Le 26 février 2017, environ 250 participants internationaux étaient attendus au Centre Pierre-Charbonneaupour la tenue du Championnat canadien de jiu-jitsu brésilien.

Or, ce tournoi a été annulé suivant un avertissement de la police. En effet, cet évènement a été considéré comme illégal par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) et en conséquence, les organisateurs et participants pouvaient faire l’objet d’arrestations. Conformément à l’article 83 du Code criminel (C.cr.), le SPVM a l’autorité pour procéder à l'arrestation des organisateurs et des participants de tout combat concerté.

Plus particulièrement, le SPVM a invoqué que les combats concertés étaient illégaux au Canada et que seuls les sports de combat visés par le programme du Comité international olympique (CIO) ou du Comité international paralympique (CIP) étaient permis. Mentionnons aussi que l’article 83 (2) précise qu’un combat concerté ne sera pas interdit au Canada si le sport est désigné par le lieutenant-gouverneur en conseil de la province ou par la personne ou l’organisme qu’il désigne et si le match est tenu avec leur permission.

Championnat canadien de jiu-jitsu reporté au 5 mars 2017 et relocalisé à Ottawa

Le Championnat canadien de jiu-jitsu a finalement eu lieu le 5 mars 2017 à Ottawa.Bien entendu, la relocalisation de cet évènement a été complexe puisqu’il a fallu entre autres replanifier les déplacements et les hôtels des participants. En raison des changements de dernière minute et des inconvénients causés par l’annulation de l’évènement à Montréal la semaine dernière, ce championnat n’a pas accueilli autant de participants que prévu. Il n’en demeure pas moins qu’environ 200 athlètes ont pris part au Championnat.

Pourquoi le Championnat canadien de jiu-jitsu a pu se produire à Ottawa et non à Montréal?

Le Code criminel relève de la juridiction fédérale et il estdonc applicable à tout le territoire canadien. Par conséquent, l’article 83 trouve aussi application en Ontario. Alors pourquoi le Championnat canadien de jiu-jitsu a pu se produire à Ottawa malgré l’interdiction prévue à l’article 83 C.cr. et non à Montréal?

Puisque le Ministère du Tourisme, de la Culture et du Sport en Ontario détient une Politique sur la reconnaissance des sports pour les organismes provinciaux de sport (OPS) et les organismes multisports de l’Ontario (OMS), laquelle établit les critères obligatoires auxquels les OPS/OMS doivent satisfaire pour être reconnus par l’Ontario.

Dans le cadre de cette politique, le Ministère travaille avec la communauté des sports de combat. Les sports de combat représentés actuellement par un OPS en Ontario sont: la boxe, le jiu-jitsu, le judo, le taekwondo, le karaté, le kickboxing, les arts martiaux mixtes, la lutte et le wushu. En ce qui a trait au jiu-jitsu, il est géré par l’OPS intitulé Ontario Jiu-Jitsu Association.

Ainsi, le Ministère de l’Ontario supporte tous les sports de combat reconnus par un OPS dans le système provincial du sport amateur, ce qui n’est pas le cas au Québec. Les sports de combat reconnus sont responsables de sanctionner les évènements ainsi que de veiller à ce que les politiques de sécurité et les règlements prescrits par une fédération nationale ou internationale soient respectés. Voilà donc pourquoi l’Ontario a pu servir d’hôte à ce tournoi.

Présentement au Canada, l’Alberta, l’Ontario, la Colombie-Britannique et la Saskatchewan reconnaissent le jiu-jitsu brésilien comme sport de combat. Au Québec, le jiu-jitsu fait face à un vide juridique en ce qu’il n’est pas réglementé et qu’il n’est pas reconnu à titre d’association ou de fédération.

Zones grises et difficultés d’application de l’article 83 C.c.r.

Le tournoi, qui a été annulé le 26 février 2017, en était à sa huitième édition au centre Pierre-Charbonneau. Il faut comprendre que la police a toujours été bien au courant que ce type d’évènement avait lieu, mais elle se montrait tolérante. Or, suivant un mémo interne, le SPVM a dû appliquer rigoureusement l’article 83 et a averti les participants et les organisateurs qu’ils pourraient faire l’objet d’arrestations. Pourquoi maintenant et pas avant?

La difficulté repose sur l’interprétation de la loi. Si le jiu-jitsu brésilien est considéré illégal au Québec conformément à l’article 83 C.cr., le débat reste entier pour tous les autres sports de combat. Ce questionnement touche notamment les tournois de karaté. Si on applique l’article 83 scrupuleusement au karaté, nous serions étonnés de constater que la majorité des tournois de karaté ne sont pas légaux au Canada. En effet, pour être légal, le tournoi de karaté doit être de nature olympique. Le karaté est diversifié et se pratique sous près de 26 styles. Dans cette optique, tous les tournois de karaté, qui ne sont pas de style olympique, violent l’article 83 C.cr.

Interpréter la légalité des sports de combat sous leurs différents styles nécessite une expertise en soi. Le rôle des policiers est d’appliquer un texte de loi à un sport de combat. Ceci étant, leur façon de faire dépend intrinsèquement de leur interprétation des subtilités stylistiques des sports de combats, ce qui n’est pas évident. C’est d’ailleurs ce que de nombreux membres de la communauté du iu-jitsu brésilien reprochaient au SPVM la semaine dernière, prétextant que le SPVM ne saisissait pas la différence entre le jiu-jitsu brésilien et le jiu-jitsu traditionnel puisque lors d’un combat de jiu-jitsu brésilien, ils doivent maintenir leur adversaire au sol et le maitriser sans échanges de coups contrairement au jiu-jitsu traditionnel.

L’article 83 doit être amendé pour éviter la présence de zones grises en matière de sports de combat. Toutefois, un amendement législatif au Code criminel doit être soumis au vote d’une assemblée et un tel processus implique des délais.

Dans les circonstances, les organisateurs du tournoi de jiu-jitsu brésilien n’ont, à leur disposition, aucun autre recours aussi approprié, avantageux et efficace que de créer une Fédération pour mieux encadrer ce sport au Québec.