Jamais je ne reprocherai aux médias d’avoir mis en lumière le passé criminel d’Adonis Stevenson. Ce qui me dérange, c’est le moment où ç’a été fait. Parce qu’un quotidien a publié l’histoire, le concurrent s’est ensuite senti obligé de jouer ça encore plus gros.

Toute l’équipe avait réussi à ramener Adonis après la publication du dossier de La Presse+. Il avait eu à se défendre un petit peu, mais quand Le Journal de Montréal a fait la une avec ça, ç’a été beaucoup plus difficile. Depuis le début de ma carrière, je n’avais jamais vécu ça.

Mais Adonis est fait fort. Dans un monde idéal, nous lui aurions retiré son téléphone et son ordinateur afin qu’il ne sache pas ce qui se passait à l’extérieur. Sauf qu’Adonis tenait à parler régulièrement à sa femme, à sa mère et à ses proches. Il s’inquiétait réellement pour eux. Il se demandait sans cesse comment les gens autour d’eux pouvaient bien réagir.

Je comprends que les médias veulent publier au moment où la vedette est sur toutes les tribunes pour que l’histoire soit la plus lue possible. Mais faire ça à un boxeur, c’est pire qu’à n’importe qui d’autre. Il ne peut pas dire qu’il saute son tour pendant quelques présences.

Sincèrement, je suis content que tout ça soit arrivé contre Tony Bellew. Même s’il est un aspirant qui méritait d’être là, il n’avait pas le talent pour rivaliser avec Adonis. Si l’adversaire avait été Sergey Kovalev, je n’aurais jamais laissé Adonis monter dans le ring.

Je demeure convaincu qu’Adonis a tout ce qu’il faut pour battre Kovalev, mais pour y arriver, ça lui prendra toutes ses habiletés, toute sa concentration et toute son intelligence. Si ç’avait été Bernard Hopkins, j’aurais également beaucoup hésité. Heureusement, Adonis a vaincu Bellew.

Une virulence surprenante

La raison pour laquelle Adonis avait le visage long à sa conférence de presse d’après-combat, c’est parce qu’il n’avait pas eu du tout de plaisir à se battre contre Bellew. Dès qu’il est retourné au vestiaire, la réalité l’a rattrapé. Il n’avait pas du tout le goût de parler de sa victoire.

Adonis n’a peut-être pas choisi les bons mots pour dire ce qu’il ressentait. Il n’a jamais déclaré que les Québécois sont racistes, mais que c’était du racisme de l’avoir mis en une pour des événements survenus il y a 15 ans. Il n’a jamais fait la première page après ses combats de championnat du monde, contrairement à Éric Lucas ou encore Lucian Bute. Adonis est déçu de la situation, mais ses paroles ont certainement dépassé sa pensée au sujet du racisme.

Chose certaine, il n’a pas manifesté son désir de quitter le Québec sur le coup de l’émotion. Toute la semaine, il a parlé avec sa conjointe de la possibilité de s’expatrier afin de protéger sa famille. Adonis est fondamentalement un gars qui calcule et pense longtemps à l’avance.

Ses trois enfants sont encore d’âge préscolaire et il s’est demandé toute la semaine : « qu’est-ce qui serait arrivé s’ils avaient été à l’école? » Il s’imaginait que ses enfants y étaient et que les gens autour d’eux l’apprenaient. Il craint que quelqu’un s’en prenne à eux ou encore à sa femme.

Par ailleurs, Adonis n’a pas accepté qu’une journaliste se présente chez sa mère. Cette dernière n’aurait jamais été informée qu’on préparait un portrait sur la vie criminelle de son fils. On lui aurait assuré que les photos de son fils ne seraient pas publiées. Étant donné que la mère d’Adonis sort de traitements de chimiothérapie, tout ça l’a énormément affecté.

Lorsqu’il avait signé son premier contrat professionnel en 2006, The Gazette avait fait un portrait très détaillé de son passé, semblable à ce qui a été publié ces derniers jours. À l’époque, les médias francophones n’avaient pourtant pas jugé ces informations dignes d’intérêt…

Sincèrement, je pensais que les gens étaient passés à autre chose. Je ne me doutais pas le moins du monde que ça reviendrait avec autant de virulence. Certainement pas sept ans après…

La réhabilitation… à condition que

S30 en prolongation : La complainte d'Adonis

J’ai lu des gens qui suggéraient à Adonis de participer à des activités caritatives afin de démontrer qu’il était repenti. Pourtant, il le fait depuis plusieurs années déjà. Adonis n’est pas pour appeler les médias chaque fois qu’il rencontre des jeunes en difficulté. Une activité en ce sens a d’ailleurs été annulée dans la foulée des révélations de la semaine dernière.

D’autres prétendent qu’Adonis devrait s’excuser en personne à ses victimes, chose qui lui est interdite par la cour en passant. Adonis s’est déjà excusé publiquement à maintes reprises et il n’est toujours pas pour commencer chacune de ses rencontres avec les journalistes en s’excusant.

D’ailleurs, j’ai reçu bon nombre de témoignages de gens qui m’écrivent pour me dire qu’ils ne comprennent pas la sévérité des critiques à son égard. Aujourd’hui, je ne peux plus imaginer des médias qui feraient encore leurs choux gras avec cette histoire. Ce serait de l’acharnement.

Je suis convaincu qu’une majorité de Québécois sont pour la réhabilitation des criminels… à condition qu’ils ne connaissent pas trop de succès dans leur nouvelle vie. C’est ça que je trouve le plus dommage dans toute cette histoire qui nous a fait vivre une semaine difficile.

Un coup de poing parfait

Nous avions promis que nos boxeurs seraient en danger pendant le gala de samedi et deux d’entre eux se sont brûlés. Didier Bence s’est fait surprendre par Éric Martel-Bahoéli, qui aura certainement la chance de se faire valoir sur nos prochaines cartes.

Kevin Bizier a quant à lui subi la défaite devant Jo Jo Dan, mais c’était très serré. Ç’a de loin été le combat de la soirée. Dan avait un peu plus d’expérience et de maturité, sauf que je reste convaincu que Bizier est promis à un bel avenir. Il aurait mérité un meilleur sort, mais ça ne sert strictement à rien de contester la décision des juges.

Dan a démontré énormément de détermination. Il s’est fait ébranler pendant le combat et malgré ça, il est passé par-dessus. J’espère être capable de présenter une revanche le plus rapidement possible. Entre-temps, nous allons ramener Bizier sur le chemin de la victoire.

David Lemieux est quant à lui redevenu la tête d’affiche qu’il était avant sa défaite contre Joachim Alcine. Son prochain combat sera présenté en finale d’un événement que nous tiendrons ici au cours des prochains mois.

David a démontré de la maturité, mais il reste encore des choses à apprendre. J’aimerais qu’il pondère davantage ses coups au lieu d’y aller tout le temps à la puissance maximale pour surprendre ses adversaires. David s’est adapté face à Jose Miguel Torres. Il est reparti!

Pour revenir à Adonis, il a été très critique de ses prestations pendant les premiers rounds. Il avait les poings et la mâchoire serrés et ne pensait qu’à faire mal à son adversaire. Heureusement, il a rapidement réalisé qu’il ne pouvait pas agir de la sorte pendant 12 rounds.

Le coup de poing qui lui a permis d’envoyer Bellew au plancher au sixième round a été parfaitement exécuté et Adonis mérite pleinement d’être nommé boxeur de l’année. Sa notoriété dépasse maintenant largement nos frontières. HBO a vraiment hâte à 2014.

N.D.L.R. Les commentaires seront permis tant qu’ils respecteront l’auteur et les personnes mentionnées dans la chronique.

*Propos recueillis par Francis Paquin