring et barrer les bras d’un adversaire. Sa force, et je suis convaincu que ce sera sa stratégie contre Stevenson, c’est de se coller sur son opposant, le retenir et lui faire perdre patience pour étirer le combat le plus longtemps possible.

Stevenson ne provoquera donc pas inutilement les corps à corps. Il tâchera plutôt d’utiliser sa vitesse et sa mobilité pour garder Bellew hors d’équilibre et l’empêcher de se coller sur lui.

Un combat intriguant

Le combat précédant celui de Stevenson contre Bellew sera par ailleurs très intrigant, alors que Sergey Kovalev a rendez-vous avec Ismayl Sillakh.

Beaucoup de gens pensent peut-être que ce ne sera qu’une formalité pour Kovalev, mais Sillakh demeure un boxeur brillant, habile et qui frappe avec autorité. Je m’attends donc à un K.-O. lors de ce combat.

C’est le plus grand défi de la carrière de Kovalev jusqu’à maintenant.

Or, l’intérêt de ce combat est surtout que le gagnant sera peut-être le prochain adversaire potentiel de Stevenson en cas de victoire face à Bellew. À suivre.

Un test pour Bizier

Ce gala présenté au Colisée Pepsi de Québec nous permettra par ailleurs de mesurer la profondeur du talent de Kevin Bizier.

Face à Jo Jo Dan, le boxeur québécois disputera alors un combat extrêmement important pour la suite de sa carrière.

Jo Jo Dan a déjà disputé un combat éliminatoire et il se classe avantageusement sur la scène internationale, mais il n’est pas parvenu à s’imposer lors de combats serrés. Il n’a donc pas démontré qu’il est capable de rivaliser avec les meilleurs de la division des mi-moyens.

Bizier a quant à lui terminé son apprentissage et il se battra pour devenir aspirant numéro deux et surtout prouver qu’il appartient à l’élite de la division.

Une victoire de Jo Jo Dan ne le fera pas tellement progresser, mais un gain de Bizier va simplement confirmer tous les espoirs qu’on fonde en ce dernier.

Lemieux va se faire cogner

David Lemieux est prêt pour la prochaine étape et il aura l’occasion de le prouver samedi face à Jose Miguel Torres.

Classé sixième par la IBF, ce dernier représente un adversaire du niveau de Marco Antonio Rubio, qui a déjà vaincu Lemieux. Torres cogne avec énormément d’autorité comme en témoignent 24 de ses 27 victoires acquises par K.-O. Il n’a jamais perdu avant la limite. C’est un test solide pour Lemieux.

Quand ce dernier s’est incliné devant Rubio, on a constaté en faisant l’autopsie de sa défaite qu’il y avait vraiment des failles immenses dans sa préparation et son approche de l’entraînement. Tout ça a été complètement corrigé.

Je le vois à l’entraînement, je parle avec son entraîneur régulièrement et je peux vous assurer qu’il possède une fondation solide. Il ne se dégonflera pas après cinq ou six rounds comme ce fut le cas face à Rubio, alors qu’il a manqué d’énergie.

Cette fois, face à Torres, il va se faire frapper. Dans ce combat déterminant d’une durée de 10 rounds, il devra utiliser toutes ses ressources. Ce combat va nous donner un bon aperçu d’où il est rendu.
Cette soirée mettra aussi en vedette les poids lourds québécois Didier Bence et Éric Martel Bahoeli. Ces deux athlètes ne sont pas que des bagarreurs, ils savent boxer et utiliser leur imagination.

Mikaël Zewski et Artur Beterbiev auront pour leur part l’occasion de se mettre en valeur, bien qu’ils ne feront pas face à une grande opposition. Ils sont en apprentissage et il sera intéressant de les voir à l’œuvre. Extrêmement talentueux, ils seront à surveiller de près au fil des prochains mois et des prochaines années.

*Propos recueillis par Mikaël Filion