Bermane Stiverne semblait avoir fait tout ce qui était en son pouvoir pour demeurer champion des poids lourds du WBC. Dans les jours précédents la première défense de son titre contre Deontay Wilder, il avait soulevé tous les doutes possibles au sujet de son adversaire.

Vu comme le prochain grand espoir américain dans la catégorie reine de la boxe, Wilder avait encore tout à prouver, étant donné que la quasi-totalité de ses 32 victoires avaient été enregistrées aux dépens de rivaux qui n’avaient pas vraiment les moyens de rivaliser avec lui.

À l’opposé, Stiverne avait trimé dur au fil des années et n’avait certainement pas volé sa place de champion. Il possédait surtout cette expérience si importante dans ce type de duel, où la pression peut étouffer n’importe quel individu lorsque tous les projecteurs sont braqués sur lui.

Pendant le dernier face-à-face présenté vendredi à la pesée, Stiverne avait clairement eu l’ascendant et Wilder donnait l’impression de commencer à être dépassé par les événements. Mais fondamentalement, combien de combats se sont gagnés à l’extérieur du ring? Aucun.

Pourtant, le plan de match de Stiverne paraissait voué au succès sur papier. Le Québécois a rapidement pris le contrôle du centre de l’arène en début de combat, obligeant ainsi l’Américain à se déplacer continuellement et surtout à pratiquer un style qui était très loin d’être le sien.

« Ce n'était pas ma soirée »

Plutôt que de se lancer à l’attaque et de préparer sa grosse main droite dévastatrice, Wilder a dû s’en remettre à son jab et à choisir avec parcimonie les moments où il laisserait aller ses mains. Lorsque vous êtes habitué à détruire tous vos adversaires à un rythme effréné, cela demande toute une discipline. Absolument personne ne savait encore s’il la possédait.

Même s’il a échappé trois des quatre premiers rounds, Stiverne avait réussi sa première mission en amenant Wilder au-delà du quatrième assaut, zone qu’il n’avait jamais visitée en 32 combats depuis le début de sa carrière. Il s’agissait là de l’enjeu majeur du duel. Comment l’Américain allait-il réagir contre un boxeur de la trempe du Québécois? La réponse n’a laissé aucun doute.

Wilder a boxé intelligemment et n’a pratiquement jamais tenté d’échanger coup pour coup avec un adversaire dont il connaissait la force de frappe. À l’exception d’un spectaculaire moment au cinquième round - où il a d’ailleurs eu l’avantage -, il n’a jamais dérogé à sa stratégie.

La déception pour Stiverne

Plus les minutes passaient, plus Stiverne réduisait sa marge de manœuvre et ses options pour se sauver avec la victoire. Largement derrière sur les cartes des trois juges, il n’avait plus le choix que d’essayer de passer le knock-out à son rival comme il l’avait déjà fait à Ray Austin ou Chris Arreola dans le passé. Malheureusement, pour B.WARE, Wilder n’était pas Austin ou Arreola.

À la suite de l’annonce du verdict, de mauvaises langues se sont empressées de dire que Wilder était injustement avantagé par sa taille et sa portée et qu’il ne ferait pas le poids devant les autres membres de l’élite de la division. Paresse intellectuelle ou mauvaise foi? Si la boxe n’était qu’une question de grandeur, Manny Pacquiao n’aurait donc jamais malmené Chris Algieri…

Cela dit, il faut rendre au nouveau champion ce qui lui revient de plein droit. Après tout, on ne remporte pas les Gants dorés avec seulement 14 combats amateurs derrière la cravate par pur hasard. Pas plus que les essais olympiques américains avec uniquement 21 duels au compteur. Wilder a prouvé samedi soir qu’il était tout simplement trop fort et le meilleur reste à venir.

À l’opposé, il est extrêmement difficile de prédire ce qui attend Stiverne. La déception doit être vive, d’autant plus qu’il avait dû attendre pendant près de trois ans pour avoir la chance de mettre la main sur la ceinture la plus prestigieuse du monde de la boxe. Avec un promoteur - Don King - d’un autre siècle, aura-t-il encore à attendre plusieurs mois avant de remonter dans le ring? Chose certaine, le retour à la réalité risque d’être particulièrement brutal.