Le Québécois Charles Jourdain vient de franchir un cap important dans sa carrière en signant un premier contrat avec l’UFC.

Il l’admet, cette graduation arrive plus vite que ce qu'il avait anticipé et il a vécu un tourbillon d’émotions depuis qu’il a conclu dimanche une entente de quatre combats qui a été officialisée hier.

« C’est rendu plus de pression aujourd’hui que je pensais, disait Jourdain en entrevue avec RDS jeudi, à quelques semaines de son initiation le 18 mai contre Desmond Green, chez les légers. Hier, je n’étais même pas capable de décrire dans quel état j’étais. Je ne savais pas si j’avais le goût de pleurer, de chanter ou de danser. C’était très bizarre de mettre en mots comment je feelais. Tu t’imagines tous les pires scénarios et les meilleurs scénarios. Le pire, c’est que Desmond Green est gros, que j’ai encore de la misère à marcher, conséquence de mon dernier combat, alors qu’est-ce qui arrive si je perds? L’autre côté de la médaille, c’est que je suis rendu à l’UFC et c’est impressionnant.

« Quand j’ai su la nouvelle, mon entourage disait que je n’avais pas l’air excité ni surpris. Ce n’est pas que je n’étais pas content, c’est que je savais que j’avais travaillé fort pour me rendre jusque-là. Ça ne veut pas dire que je veux avoir la tête enflée et dire que je mérite d’être là, mais quand on travaille fort pour quelque chose, c’est ce qui arrive. J’étais vraiment fier, mais je n’étais pas tellement excité parce que j’ai remarqué que c’est une nouvelle partie de ma vie qui commence et une autre qui finit. J’aimais beaucoup travailler avec TKO. Maintenant que je pars avec une nouvelle compagnie, il faut dire bye à beaucoup de monde avec qui je m’entendais bien. C’est un peu comme changer de bureau, changer de job. J’étais super joyeux et super triste en même temps. »

Charles JourdainAprès avoir battu Damien Lapilus le 12 avril pour le titre intérimaire des légers, faisant de lui un double champion TKO, Jourdain (9-1-0) ne savait pas du tout ce qui l’attendait pour son dernier combat avec l’organisation. Il était prêt à honorer son contrat jusqu’à la fin, mais aussi prêt à faire le saut dans l’UFC à 23 ans.

« Il n’y a pas beaucoup de gens dans la nouvelle génération de TKO qui en ont fait autant que moi et Marc-André Barriault (qui disputera également son premier combat le 4 mai à Ottawa, ndlr). Je me suis battu neuf fois pour Stéphane (Patry) en deux ans et demi, c’est beaucoup de combats. On a vendu beaucoup de billets, on a aidé avec les médias sociaux. On s’est aidé mutuellement autant pour faire grandir la compagnie que pour grandir en tant qu’athlètes. Quand Stéphane m’a appelé pour m’annoncer la nouvelle, j’étais surpris. Je pense que j’ai fait ce que j’avais à faire pour mériter ça. Stéphane m’a donné la permission de partir et je vais lui être reconnaissant pendant longtemps », ajoute Jourdain au sujet du promoteur, qui a joué en quelque sorte le rôle d’agent dans les négociations avec l'UFC.

« C’est lui qui a tout mis en marche pour moi. Je me sentais presque mal parce qu’il ne me demandait pas de compensation financière. Il m’a dit : "Charles, tu en as fait beaucoup pour TKO, je te remercie, mais moi je ne veux rien de plus, je veux juste vous pousser. Gagnez vos combats UFC et après je vais vous présenter un gérant qui va s’occuper de vous, je vous aide à starter et après vous pouvez voler de vos propres ailes". »

Jourdain a énormément gagné en popularité depuis le retour de TKO. Il reste néanmoins que le 18 mai prochain à Rochester, dans l'État de New York, plusieurs le verront pour la toute première fois à l'oeuvre, curieux de voir un Québécois faire ses débuts dans l'octogone. Franc et charismatique, avec une forte personnalité, il veut rester fidèle à lui-même.

« Je pense que ce qui a fait mon nom, c’est ma façon de combattre qui est flamboyante et ma volonté de prendre des risques, décrit-il pour les nouveaux initiés. Il y a beaucoup de gens qui auraient préféré attendre plutôt que d’affronter Green à 155 livres, mais je ne vais pas faire ce sport toute ma vie et je vais donner mon 110 % peu importe ce qui se passe. Je vais être fier de l’avoir fait et quand je vais être plus vieux, je vais pouvoir dire que j’ai pris le plus de risques possibles chez TKO, que ce soit contre Kevin Généreux, contre Michael Cyr quand j’ai monté de poids ou contre Will Romero, un vétéran. J’ai toujours pris le chemin difficile et ç’a porté fruit alors je vais continuer avec cette mentalité. Peu importe l’issue du combat, je vais être fier de moi parce que je prends des risques et ça me fait avancer en tant que personne et en tant que combattant. »

Un gros défi pour son baptême dans l’UFC

Jourdain est conscient que plusieurs le voient perdant face à Green (22-8-0), un vétéran qui compte six combats dans l’organisation et qui vient d’empocher sa plus belle victoire en carrière contre Ross Pearson avec un K.-O. au premier round. Le combattant de Beloeil est pourtant très heureux de faire face à un défi de la sorte et surtout de l’intérêt qu’il suscite. Il ose même prédire qu'il saura bien défendre les amenées au sol et qu'il va en finir au troisième round grâce à son striking.

Desmond Green« Quand la nouvelle est sortie hier, il y a plein de médias américains qui disaient que c’est un combat à surveiller avec le jeune Charles. Desmond va en plus être dans sa ville natale donc il va y avoir plus de monde que d’habitude en début de gala. Aussitôt que j’ai commencé à me battre chez TKO, il y avait toujours énormément de monde, donc je vais pouvoir mieux feeler l’énergie, il va y avoir de la curiosité. Ça fait en sorte que je ne fais pas une entrée incognito, je fais une entrée dans l’UFC contre un vétéran qui a déjà combattu pour des titres à Bellator et qui est très populaire chez lui. Il y en a beaucoup qui disent que ce n’est pas un combat facile, mais quand tu es rendu dans l’UFC, il n’y en a jamais de facile de toute façon. »

Jourdain croyait bien que son expérience chez les 155 livres contre Lapilus allait être la première et la dernière, mais quand l’opportunité s’est présentée à lui dans l’UFC, tout en étant assuré de pouvoir redescendre dans sa catégorie naturelle ensuite, il ne pouvait pas la refuser. En congé, il pesait 153 livres la dernière fois qu’il s’est pesé avec son entraîneur de chez Asportek, Jean-Philippe Gilbert. Il s’attend à nouveau à être bien plus petit que son rival – même s’il va reprendre de la masse musculaire dans les trois prochaines semaines – et de grimper dans la cage à 162 livres tout au plus.

« Ce qu’il faut savoir, c’est que chez TKO il n’y avait pas de politique d’hydratation pendant la semaine, tandis qu’à l’UFC, on te pèse tous les jours de la semaine de combat pour savoir ton taux d’hydratation et savoir si tu es trop gros, explique Jourdain. Admettons que Green arrive à 170 et qu’il descend un peu son poids chaque jour, il ne peut pas remonter soudainement à 185, alors d’après moi, il va ressembler un peu à Damien Lapilus, à 180. Il va être gros, on va peut-être avoir un écart d’une douzaine de livres. Peut-être que je me trompe aussi, peut-être que les gars dans l’UFC ont des techniques de déshydratation que je ne connais pas vu que je suis nouveau, mais c’est ce que je pense. »

Tout juste sorti d’un camp d’entraînement, « Air » Jourdain n’a plus qu’un mois pour se préparer pour ce duel, alors qu’il se remet encore de quelques bobos. Il vivra un camp en accéléré et il compte bien maximiser son temps en termes de musculation, d’entraînement en puissance et de stratégie.

« C’est aussi de m’assurer que le cardio va bien, précise-t-il. J’ai été content de faire cinq rounds contre Damien, parce que ça m’a permis de savoir de quoi ç’a l’air une longue bataille comme ça. J’ai su que j’ai plus d’énergie à l’intérieur de moi que je pensais, je peux créer plus de situations qu’on appelle des scrambles quand on arrive au sol pour vraiment me relever rapidement et pour que lui brûle plus d’énergie que moi. En plus, c’est trois rounds cette fois-ci, même si c’est sûr que j’aurais eu un avantage à cinq rounds, mais j’ai trois rounds pour faire la job. Ça va être une préparation très semblable à ce que j’ai fait pour Jesse Ronson (qui était l’adversaire initial de Jourdain avant Lapilus, ndlr) : un gaucher qui a une bonne lutte, mais qui n’a pas peur de rester debout. Je suis prêt. »

TKO : redonner au suivant

Même si Jourdain est rendu dans les grandes ligues, il souhaite ardemment demeurer dans l’environnement de TKO pour supporter les combattants et aussi promouvoir les arts martiaux mixtes au niveau local. Il a vécu des montagnes russes chez TKO, mais surtout des moments forts, et il sent qu’il doit redonner à son sport.

« Chez TKO, on peut vivre de notre sport. J’ai eu des hauts et des bas avec Stéphane, mais à la fin de la journée, si tu en fais plus, tu vas en recevoir plus, et c’est ce que j’ai fait. Il y a beaucoup de gens qui prennent TKO pour un tremplin, mais je pense que c’est en train de devenir plus une plateforme qu’un tremplin. Pour être un tremplin vers les grandes ligues, il faut vraiment que tu sois un athlète spécial comme Jesse Ronson, Barriault ou moi-même. Ça fait trois ans que TKO est de retour, j’ai accumulé beaucoup de combats, j’en ai fait beaucoup et je pense que c’est pour ça que je suis dans la position que je me trouve présentement. Stéphane va toujours t’encourager dans tes choix. Je suis triste de passer à autre chose, mais je vais revenir voir les évènements, je vais donner de mon temps le plus possible et de mon influence sur les médias pour inciter les gens à aller voir les nouveaux gars performer. Je vais continuer d’en faire beaucoup pour eux parce qu’ils en ont fait beaucoup pour moi. »