Quand on veut savoir si un combat de boxe a une dimension majeure, on observe qui se déplace pour en faire la retransmission. Quand le combat est à l'antenne du réseau HBO, c'est comme si l'autorité suprême débarquait en ville.

HBO se spécialise dans les combats de championnat du monde, sinon dans des batailles impliquant des boxeurs qui se vendent bien, que ce soit à la télé à la carte ou ailleurs.

Curieusement, HBO n'a pas attendu un grand événement impliquant un réputé boxeur américain ou un combat de championnat du monde  pour présenter son premier spectacle de l'année. Quand même étonnant que son intérêt se soit porté sur un combat à saveur locale au Québec. Peut-être que la participation de deux anciens champions du monde y est pour quelque chose. Peut-être aussi que le réseau a su reconnaître une petite mine d'or ici en 2013 : l'émergence de boxeurs  talentueux, dont l'explosif Adonis Stevenson.

Montréal y a mis le temps, mais ce petit marché s'est élevé au rang des ligues majeures à la boxe. Au fil du temps, le Québec s'est fait remarquer par ses différents champions du monde. Le groupe GYM a frappé à plusieurs portes aux États-Unis. Ce n'était jamais gagné d'avance. Il lui a fallu se montrer persuasif. De son côté, InterBox a fait son bout de chemin grâce à Lucian Bute qui a défendu son titre mondial à neuf occasions.

Les promoteurs étrangers ont aujourd'hui des interlocuteurs crédibles à Montréal. Yvon Michel et Jean Bédard jouissent d'une bonne réputation dans leur sphère respective. Ils ont cessé d'être de petits promoteurs qu'on a longtemps regardés de haut.

« Il y a eu un virage de 180 degrés au cours de la dernière année, explique Michel. Notre influence est proportionnelle à l'intérêt que les réseaux de télévision portent à nos boxeurs. Adonis Stevenson est extrêmement sollicité et il y a beaucoup d'intérêt pour Jean Pascal, Lucian Bute, Eleider Alvarez,  Artur Beterbiev et David Lemieux. Il n'y a pas beaucoup de compagnies qui peuvent se vanter de cela. » 

Michel dit avoir augmenté le nombre de ses contacts nord-américains. Il affirme mieux savoir comment les choses fonctionnent de A à Z.

C'est flatteur que Montréal soit reconnu comme un joueur important en boxe professionnelle. Yvon Michel a l'intention de tirer profit de cette situation pour se hisser au rang des promoteurs importants en Amérique. En 2014, il vise à devenir le numéro trois, derrière Golden Boy et Top Rank.

« Je ne pense pas qu'on puisse atteindre le niveau de ces deux-là un jour, mais nous serons importants sur l'échiquier nord-américain, dit-il. Je pense qu'on est déjà là. Quand je négocie avec un boxeur étranger, je constate la différence. Il n'y a pas si longtemps, il ne m'aurait même pas regardé. »

À titre d'exemple, un boxeur australien a donné un coup de fil à Michel après avoir reçu une proposition d'un promoteur américain. Il lui a raconté qu'il préférait travailler avec lui parce qu'il avait plus d'influence auprès des réseaux de télé.

On va s'en souvenir

Ce qui nous amène à l'affrontement Pascal-Bute. Les conséquences de ce combat risquent d'être majeures pour les deux athlètes. Pour que l'intérêt soit maintenu en vue d'une revanche, il faudra que la bataille soit chaudement disputée. Sinon, le gagnant étudiera des options intéressantes pendant que le perdant fera probablement du sur-place pendant la prochaine année.

Michel réalise qu'il en a peut-être beurré épais cette semaine quand il a déclaré que ce combat pourrait mettre fin à une carrière. Il revient sur ce qu'il a dit.

« Pour que cela se produise, il faudrait que l'un des deux boxeurs soit totalement déclassé, précise-t-il. Avec deux gars de niveau international, il serait très étonnant que cela se produise. Je suis convaincu que ce sera intense et qu'ils nous garderont sur le bout de notre siège, un peu comme le combat entre Tommy Hearns et Marvin Hagler. Il a duré trois rounds, mais dans l'esprit des gens, ce fut l'un des meilleurs combats de l'histoire. Peu importe comment ça va finir, on va se souvenir de ce  combat. »

La boxe montréalaise a évolué d'une façon remarquable au cours des dernières années. On visionne les combats de Stéphane Ouellet, d'Éric Lucas et de quelques autres et on y voit une différence énorme. On a beaucoup apprécié Lucas, qui a disputé huit combats de championnat du monde, mais on est rendu ailleurs aujourd'hui.

« J'ai beaucoup aimé Ouellet, mais si un boxeur m'arrivait aujourd'hui avec un profil comme le sien, je ne le regarderais même pas tellement nous sommes à un autre niveau », admet le promoteur.

Une vocation

La boxe est un sport qui ne pardonne pas. Ses acteurs y risquent leur santé, parfois leur vie. Ils peuvent jouer leur carrière dans un seul combat. Pour y faire sa marque, il faut de la détermination, du courage et une discipline de fer. C'est une vie de sacrifices, pas de doute, pour celui qui vise le sommet.

Librado Andrade avait l'habitude de dire que si un boxeur veut réussir sa carrière, il faut que son sport passe avant sa famille, ses amis et même sa religion. S'il n'accepte pas de s'y consacrer intensément, il ne réussira pas. Et même s'il fait tout ça, rien n'indique qu'il y parviendra.

D'ailleurs, si les réseaux de télé s'intéressent à ce qui se passe à Montréal, c'est parce que les boxeurs locaux n'hésitent pas à tout donner pour connaître du succès. Yvon Michel fournit des exemples concrets de tout ça.

« Artur Beterbiev est arrivé ici avec sa famille. Il ne parle ni anglais ni français. Il s'est établi chez nous parce qu'il veut réussir dans la boxe. La femme et les enfants d'Eleider Alvarez sont restés en Colombie. Pour pouvoir faire carrière dans la boxe, il ne les voit que deux fois par année. Jean Pascal a eu quelques baisses compréhensibles, mais c'est un super athlète. Adonis Stevenson ne sait pas quand il se battra à nouveau, mais il est déjà à l'entraînement. Nos boxeurs sont totalement dédiés à leur métier. La boxe n'est pas qu'un sport, c'est une vocation », conclut-il.